Petit guide à l’usage du reporter débutant ou confirmé en mal d’inspiration.
Vous n’aimez pas écrire, vous ne voulez pas vous fatiguer, vous voulez juste 1 euro ? Ce guide est fait pour vous ! En respectant scrupuleusement ces quelques règles simples, vous parviendrez rapidement à écrire des articles « comme les grands » juste pour gagner l’euro symbolique !
1) Le choix du sujet
N’allez pas chercher compliqué. Aujourd’hui, qui s’intéresse aux rouages de l’économie mondiale, à l’extinction des espèces animales ou à la montée des océans ? Certainement pas vous ! Prenez un sujet qui parle à tout le monde et pour lequel vous n’aurez pas besoin de (trop) réfléchir : la délinquance juvénile, le sexe, les conflits intergénérationnels sont de bons exemples. Si vous avez peur de la polémique, essayez les recettes de cuisines, les trucs et astuces ou les remèdes de grand-mères. L’important, c’est que vous n’ayez pas besoin d’y accorder trop de réflexion.
2) Le contenu Vous devez faire vite, n’oubliez pas que le sujet de l’article n’est qu’un prétexte pour gagner 1 euro ! Restez simple et accessible et faites force lieux communs. Plus le sujet que vous aurez choisi sera simple et convenu, plus facile à rédiger sera votre article ! « Le sexe c’est sale », « les enfants sont purs et innocents », « de mon temps, on punissait les jeunes à coups de ceinture », la liste est longue, profitez-en ! Vous vous contredisez ? Ce n’est pas grave ! Pour les recettes de cuisine et autres, allez au plus simple : les livres sont là pour être recopiés. Pour perdre encore moins de temps, copiez-collez depuis un autre site internet ! Astuce : finissez toujours par un « Et vous, qu’en pensez-vous ? » Ça donnera l’illusion de vous intéresser aux lecteurs et d’avoir vraiment donné votre opinion.
3) L’orthographe Vous ne savez pas écrire tous les mots correctement ? Ce n’est pas grave ! L’écriture est un moyen pour vous de vous faire de l’argent, pas une fin ! De toute façon aujourd’hui, plus personne ne sait écrire, n’est-ce pas ? Alors qui vous en voudra ?
4) Les notes et commentaires Des gens peuvent venir commenter votre article et même lui donner (ou retirer) des étoiles. N’ayez crainte, vous n’êtes pas obligé de répondre ! Vous vous êtes beaucoup trop fatigué à écrire votre article, votre euro est maintenant dans votre solde du mois, alors plus aucune raison ne vous force à donner du temps pour entretenir votre article. Laissez les commentateurs sans réponse, de toute façon ils ne vous rapportent pas d’argent.
5) Astuces diverses Attention, vous pouvez avoir des scrupules et penser que votre article n’est pas assez long. Soyez sans crainte, il y a une parade pour allonger votre texte et sans efforts de votre part ! Agrandissez simplement la police de caractère et tout d’un coup, votre texte sera aussi long qu’un éditorial du Monde ! Au pire, si vous n’êtes pas encore convaincu, ajoutez une image ! Plus elle est grande, mieux ce sera !
PS : ce guide était bien-sûr un article satirique.
On ne peut parler de Cabourg sans évoquer Balbec que Proust dans sa Recherche peignit avec fidélité autant que poésie, surpassant la sensiblerie du touriste balnéaire avec l’affection de l’écrivain tourmenté par la maladie.
La première description de Cabourg, c’est d’abord celle du Grand-Hôtel que le narrateur viendra occuper plusieurs étés de son adolescence, inspiré par les séjours qu’y fera le Proust adulte : « Parmi les chambres dont j’évoquais le plus souvent l’image dans mes nuits d’insomnie, aucune ne ressemblait moins aux chambres de Combray, saupoudrées d’une atmosphère grenue, pollinisée, comestible et dévote, que celle du Grand-Hôtel de la Plage, à Balbec, dont les murs passés au ripolin contenaient comme les parois polies d’une piscine où l’eau bleuit, un air pur, azuré et salin. […]
Or j’avais retenu le nom de Balbec que nous avait cité Legrandin, comme d’une plage toute proche de «ces côtes funèbres, fameuses par tant de naufrages qu’enveloppent six mois de l’année le linceul des brumes et l’écume des vagues».» En arrivant à Cabourg, la première chose que l’on aperçoit du Balbec de Proust, ce ne sont pas les panneaux de gare desquels le narrateur s’émerveillait des sensations et des souvenirs, ou des promesses, que les noms lui inspiraient quant aux pays qu’ils désignaient ; la première trace de l’œuvre est la façade du Grand-Hôtel, se découpant dans la fenêtre étroite laissée à l’horizon par la rue piétonne.
Mais en contournant le Grand-Hôtel, on débouche par une petite rue (dans laquelle veillait une boutique de curiosités joliment nommée « La Madeleine ») sur la digue, au nom évocateur : promenade Marcel Proust. Une grande promenade, d’ailleurs, puisqu’elle longe quatre kilomètres de côte (la plus longue promenade d’Europe) de Franceville jusqu’au Cap Cabourg. Avant de marcher à la recherche des jeunes filles en fleurs, il faut dire un mot de la vue, telle qu’elle nous apparaît quand on arrive du Grand-Hôtel : l’étendue bleue marine et ciel, démarquée seulement en son milieu par le trait sombre de l’horizon et, comme la fondation d’une maison ou la base sur laquelle l’artiste peint sa toile, le rectangle de sable ocre. Une peinture, comme l’écrin sur lequel vint se poser un siècle ou plus de bains de mer. Et il faut se dévêtir de nos préjugés, regarder comme d’un œil neuf, pour reconnaître sur le panorama qui s’offre à nous quelque ancienne photographie, une carte postale de la Belle Epoque, où dans ses costumes fin de siècle venaient se reposer la bourgeoisie, y passer quelques semaines de vacances.
« D’ailleurs, il n’y avait même pas besoin pour rentrer de quitter la digue et de pénétrer dans l’hôtel par le hall, c’est-à-dire par derrière. […] Avec le plein de l’été les jours étaient devenus si longs que le soleil était encore haut dans le ciel, comme à une heure de goûter, quand on mettait le couvert pour le dîner au Grand-Hôtel de Balbec. Aussi les grandes fenêtres vitrées et à coulisses, restaient-elles ouvertes de plain-pied avec la digue. Je n’avais qu’à enjamber un mince cadre de bois pour me trouver dans la salle à manger que je quittais aussitôt pour prendre l’ascenseur. » « Hélas, le vent de mer, une heure plus tard, dans la grande salle à manger, […] il parut cruel à ma grand’mère de n’en pas sentir le souffle vivifiant à cause du châssis transparent mais clos qui, comme une vitrine, nous séparait de la plage tout en nous la laissant entièrement voir et dans lequel le ciel entrait si complètement que son azur avait l’air d’être la couleur des fenêtres et ses nuages blancs un défaut du verre. » Depuis le début du siècle où Proust y séjournait, le Grand-Hôtel a peu changé. Et on peut encore imaginer l’écrivain passer dans le restaurant, depuis même la digue. Certes, les fenêtres ne coulissent plus pour laisser le passage (du narrateur ou du vent) mais c’est là à notre imagination d’en dessiner le souvenir. Comme rien n’a changé depuis cette époque si lointaine dans le temps, si proche dans le cœur. Le Casino, juste à côté du Grand-Hôtel, où le narrateur fit pour la première fois la rencontre de M de Charlus : « Le lendemain du jour où Robert m’avait ainsi parlé de son oncle tout en l’attendant, vainement du reste, comme je passais seul devant le casino en rentrant à l’hôtel, j’eus la sensation d’être regardé par quelqu’un qui n’était pas loin de moi. Je tournai la tête et j’aperçus un homme d’une quarantaine d’années, très grand et assez gros, avec des moustaches très noires, et qui, tout en frappant nerveusement son pantalon avec une badine, fixait sur moi des yeux dilatés par l’attention. »
Les longues promenades sur la digue sont l’occasion pour le narrateur de s’extasier devant les charmes que la nature prodigue aux jeunes filles, celles que Proust nomme avec poésie « les jeunes filles en fleurs. » Des journées qu’il passera à chercher leurs regards, à épier leur venue, sur le fond que la mer découpe dans l’horizon de Balbec/Cabourg.
A la venue du soir, il faut marquer un temps devant le coucher du soleil. « Parfois à ma fenêtre, dans l’hôtel de Balbec, le matin quand Françoise défaisait les couvertures qui cachaient la lumière, le soir quand j’attendais le moment de partir avec Saint-Loup, il m’était arrivé grâce à un effet de soleil, de prendre une partie plus sombre de la mer pour une côte éloignée, ou de regarder avec joie une zone bleue et fluide sans savoir si elle appartenait à la mer ou au ciel. »
Mais il faut hélas ! que le temps se rappelle à nous. Nous ne sommes plus à la Belle Epoque, et des charmes nouveaux en ont remplacé d’autres plus anciens. Après un dîner sur la plage où des artistes de rues divertissaient les estivants, nous rejoignons les rues piétonnes où, attirés par la douceur goûteuse des sucreries, les promeneurs s’agencent en file devant les marchands de gaufres.
Puis il faut enfin quitter la Balbec/Cabourg, qui restera comme un point de repère sur la carte de Proust, une source de satisfaction littéraire à ciel ouvert, parmi les plus belles plages de la Basse-Normandie.
