Medialogie : Mediapart, titre d’opposition non-aligné ?

Ils « ne lâchent rien ». Mediapart poursuit ses articles sur l’affaire de l’hippodrome de Compiègne (Éric Woerth et consorts), l’affaire Cahuzac (liens du professeur Terneyre avec Villeneuve-sur-Lot, entre autres), mais… bon, c’est dans la ligne droite du passé récent et de développements à venir. Plus significatif (mais de quoi ?) semble être le dernier article de François Bonnet, « Mali : la guerre aveugle et solitaire de la France ». Mediapart serait-il un titre d’opposition ?

Mediapart est de toute façon un titre d’opposition. Non, vous ne lisez pas un article d’Atlantico, et Come4News est bien un site totalement apolitique (mais pas forcément de droite, pour contredire l’adage), chaque rédactrice, chaque contributeur ne représentant que lui-même.
Il est normal que tout site ou support (de presse écrite, audiovisuel) d’informations générales analysées soit d’opposition, à tout pouvoir en place, non pas per se, mais parce qu’il est du rôle de la presse indépendante de se montrer critique. La ligne éditoriale du Canard enchaîné n’est pas de s’opposer à tout pouvoir en place mais de pointer tout ce qui « cloche » ou peut fâcher.

Mais, mode provoc’ (voir le châpo, et cette interrogative pouvant être reçue diversement), je ne fais que refléter certains commentaires lus, ça et là, sur le site : une (faible) partie du lectorat s’étonne (à l’occasion) de ce que Mediapart ne réserve pas ses « coups » à la droite ou insiste un peu, trop à ses yeux, sur les faiblesses du gouvernement Ayrault.

Mauvais Français, va, mauvais socialos ! Et puis, allons-y, pourquoi pas anars de droite ? J’avoue que, rien qu’en lisant le titre de François Bonnet, « Mali : la guerre aveugle et solitaire de la France », je me suis senti interloqué. Un désaveu ?
De la politique étrangère française du pouvoir socialiste ? Au-delà, de tout ce que peut faire l’Élysée et le gouvernement ?

D’abord, bien lire l’article. La France dirigée par François Hollande ferait encore son gendarme en Afrique et même « bien plus encore ». Il est évident que les forces armées françaises n’allaient pas intervenir au Mali après un débat parlementaire préalable… On sait comment a été accueilli le commando en Somalie et il aurait été encore mieux attendu si les parlementaires avaient débattu de l’opération. 

Mais il n’est pas outrancier de relever les glissements progressifs du déplaisir de voir la France s’engager sur des objectifs qui, de celui, initial, de contenir la poussée d’un des groupes islamistes (ils le sont à des degrés forts divers) vers Bamako, deviennent, avec des forces plus importantes, « rétablir l’intégralité territoriale du Mali », voire le statut quo dans toute la vaste zone sahélienne.

Il est tout à fait judicieux de relever que « la situation au Nord-Mali n’est pas qu’affaire de terrorisme islamique. ». Cela ne m’avait pas échappé non plus (voir précédents articles sur C4N). Il est en revanche excessif de conclure que, par avance, « le chef de l’État se condamne à un tête-à-tête exclusif avec l’actuel pouvoir malien ». D’une part parce que l’actuel pouvoir n’est pas forcément celui de demain, d’autre part car, comme l’Algérie a varié, la France peut varier, et qu’il est tout à fait normal que ce que l’on déclare un jour évolue en fonction d’aléas de situations.

Arguments faiblards…

« Croit-on vraiment que quelques colonnes de pick-up auraient pu s’emparer de Bamako ? », écrit F. Bonnet en évoquant le coup de Benghazi. L’interrogation, la comparaison, sont (à peu près) valables. Tactiquement, d’ailleurs, il aurait peut-être mieux valu laisser venir plus d’assaillants pour mieux les éradiquer. D’un autre côté, quelles auraient été les répercussions à Bamako ? Exode ou résignation à collaborer avec les Touaregs et les autres ? Fallait-il attendre ou non ? L’avenir ne le dira pas. Et si les États-Unis et des pays voisins n’ont pas réagi, cela tient à de multiples facteurs que, peut-être, F. Bonnet ne maîtrise pas (peut-être, pas davantage que les intéressés eux-mêmes).

Effectivement, « le pouvoir malien (…) ne tient qu’à un fil. ». Eh bien, on sait ce qu’on a, on ne sait ce qu’on aura, mais ce n’est guère la première fois qu’on peut soutenir un pouvoir fantoche un temps avant d’évoluer. Rappelons que les fameux militaires semblant prêts à renverser « le pouvoir » ne sont guère fiables, que l’armée malienne formée par les États-Unis a fort déçu en se débandant (et en abandonnant ses armements). François Hollande aurait donc choisi de négliger de donner du temps au temps, en tentant de consolider l’État malien. Comment, et était-ce possible, tout ce qui pouvait être tenté n’aurait-il pas été trop fragile ? Quoi ? Fallait-il mettre en place un Traoré, comme au Burkina-Faso voisin, ou un autre homme fort ? On ne va pas reprendre les termes du discours de Sarkozy à Dakar… Mais existait-il une solution de rechange ?

