Surprenant article de Jeremy Warner dans le Telegraph, l’un des quotidiens les plus conservateurs et eurosceptiques (avec le Daily Mail et d’autres) de Grande-Bretagne. Il exhorte ses compatriotes – nombreux à résider en Espagne – à retirer leur argent des banques espagnoles. Selon lui, le FMI prédit une banqueroute bancaire généralisée en Espagne. Mais il se préserve d’indiquer vers quelles banques (britanniques ou autres) rapatrier ses fonds… Un oubli ?

« C’est la seule chose rationnelle à faire ». Quoi ? Retirer tous ses avoirs dans les banques espagnoles ? Pourquoi ? Parce que « quelqu’un » a signalé sur le tard au petit doigt de Jeremy Warner, rédacteur en chef adjoint du Telegraph, que le FMI, en avril, prédit que le déficit budgétaire de l’Espagne s’aggravera (en progression de 6,6 à 6,9 % l’an prochain) et qu’en 2018, ce sera la fin des haricots. Le déficit du royaume espagnol devrait atteindre 110,6 % dans cinq ans…
So what? Et bien, la dette espagnole devra être « restructurée » et les banques du pays recapitalisées.

D’accord, et quoi ? Eh, voyez l’exemple chypriote : les déposants et épargnants seront sollicités…

« La confiscation des dépôts paraît plus qu’envisageable ». Aussi, c’est en pensant ses mots et écrits que Jeremy Warner, for conscient qu’ils peuvent conduire à une panique, hâtant les choses, conseille à ses compatriotes et loyaux sujets de leur très gracieuse majesté de vider leurs comptes dans l’ex-pays de Cocagne.
Pour en faire quoi ? Les placer où ? Peut-être, mais ce n’est pas sûr, dans la filiale britannique de la banque espagnole qui serait hors d’eau par rapport à sa maison mère.

Mais pourquoi pas les si brillantes banques britanniques que les contribuables ont concouru fortement à remettre à flot et qui continuent à verser de très copieux bonuses à leurs dirigeants ?

Rectifions le tir. Jeremy Warner n’est sans doute pas « vendu » et assurément est-il sincère. Mais en fait aucune banque européenne n’est vraiment en bonne santé et effectivement tout est relatif. Simplement, il est tellement tentant, qu’on on s’est convaincu que l’intérêt du Royaume-Uni est de revenir à un statut d’État associé à l’Union européenne, comme la Suisse ou la Norvège, de crier au loup.

Il est très vrai qu’environ le cinquième des dettes des entreprises italiennes, portugaises ou espagnoles vont s’avérer non recouvrables. Il est évident que Mario Soares, l’ancien Premier ministre et président portugais, plaide pour que son pays se déclare en faillite (après Michel Rocard, qui n’excluait pas cette éventualité). Le système ne tient qu’aux taux directeurs d’intérêts anormalement bas, qui spolient les épargnants partout en Europe.

Cela étant, le risque systémique est omniprésent, et ce qui se produirait en Grèce si les étrangers retiraient leurs fonds aurait des répercussions aussi sur le Royaume-Uni. Même si les avoirs étaient rapatriés en Grande-Bretagne.

Le Royaume-Uni, qui fait tourner la planche à billets ou pratique l’assouplissement quantitatif à hautes doses, joue sa partition sur l’air de Take the Money and Run (from the Continent). Sauf que, l’inflation, en Espagne, est beaucoup moindre qu’outre-Manche. Sauf que la Royal Bank of Scotland et Natwest, Lloyds TSB ou Barclays ne valent guère mieux que certaines banques françaises ou allemandes.

Si les Britanniques veulent vraiment jouer cavaliers seuls, mais qu’ils le fassent donc. Mais en supportent les conséquences : pas question de leur laisser le moindre accès au marché continental dans ces conditions ! Et là, on verra ce que prêchera Jeremy Warner. Quelque lui soufflera sans doute à son petit doigt que ce n’est pas vraiment ce qu’il faut répercuter dans ses colonnes.

La presse espagnole (anglophone incluse) a largement repris, factuellement, les opinions de Jeremy Warner (le bien nommé : le lanceur d’alerte). Very cricket.