Avant d’arriver au Croisic pour la première fois, on ne s’attend pas à passer les heures qui suivront au bout du monde, rattaché seulement à la terre ferme par les rochers bretons qui subissent continuellement les assauts effrénés du vent et des vagues, de cette mer verte qui, avant de s’éclater brutalement contre la pierre, envoie d’abord comme éclaireur, la poussière vaporeuse des embruns, une nuée salée et piquante qui vient nous rappeler nuit et jour que sur ce dernier bout de terre, l’océan est le maître.
Car pourtant, la route qui mène à ce port de plaisance est bien calme. En venant du continent, nous longeons la côte d’Amour : Pornichet, La Baule, le Pouliguen. C’est la première plage d’Europe.
Au Pouliguen, la voiture est déjà dans les terres. Il n’y a plus de remblai à longer et les routes de campagnes nous emmènent successivement à Roffiat, Kervalet puis Batz-sur-Mer. Les panneaux routiers et leurs tentations permanentes pour nous détourner du cap, à tribord : les marais salants et comme une promesse, loin après, Guérande, protégée des siècles par ses remparts.
Mais Le Croisic n’est pas fortifiée, et alors qu’à la fin de la route de Saint-Nudec, quand nous entrons dans la ville, et que nous prenons l’avenue Henri Becquerel, à peine faisons-nous deux-cent mètres qu’apparaît soudain, comme une vision de carte postale, comme la vision d’un panorama qui aurai traversé le temps, inchangé depuis des millénaires, car entièrement naturel, la mer ; les vagues se jetteraient sur la route si les rochers ne nous surélevaient pas.
Le choc de la première vision passée, nous trouvons un parc de stationnement et, trépied à la main, l’appareil photo vissé dessus, nous nous engageons sur le dernier chemin du monde, celui qui nous mène le long de la Côte sauvage.
A peine devons-nous nous arrêter car il y a là tant de choses à voir. Dans notre champ de vision immédiat : une plage de rocher sur laquelle joue un enfant. Les bosquets s’affolent sous le vent tumultueux. La nature nous rejette. La côte est sauvage et entend le rester.
Au loin, une tour se dresse face à l’océan Atlantique. C’est comme un combat, un défi lancé à la mer. Un jour peut-être, l’eau naturelle parviendra à faire tomber ce vestige ancien. Un jour où il ne restera rien de nous.
Dans une petite crique, des baigneurs courageux font face à la mer déchaînée. Le soleil, jouant à cache-cache avec les nuages, était aux abonnés absents. Le vent et la fraicheur étaient bien là.
Après cette brave aventure sur la côte sauvage, il était temps de retourner en des lieux plus propices à l’Homme. A quelque distance, nous retrouvons la civilisation : le port de plaisance où le soleil couchant vient déposer sa lumière orangée sur les mâts des bateaux.
Il y a aussi l’église, face au soleil, dominant les rues piétonnes.
Mais il se fait tard et la faim se fait sentir. On est le 14 juillet mais le feu d’artifice, pour cause de mauvais temps, sera reporté à la semaine suivante. Le temps de s’attabler dans une crêperie bretonne et, sitôt restauré, ne reste plus qu’à déambuler dans les rues, d’animations en animations, jusqu’à rentrer, tard et fatigués, mais heureux d’avoir braver le danger de ce dernier bout de terre.
L’état-civil indique son nom : Stefani Joanne Angelina Germanotta, son âge : 23 ans, nationalité américaine, origine italienne.
La légende dit qu’elle apprit le piano à 4 ans, chanta à 14 ans. A étudié à l’université, a servi dans des clubs de strip-tease.
A 19 ans, elle signe chez un label, fait quelques scènes, écrit même des chansons pour Fergie, les Pussycat Dolls ou Britney Spears.
Mais tout ça, ce n’est rien. Rien avant qu’en 2008 elle sorte son premier album : Fame. Et le succès, dès le début. Elle noue avec, et ne semble plus le quitter.
Fame, c’est d’abord quatre hits qui auront fait le tour du monde.
Rapide revue pour ceux qui n’ont pas allumé leur radio deux ans :
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Comment survivre à un album qui pèse, deux ans après sa sortie, plus de 10 millions d’exemplaires et a reçu 17 récompenses ?
En tablant sur son originalité ? Des tenues inventives, des coupes de cheveux excentriques… ?
On ne peut pas résumer le succès de la future Madonna (comme elle se plait à se comparer). Comme elle, elle veut révolutionner la pop.
Et pour mieux le prouver, elle sort, un an plus tard, une réédition de son album avec, à la clé, de nouveaux succès. Callés 2ème en France en vente de singles, il table sur ses prestations dans 3 nouveaux hits, incontournables :
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Deux ans déjà que l’on ne peut passer à côté de ses tubes, sans rester insensible au charisme mystérieux de la jeune femme.
Elle intrigue, à cause des rumeurs ? Serait-elle un homme ?
Faut-il une raison autre que son talent, et que notre fascination face au succès ? La réponse peut-être, dans sa réussite. Les étoiles brillent, plus ou moins longtemps. Mais certaines brillent plus intensément. Lady GAGA en est-une, sans aucun doute.
Le roman chrétien n’est pas en vogue. Romain Sardou (fils du chanteur du même nom, les parenthèses sont à respecter puisque l’auteur est connu pour ne pas tirer profit de son nom) est un habitué des romans médiévaux. Dans le passé français, difficile de ne pas allier religion et Moyen Âge. Pour autant le roman réussit par là même où le lecteur attendait de le voir échouer : revendiquer une intrigue, un fond réellement chrétien, sans se détourner d’un lectorat non religieux.
Qu’est-ce que le Temps ? Voilà la question soulevée par le roman. Car au-delà des guerres de religion, malgré le thème du pèlerinage, le fond véritable sur lequel se penche l’auteur est notre place dans le Temps. L’Eclat de Dieu, sorte de relique de Salomon, attirant les convoitises des Chrétiens comme des Musulmans, serait doté du pouvoir de nous montrer toutes les « versions » différentes de nous-mêmes, à travers le Temps.
Romain Sardou nous livre d’abord des pistes. Le Temps, éternel, nous forcerait à répéter les mêmes actions ou bien nous proposerait de prendre d’autres chemins. « Si le Temps est sans limites, s’il s’écoule à jamais vers le futur, on peut raisonnablement penser que ce jour que nous vivons aujourd’hui possède une « infinité de chances » de demeurer unique dans l’Histoire, mais qu’il a aussi une égale « infinité de chance » pour qu’il se reproduise dans l’avenir. » (p.392, éditions Pocket)
Mais il n’est pas simple d’écrire un roman dont l’action se situe à deux époques différentes. C’est pourtant là tout l’intérêt de l’histoire. Les mêmes personnages, les mêmes intrigues, à plusieurs millénaires de distance dans le Temps. Les uns au Moyen-Âge, les autres dans l’espace. Une attirance pour la Science-fiction qu’il explique ainsi : « Il est bon de renouveler les sources d’émerveillement, dit le philosophe. Les voyages intersidéraux ont refait de nous des enfants. » (Ray Bradbury, Chroniques martiennes). Une citation qui rejoindra de nombreuses autres, ainsi débutant chaque chapitre du livre. Malgré la distance, les personnages se rejoindront, à but commun, actions communes. Destin identique ? Il faudra lire le livre pour le savoir.
On pourrait s’étonner du mélange entre le futur et le Moyen-Âge, entre la Science-fiction et le pèlerinage religieux. L’auteur s’en défend pourtant par une habile citation empruntée à Nerval : « Il y a, certes, quelque chose de plus effrayant dans l’Histoire que la chute des empires, c’est la mort des religions. Avec le scepticisme de notre époque, on frémit parfois de rencontrer tant de portes sombres ouvertes sur le néant. » (in Quintus Aucler) Peut-être Romain Sardou est-il désireux des mêmes volontés de Quintus. Car ajoutait Nerval : « On doit peut-être savoir gré à Quintus Aucler d’avoir, dans une époque où le matérialisme dominait les idées, ramené les esprits au sentiment religieux. » (in Quintus Aucler)
S’il existe différentes versions de nous-mêmes, dispersées dans le Temps, les mêmes actes entraînent-ils les mêmes conséquences ? Sommes-nous prisonniers du Temps ?
Sous le soleil de Normandie, nous étions près de 1.000 personnes à défiler pour nos droits. Pendant trois heures, nous avons marché (suivis les chars au rythme des dernières musiques à la mode) dans les rues du centre-ville. Parfois, le cortège s’arrêtait, respectant les minutes de silence en hommage aux victimes du SIDA.
Défilé haut en couleurs, puisque les travestis étaient présents :
Un défilé où, bien sûr les chars étaient de la partie… Des chars parfois plutôt chargés :
Mister Pride était présent, sans la chemise, mais avec le rythme dans la peau :
On ne peut passer à côté de l’aspect revendicatif de la manifestation :
Un défilé où étaient notamment présents beaucoup de jeunes, dans des tenues toujours pleines d’imagination…
Voici quatre citations de la Bible qui, par leur caractère haineux et leur appel au dégoût de l’autre, justifient mon appel à la MORT de la religion chrétienne :
(Lv XVIII, 22) : « Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination. »
(Lv XX, 13) : « Si un homme pratique l’homosexualité, a un rapport sexuel avec un autre homme comme il a avec une femme, les deux hommes ont commis un acte détestable. Ils doivent chacun être puni de mort, car ils se sont montrés coupables d’une offense capitale. »
(Rm I, 26-27) : « C’est pourquoi Dieu les a livrés [ceux qui ont adoré la créature au lieu du Créateur] à des passions infâmes : car leurs femmes ont changé l’usage naturel en celui qui est contre nature ; et de même les hommes, abandonnant l’usage naturel de la femme, se sont enflammés dans leurs désirs les uns pour les autres, commettant homme avec homme des choses infâmes, et recevant en eux-mêmes le salaire que méritait leur égarement. »
(Corinthiens VI, 9) : « Ne saviez-vous pas que l’injuste n’héritera pas du Royaume de Dieu ? Ne soyez pas trompé : aucun fornicateur, ni adulateur, ni adultère, ni efféminé, ni homosexuels. »
Parce que le christianisme est une religion de HAINE, une religion d’IGNORANTS, une religion de MOUTONS.
Traduction : « Merci DIEU pour le SIDA »
Traduction : « JESUS vous aime et a un merveilleux projet pour votre vie : l’ENFER »
Traduction : à gauche « Changez ou brûlez », à droite : « Dieu déteste les pédés »
Parce que la religion chrétienne condamne les hommes en raison de leur orientation sexuelle, parce que son chef Benoît XVI dit de l’homosexualité qu’elle est un mal moral, une pratique inacceptable. Parce que selon les Evêques de France : « une société qui prétend reconnaître l’homosexualité comme une chose normale est elle-même malade de ses confusions. » (Les évêques de France, Catéchisme pour adultes, 1991, no. 607)
Parce que la religion chrétienne encourage à la HAINE de l’homosexuel en entretenant un amalgame avec la pédophilie : « Nombre de psychologues et de psychiatres ont démontré qu’il n’y a pas de relation entre célibat et pédophilie, mais beaucoup d’autres ont démontré, et m’ont dit récemment qu’il y a une relation entre homosexualité et pédophilie. » (Tarcisio Bertone, cardinal secrétaire d’Etat au Vatican)
Pour toutes ces raisons, j’appelle à la MORT de l’Eglise Catholique.
C’était un dimanche de fin de mars au cours duquel, le ciel qui oscillait entre le gris de l’hiver qui venait de s’écouler, et le bleu illuminé des encore timides éclats du soleil, augurait une après-midi où, ma belle-famille et moi-même, resterions à occuper dans la maison normande. Une de ces journées sereines par lesquelles s’annonce le printemps, sans qu’il soit bien là, comme s’il nous envoyait d’abord fleurir ses pissenlits, attendant que leurs pétales jaunes comme le soleil d’été furent tendus vers le ciel pour qu’il vint enfin débuter la belle saison.
Nous étions réunis, comme font les amisqui, à peinent vient-ils de se retrouver lors d’une soirée, attendent qu’un prenne la parole, que l’autre sorte les verres, qu’enfin la soirée débutât ! quand mon compagnon proposa, pour combler l’après-midi, de « sortir les photos ». On ne l’avait encore jamais fait. En moi-même, je ressentis un brin de fierté, car « sortir les photos » c’est souvent, bien plus que présenter en image le passé d’une famille, c’est aussi faire entrer dans la famille l’invité à qui on les montre, le faire témoin de son intimité, détenteur d’une histoire à présent partagée. La belle-mère revint alors avec une pile, non monstrueuse, mais déjà impressionnante, de photographies éparses, qui tenaient dans ses mains on ne sait trop comment, et dont par miracle elle n’en fit tomber aucune. On m’assurait que « ce n’est pas tout, mais les albums sont rangés on ne s’est trop où » et que pour cette après-midi, il allait falloir se « contenter de ce qu’on a là ».
Et les photographies commencèrent à voler de mains en mains. J’en recevais de partout. « Voici Romain et sa sœur quand ils avaient six ans », et sa mère me tend le tirage sur lequel des taches jaunes semblaient se disputer avec le vert déteint de l’herbe du jardin de la ferme de ses grands-parents. « Tu te souviens ? C’est Yerville, je t’en avais parlé », me fait Romain. Depuis, ces grands-parents avaient vendu la ferme et s’étaient installé dans le centre d’Yvetot. Maintenant, quand il faisait beau l’été, on allait parfois manger le dimanche midi chez eux. Sa sœur m’en montre une autre : « il faisait pipi dans la bassine à haricots » dit-elle en riant. Le gamin, à peine plus âgé, était nu, debout sur la table de ses grands-parents, avec un grand sourire. On rit. D’autres photos viennent, plus anciennes. Il y a le mariage des mes beaux-parents. Une sensation étrange me prend mais que je ne définis pas encore. Je compare, par de furtifs coups d’œil jetés en douce, leurs visages de maintenant et ceux qu’ils affichaient « à l’époque ». Ma belle-mère, au bras de son père (un des grands-parents chez qui nous allions, le dimanche midi comme je le disais), conduite devant M. le Maire. Son visage était lisse et jeune. Sur d’autres photos, je vois mon beau-père. Il avait l’âge que j’ai maintenant ! L’impression en moi s’accentue et je la reconnais : c’est celle du temps qui passe. Non pas pour moi, mais pour les autres. Je regarde mon beau-père maintenant : proche de la cinquantaine, fatigué par des années de mécanicien. J’ai un choc. Puis pour la première fois, je m’imagine à leur place. Je vois, au travers des photographies, le Temps qui est passé et le malaise, la peur, grandit en moi.
Des jours passent. Je rends visite à ma mère. On est déjà en avril, les tulipes, de toutes les couleurs, sont dressées vers le ciel. Des violettes, que ma mère ne pensait pas revoir cette année, sont sorties de terre. On prend une tisane, puis elle me montre son projet de fin d’année pour l’école d’art. Depuis qu’elle a décidé de profiter de sa retraire, elle suit des cours de dessin, elle y trouve beaucoup de plaisir. Sur la feuille épaisse (elle comptait faire une aquarelle), quatre femmes posent. Eparpillées sur le bureau, des photographies du mariage de ma sœur ainée, où plusieurs membres de ma famille posent dans la nouvelle véranda ensoleillée par l’août, ont nourri son imagination. Ma mère, me demandant si je reconnaissais les visages qu’elle avait esquissés, me dit : « j’ai voulu représenter les quatre saisons ». La sensation de malaise, un peu différente, me reprend. Ma sœur cadette, en avant-plan, représentait le printemps. Pour l’été, ma sœur ainée, en position assise, lui tenait la main. Ma mère s’était dessinée comme l’automne. Et sa mère, ma grand-mère, représentait l’hiver. Je lui donne des conseils techniques, mon avis, le choix des couleurs… mais l’impression désagréable ne part pas. Je savais ce qui n’allait pas : je ne pouvais admettre à moi-même que ma mère fut à « l’automne de sa vie ». Je revoyais encore notre enfance, elle me passait en mémoire comme pour me rassurer. J’étais un enfant, le « printemps », elle était ma mère, « l’été ». C’était comme si le Temps était passé devant nous sans qu’on l’eut aperçu, puis soudain, devant des photographies ou un portait, on voit le présent avec des yeux vierges, on estime enfin la réalité pour ce qu’elle est et non ce que notre esprit, après l’avoir déformée, nous en transmet de factice. Le Temps est passé. Nous avons avancé d’une génération.
Je vis une grande horloge dont les quarts de tours n’étaient plus des heures mais des saisons, et sur les aiguilles se tenaient nos vies. Ma grand-mère était l’hiver, et je ressentais à cette pensée une profonde tristesse. Parfois on se dit, la vie est longue, l’horloge est grande et quand on arrive au minuit, toute une vie s’est écoulée, qui vaut bien une mort. Parfois aussi, l’horloge se dérègle, un grain est pris dans les engrenages, et l’aiguille cesse d’avancer pour se bloquer sur une saison. Pour mon père, à quarante-huit ans, l’aiguille s’était-elle bloquée sur l’été ou l’automne ?
Il y a peu de temps, ma grand-mère fit une chute. Elle est à présent en maison de convalescence. Souvent, je lui téléphone. On essai de lui remonter le moral, de la rassurer, de se rassurer nous-mêmes, et je sens parfois dans sa voix, dans ses paroles, sa peur de partir bientôt. Ma mère est inquiète. Quand je lui ai demandé, un autre jour où je lui rendais visite, combien de frères et sœurs mon père avait eu (je connaissais très peu ma famille paternelle), elle s’empressa de sortir une feuille, et se lança dans un arbre généalogique. Ensuite, comme lancée par un instinct impérieux, elle fit de même pour son côté, donc mon côté maternel. Peut-être, à cet instant précis, ma mère sentait-elle, elle aussi, l’aiguille des saisons tourner d’un cran. Et comme pour mieux la freiner, décidait-elle de marquer, sur le papier, l’ordre des générations.
Cette nuit, je m’éveillais, l’esprit encore hagard, à demi perdu dans le songe que je quittais à peine. Je remis les meubles à leur place, retrouvais ma place dans le temps, mais un détail restait en suspens dans ma mémoire, un élément du rêve qui me poursuivait dans l’éveil. Je l’identifiais : c’était la sonnette stridente de l’interphone du petit immeuble dans lequel je vivais. A mes côtés, mon compagnon dormait, silencieux. La nuit était pleine encore, l’aiguille du réveil n’en était qu’aux trois heures. Dans l’inertie nocturne, ma mémoire était seule indice pour orienter mes souvenirs des évènements, de ce qui avait poussé mon esprit hors du songe. Je me souvins de fragments : la sonnette qui avait résonné dans ma tête n’était qu’un morceau de rêve. Mon esprit alors alerté, par réflexe, de ce qu’il avait lui-même créé, me fit sortir de la brume pour me plonger dans la nuit de notre chambre, comme si cette sonnette pouvait avoir retentit réellement, et qu’il fallait que je m’éveille pour y répondre. Ainsi est l’esprit humain, ses pouvoirs si étranges et inconnus de nous qu’il nourrit nos propres illusions, et mélange merveilleusement le rêve et la réalité.