Bien évidemment que, comme il fut dit à l’Onu, « une intervention militaire dans le Nord, mal conçue et mal exécutée, ne fera que faire empirer la situation humanitaire et favoriser les exactions et violations des droits de l’homme. ». F. Bonnet voulait-il aussi une situation au sud pouvant favoriser la même chose ? Bien sûr que le risque est grand, le danger d’enlisement non négligeable, et qu’une intervention armée comporte des risques qu’il est très difficile de mesurer, de délimiter précisément à l’avance.

Cela étant, le rôle de Mediapart, comme cela devrait être celui de toute la presse, est de mettre le doigt ou cela peut faire mal. La nuance tient au ton, à l’agencement de l’argumentation. Je déteste cette approche réductrice consistant à jauger un produit dans des encadrés du genre « les plus, les moins » ou « pour, contre ». Mais il est quand même d’autres manières de procéder.

Divaguons un peu…

Allez, lâchons-nous. Ajoutons que François Hollande est un agent de l’étranger, qui, pour faire revenir Depardieu, bientôt bouté hors de tout par Poutine, soulage la Russie et le régime syrien d’un afflux de djihadistes en Afrique qui, autrement, seraient allé combattre en Syrie, qu’il est stipendié par les Émirats (qui lui ont ouvert des comptes dans des paradis fiscaux, sûr de sûr). Qu’il a décidé avec  Dassault qu’un socialiste passerait à la mairie de Corbeil-Essonnes sur contrepartie. Qu’il a concocté les pertes militaires françaises avec l’Ifop de Parisot. D’ailleurs, Poutine a armé les rebelles et promis une statue de lui à Corbeil avec, pour l’inaugurer, Depardieu, Bardot et Carla Bruni. C’est d’ailleurs elle qui est, en réalité, derrière tout cela : pour poser en allant réconforter les troupes françaises avec le Théâtre aux armées.

Franchement, j’ai lu, attentivement, lors de l’intervention libyenne, l’autre Bonnet, Yves, qui s’exprime aussi, cette fois beaucoup plus prudemment, sur le Mali. Aussi un peu tout ce que je pouvais trouver dans la presse étrangère. Yves Bonnet est un « expert » un peu plus crédible que d’autres, mais je doute fort que tous les experts aient vraiment une réelle expertise approfondie de la situation au Sahel.

Simplement, faire de la décision entérinée par F. Hollande une erreur, dès à présent, j’en suis bien incapable. Faute d’éléments ou d’esprit partisan, sur ce sujet en particulier. M’interroger avec F. Bonnet, oui, pourquoi pas ? Ne voir les choses que sous les angles qu’il suggère, certainement pas.

Quant à qui voudrait qu’un corps expéditionnaires de pères de Foucault soit envoyé pour apaiser les esprits, je pose la question : L’Union des frères et sœurs du sacré-cœur de Jésus, combien de divisions actuelles ? Les sœurs parachutistes de Notre-Dame-des-Neiges ne supportent plus le paquetage.

Quel héritage ?

De quoi hérite, au Mali ou ailleurs, François Hollande ? C’est aussi un aspect de la question… Que fera-t-il au juste : prématuré d’en préjuger. Mais je ne dénie pas à Mediapart le rôle du gêneur : même s’il devait se faire l’avocat du diable (et je ne désigne pas ce diable, ce n’est qu’une tournure de phrase). Ni ne préjuge de son attitude en fonctions des évolutions.

Des blindés légers français se dirigent vers Diabli. Logique. Il y a désormais 800 militaires français et une quarantaine de blindés au Mali. Logique. Il serait quand même déplorable de ne pas préparer le terrain des forces de la Cédéao et de les envoyer au casse-pipe en s’en lavant les mains. En sus, plus ils sont au nord, mieux ils empêchent une intrusion éclair à Bamako visant leurs camarades d’armes. Cela ne rassure pas que le pouvoir, mais aussi la population du sud. Les Touaregs ont droit à des égards, elle aussi…

J’ai confiance : Mediapart saura (enfin, tentera, ses moyens ne lui permettent sans doute pas d’expédier des envoyés spéciaux au nord et au sud) faire la part des choses. De plus, il ne faut jamais juger un article isolément. Celui-ci, bon poil à gratter, sera sans doute équilibré par d’autres. Y compris ceux du Club de Mediapart (collaborations extérieures), que, certes, la rédaction met plus ou moins bien en valeur (sur la page d’accueil du site). Mais le site reste plus ou moins, en fonction d’une mouvance floue plutôt à gauche, « pluraliste ». C’est essentiel à sa crédibilité, qui lui importe sans doute davantage.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !