Montréal, coupable de discrimination?

 

 

 

Au Québec, « 40 % des personnes de 15 ans et plus présentent une incapacité liée à la mobilité » selon l’institut de la statistique du Québec. Cette situation grandissante illustre le véritable problème de l’accessibilité au Québec et principalement à Montréal,  métropole culturelle.


Des escaliers en tout lieu, des marches chez certains commerces de proximités, des rues étriquées et bosselées. Les personnes en fauteuils roulants rencontrent beaucoup d’obstacles dans les rues de Montréal et ses environs. À Montréal, l’accessibilité des personnes handicapées est défaillante, pour plusieurs villes à travers le monde c’est d’ailleurs l’un des plus grands défis. À Montréal comme à Paris beaucoup de travaux restent à faire. En France, la loi sur l’égalité des chances établie en 2005 donnait une dizaine d’années aux établissements publics pour rendre accessibles les locaux ainsi que les logements, celle-ci est sur le point de repousser l’échéance sur plusieurs années encore. De son côté le Canada s’est engagé à améliorer la condition des personnes handicapées mais il reste beaucoup à faire. Par la mise en place de codes concernant l’accessibilité des bâtiments le Québec promet d’améliorer la condition des personnes handicapées, pourtant cet engagement reste très peu convaincant.

 

Pénurie de logements accessibles

 

Trouver un logement lorsque l’on souffre d’un handicap physique est très rare à Montréal, les quelques logements accessibles sont excentrés, loin de la ville. Beaucoup de bâtiments possèdent plusieurs étages souvent sans ascenseurs. Les choix dans la superficie du logement sont minces, il faut parfois avoir recours à des travaux qui peuvent mettre plusieurs mois avant d’emménager.

 

Sarah est diplômée à la maitrise en communication publique de l’université Laval depuis juin dernier. Cette jeune femme de 26 ans est atteinte d’un spina bifida, une malformation de la moelle épinière qui l’oblige à se déplacer en fauteuil roulant. Originaire d’une banlieue française, elle constate depuis son arrivée au Québec des anomalies dans les constructions des bâtiments à Québec et à Montréal « en arrivant ici je pensais découvrir une image différente de celle de Paris concernant l’accessibilité,  mais je remarque que la situation est pire ici » déplore la jeune femme. « Ça fait presque trois mois que j’essaye de trouver un logement accessible et aujourd’hui je cherche encore » explique la jeune femme qui a trouvé refuge chez un membre de sa famille à Montréal. Dans ce très petit appartement, Sarah s’en sort tant bien que mal pour certaines tâches quotidiennes comme se laver. Pour ce qui est de faire la cuisine ou sortir pour faire ses courses l’opération semble ardue car même si l’immeuble situé près du métro Jean Talon possède un ascenseur il faut tout de même gravir six petites marches pour y accéder. Quant à la cuisinière impossible pour Sarah d’y accéder dans le petit espace.

 

Des retards à combler

 

Très peu d’efforts ont été faits au Québec concernant l’accessibilité des personnes handicapées ces dix dernières années. Les choses évoluent faiblement et pourtant Linda Gauthier, présidente du regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ) soutient tout de même quelques réalisations comme la mise en place de « la politique d’accessibilité universelle qui a été adoptée le 7 juin 2011 et qui visait à rendre accessible  tout ce qui était municipal comme infrastructures » mais encore là rien de probant concernant l’accessibilité commerciale et les logements regrette madame Gauthier.

Un constat alarmant qui fait de Montréal l’une des villes les plus en retard de l’Amérique du Nord. Autres constatations, tandis que l’Ontario a instauré une loi sur l’accessibilité qui s’échelonne sur vingt  ans, le Québec accuse un très grand retard sur l’installation d’une loi fiable. Même chose côté transport, le nombre de bus provinciaux, de cars ou encore de gares accessibles à la population handicapée reste restreint.

 

Le gouvernement en faute?

 

Il y a quelques semaines, après plus d’un an d’attente,  la présidente du RAPLIQ s’est enfin vue accorder une entrevue avec le maire de Montréal Denis Coderre. Celle-ci lui a fait part de ses principales appréhensions qui entourent la question de l’accessibilité. Ce qu’elle lui reproche principalement c’est de ne pas agir par des actions concrètes « à toutes les fois qu’il nous parle, il nous dit nous sommes très sensibles à l’accessibilité universelle (…). Mais qu’est-ce que ça veut dire être très sensible à l’accessibilité? Pour moi ça ne veut rien dire tant que tu ne commets pas des gestes concrets » explique Linda Gauthier. Autre préjudice imputable à l’administration de Denis Coderre, le peu d’importance donné à l’accessibilité commerciale qui limite l’autonomie de ces personnes aux limitations amoindries.

 

Montréal coupable de discrimination?

 

L’accessibilité est un véritable problème pour les personnes en situation de handicap et l’attitude du gouvernement laisse penser que l’accessibilité n’est pas une priorité au détriment d’autres problèmes comme l’itinérance « Denis Coderre veut toucher à tout, c’est correct parce que c’est des dossiers qui ont tous leur importance, on représente 15% de la population  toutes limitations confondues et on ne peut pas discriminer 15% de la population  et les considérer comme des citoyens de seconde zone » soutient Linda Gauthier. Ainsi, le sort des personnes handicapées devient une question qu’on endigue en prenant le risque d’augmenter la discrimination envers les personnes handicapées et de faire taire leur voix «les personnes handicapées n’osent pas revendiquer leurs droits et dans une suite logique n’oseront jamais porter plainte de peur de perdre leurs droits ou d’être victimes de représailles ». De plus, trop de stéréotypes entourent le handicap, celui-ci est trop souvent médicalisé, la personne handicapée est cantonnée au statut de triste individu « on n’est pas que des malades,  on ne mange pas que de la nourriture molle, on ne se couche pas à vingt heure le soir. On est bacheliers, maitres, docteurs. On est peut-être plus scolarisé que la majorité » souligne madame Gauthier.

 

Si le handicap et l’accessibilité traversent encore de nombreux barrages, la voix des personnes handicapées est quant à elle très peu entendue, le nombre de tentatives de suicide des personnes handicapées est en hausse ce qui donne le ton à un avenir déjà très sombre. En faisant un bref rappel historique sur la situation des personnes handicapées sous le troisième Reich avec le protocole Aktion T4 visant à exterminer les personnes handicapées physiques et mentales, Lynda Gauthier nous rappelle que les situations sont presque similaires car aujourd’hui « on nous extermine à petit feu » de manière moins « flagrante ».