Je me souvenais de ma mère qui me racontait il y a quelques années ses mésaventures nocturnes. Longtemps, elle avait été technicienne chez un opérateur de téléphonie historique. Pendant ses nuits d’astreinte, elle devait être prête à partir pour le central téléphonique quand le travail l’appelait pour résoudre des pannes. Longtemps après qu’elle est finie de travailler, rejoignant la retraite, elle était encore obligée de débrancher le téléphone car la nuit, elle rêvait que celui-ci sonnait pour l’appeler à une panne. Or, quand bien même le risque d’être appelé n’existait plus depuis longtemps, son esprit la réveillait encore la nuit, lui faisant croire à un appel. Et l’unique moyen de le rassurer était de couper le téléphone.
Alors que je m’étends dans le lit, dans l’attente que le sommeil me gagnât à nouveau, je devenais attentif à la chambre :
Compagne de mes insomnies, l’aiguille des secondes qui marquait de ses pas sonores le temps qui s’écoulait alors que j’espérais, enfiévré, que le sommeil m’étreignît à nouveau et m’emportât loin de l’attente, dans ses circonvolutions voluptueuses. Enfant, je l’entendais déjà quand je ne trouvais pas le sommeil. Dans la chambre que je partageais avec mon père, le « tic-tac » était émit par un réveil rond à deux pieds métalliques, avec un contour rouge rassurant. Dans ma chambre d’adolescent, c’était une pendule offerte par ma grand-mère dont l’aiguille des secondes avait la forme d’une vache. Partout où je dormais, il y avait une pendule qui produisait ce son rassurant, ce temps qui passe alors qu’on attend le sommeil.
La lumière qui filtrait par les rideaux de la fenêtre de la rue dessinait des figures claires sur le plafond, comme des tâches de Rorschach. Ils avaient un aspect hypnotique mais loin d’endormir mon esprit, ils l’excitaient, lui donnaient matière penser, et je me souvenais de ces même figures dans chaque chambre que l’on occupe, au-dessus de chaque rideau par lesquels la lumière des réverbères, ou de la lune, dépose un filigrane blanchâtre sur le plafond.
Puis bientôt, sans même qu’on s’en redît compte, le sommeil nous gagne à nouveau, et on ne garde que l’impression vague, au réveil, de n’avoir que peu dormi, de n’avoir fait qu’un trop rapide voyage aux songes, et de s’être fait un peu voler sa nuit.
Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.»
Commencer un article en citant Marcel Proust, c’est un peu comme lorsqu’en classe venait l’heure de monter sur l’estrade, devant le tableau, pour réciter son exposé, alors qu’un de nos camarades qui nous avait précédé avait illuminé la classe de sa science, et que la curiosité doublée de satisfaction qui s’était allumée dans les yeux des élèves menaçait de s’éteindre inéluctablement à l’instant même où l’on prendrait la parole, si peu sûr de notre talent et de nos recherches que l’on se savait condamné à échouer, convaincu de ne pouvoir maintenir le niveau de qualité si élevé à nos yeux d’enfant que notre prédécesseur avait atteint.
Malgré tout vient le temps où il faut se lever de sa chaise, parcourir la rangée qui mène droit au tableau, passer à côté du bureau de la maîtresse d’école, se tourner vers les deux douzaines de paires de yeux rivés sur nous, et enfin vient cette heure où nous ouvrons la bouche, et de notre voix chevrotante, commençons notre exposé. Derrière nous, les minuscules morceaux de craie blanche, cette poussière épaisse qui recouvre toute chose, tout individu à l’instant même où il franchit le seuil de la salle de classe, cette vapeur à l’odeur particulière, cette senteur qui rappelle à nos narines le son feutré du tampon que tapait la maîtresse contre le rebord de la fenêtre afin de nettoyer de la craie sa bande de tissu ; ces lignes lumineuses traçaient les contours de chaque lettre, de chaque mot, de cette citation de Proust ; elles étaient la preuve rassurante qu’une seule personne, un seul grand esprit éclairé, avait détecté avant nous, et les avait compris, ces sentiments étranges qui font de notre vie comme un tourbillon entre notre passé et notre présent, côtoyant parfois ces moments oubliés au détour d’une bourrasque, mêlant nos souvenirs à notre vie actuelle, les imbriquant les uns dans les autres pour nous mener à notre avenir.
Commencer un article en citant Marcel Proust, et en retenant surtout cette phrase si étrange, si magique, c’est lancer le lecteur sur le chemin de ces petits instants si particuliers qui jalonnent notre vie. C’est parfois la voix d’un chanteur, son timbre rocailleux mais doux à la fois, ses aigües étranges qui me rappellent quand, enfant, je passais de longues après-midi avec ma sœur aînée, et c’était cette voix, ce timbre, qui rythmait ces moments fraternels. Quand je l’entends aujourd’hui, je me revois à nouveau dans la chambre de ma sœur, au dernier étage de la maison de mes parents, juste sous le toit en pente et ses lattes de bois brun jaune, assis sur la moquette rouge, l’air saturé par l’odeur féminine du parfum dont elle embaumait la pièce, tandis que cette chanson occupait l’arrière-chambre de mon esprit, ma sœur se tenait assise à son bureau, lisait ses cours de lycéenne ou vaquait à ces mille petites choses insignifiantes mais qui semblaient revêtir un grand mystère pour l’enfant que j’étais alors. C’est ainsi qu’une voix me rappelait mon enfance.
Un autre bruit revient du passé parfois et remplit l’espace entre mes deux oreilles pour me transporter à nouveau en enfance, la sirène de la caserne des sapeurs-pompiers, qui retentit à chaque mercredi midi. Elle me ramène à tous ces mercredis inoccupés par l’école où je trainais dans la maison, dans notre petit jardin, tous ces mercredis où à douze heures précises, le duo, le concert : la fanfare de la sirène de la caserne, ajoutée aux aboiements de notre labrador-lévrier, toute une musique qui résonnait dans le quartier. Et ma mère et moi qui nous lassions jamais de nous amuser quand chaque semaine le spectacle du chien qui répondait à la sirène recommençait, et on s’amusait de sa bêtise, à en avoir les larmes aux yeux. On se disait : « que ce chien est bête » et l’autre répondait : « à chaque fois, à chaque fois ! » et on ne s’en lassait pas.
Mais plus que l’ouïe, le goût est puissant, phénoménal. Proust avait sa madeleine, qu’il trempait chaque dimanche matin dans le thé de sa grand-tante Léonie, avant de partir pour la messe. J’ai mon chocolat chaud et ma biscotte. L’analogie est moins poétique, mais tout autant forte et mélancolique. Ainsi, quand aujourd’hui je plonge mes lèvres au bord du bol brûlant, je me revois d’abord à mon adolescence, quand je me levais le samedi et le dimanche matin aux alentours de onze heure, et que je répétais ce même geste, que je ne faisais pas la semaine, manque de temps pour petit-déjeuner avant de partir pour le collège, mais que je retrouvais avec plaisir à la fin de semaine. Le goût du cacao était ainsi associé à ces matins tardifs où l’on sait la journée pour soi, et l’on imagine les multiples plaisirs que l’on pourra en tirer. Mais si d’aventure il m’arrive de manger avec mon chocolat chaud une biscotte beurrée, je voyage encore bien plus loin, plus profond dans ma vie, et je suis soudainement assis à la table de la cuisine, dans la maison de mes grands-parents maternels. J’y retrouve là une sérénité, une plénitude incomparables à nuls autres de mes souvenirs. Ainsi, chaque été, nous nous rendions chez mes grands-parents, et soit nous nous installions dans l’ancienne habitation, à côté de la nouvelle qu’ils avaient fait construire eux-mêmes, la « vieille maison », telle que nous l’appelons encore aujourd’hui, et je dégustais ce chocolat chaud et ces biscottes dans la cuisine, la porte grande ouverte sur le jardin qui nous soufflait déjà l’air chaud de la longue journée d’été qui se préparait ; soit nous nous installions dans la « nouvelle maison », et je prenais mon petit-déjeuner dans la cuisine moderne de ma grand-mère, entouré de ses mille ustensiles quotidiens, qui étaient pour moi plus que de simples objets. A l’instar de mon cacao et de ma biscotte, toute cette cuisine revêtait une atmosphère mystique, celle des confidences à voix basse que ma grand-mère avait pris l’habitude de me faire là, des histoires qu’elle m’y racontait, de la vie qu’elle avait menée et que je trouvais formidable, et chaque chose s’en imprégnait. C’est ainsi que le chocolat chaud et la biscotte me rappelaient les vacances.
« Et dès que j’eus reconnu le morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante, aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s’appliquer au petit pavillon donnant sur le jardin […]. Et comme dans ce jeu où les japonais s’amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d’eau de petits morceaux de papier jusque là indistincts qui, à peine viennent-ils d’y être plongés s’étirent, se contournent, se colorent […], de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne […], tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé. »
Chez la tante Léonie, à Illiers-Combray
Citations in "A la recherche du temps perdu", Marcel Prout, 1913-1927