Le Tchad, beaucoup plus éloigné de l’Algérie que la France, communique davantage sur les opérations militaires de ses troupes que la France. N’Djamena avait annoncé la mort d’Abou Zeid, considéré le second chef d’Aqmi, c’est à présent celle de Mokhtar Belmokhtar, le commanditaire de l’attaque sur le site gazier d’In Amenas, en Algérie. Plus que leurs morts, les prises de prisonniers, dont l’un est issu du Polisario sahraoui, pourraient éclairer sur le rôle d’Alger dans la région…

On ne peut dire que l’état-major français soit très disert sur les opérations militaires dans le nord du Mali. Peut-être est-ce dû à la volonté française de limiter de nombre de militaires tués en donnant le moins de renseignements possibles, mais aussi du fait de la nature de l’engagement français… Cela donne l’impression que le Tchad, qui n’a pas envie de voir des adversaires potentiels trouver refuge dans la Libye voisine, mène l’essentiel des opérations terrestres, obtenant les meilleurs résultats à ce jour.

C’est passé inaperçu car enrobé du langage diplomatique d’usage, mais le Maroc a une nouvelle fois appelé l’Algérie à coopérer sur la question sahraoui. La raison en est que l’essentiel des combattants sahraoui se trouve dans la wilaya algérienne de Tindouf, et que parmi les sept prisonniers des Tchadiens à la suite de l’offensive contre Abou Zeid (ou Mohamed Chedir, un Algérien), d’Aqmi, se trouvait un sahraoui du Polisario.

« Le ratissage se poursuit à la recherche des fugitifs, » a communiqué l’état-major tchadien après la déroute des djihadistes de Mouwaghina Bi Dam (Moulatamine ou Signataires du sang), issus d’Aqmi.

Faire des prisonniers de ce groupe permettrait peut-être de décrypter les liens entre Aqmi et Ansar Dine (Ançar Eddine), d’Iyad Ag Ghali, dont le rôle, favorisé par l’Algérie, a consisté à contrer la montée en puissance du MNLA touareg laïc.

Iyad Ag Ghali, un Touareg, est présumé avoir ordonné la prise de Konna, qui marque la limite entre le nord et le sud maliens, début janvier dernier, ce qui décidera de l’intervention française.

On ne sait trop qui, des services militaires tchadiens ou français, se chargera du « traitement » des prisonniers. Par ailleurs, l’armée malienne, avec appui français, aurait arrêté une cinquantaine de personnes liées au Mujao sur une île fluviale du Niger, proche de Kadji et Gao. Il s’agirait exclusivement de Songhaïs musulmans noirs, dont un imam. Aucune arme n’a été trouvée.

Les différentes forces détiennent à présent des membres de diverses composantes et tenteront de déterminer la nature réelle de leurs liens, entre elles, mais aussi avec des groupes de pays voisins, dont l’Algérie.

L’un des nœuds du problème est le sort qui sera réservé au MNLA qui appuie l’offensive française mais fait aussi l’objet d’accusations de populations non-touaregs dans le nord du Mali. Un groupe d’autodéfense formé d’Arabes, le MAA (Mouvement arabe de l’Azawad), se serait violemment confronté à un détachement du MNLA. Par ailleurs, sa représentativité fait l’objet de controverses. Le MAA n’est pas la seule milice à caractère ethnique dans le nord du Mali, peuplé d’une mosaïque de clans ou factions familiales, dont des clans touaregs comme celui de Bilal Ag Acharif qui tient pour partie Kidal. Il existe aussi au nord un mouvement d’autodéfense de la communauté bellah (Touaregs noirs).

Les morts des deux dirigeants djihadistes n’ont pas été confirmées par Paris. Il présumé que ces annonces visent à obtenir des démentis qui permettraient de nouvelles possibles localisations.

Quoi qu’il en soit, ces annonces peuvent avoir pour effet de susciter des fuites d’ex-partisans de divers groupes qui tenteraient soit de se rendre, soit d’en reformer d’autres voulant négocier sur leur survie ou leur impunité. Reste à savoir dans ce dernier cas, si leurs représentants trouveront des appuis dans les pays voisins, voire à Bamako. 

Le Quai d’Orsay vient de mettre sur la touche un diplomate spécialiste de la région qui avait eu le tort d’affirmer que la Mali était « une démocratie de façade ». Son armée est divisée entre divers généraux et colonels qui sont davantage des hommes d’affaires ou des politiques que des chefs militaires. Viendraient-ils à être écartés que leur puissance économique et leur influence subsisterait.

Pöur Sidylamine Bagayoko, chercheur malien, interrogé par Afrique Démocratie, « l’occupation du Mali n’est ni plus ni moins que le résultat de la corruption généralisée qui s’est manifestée par les prises de décision solitaire et la gestion laxiste de l’État qui sont le résultat de la faillite de la démocratie malienne fondée sur le mensonge d’Etat et la trahison, rendant possible des décisions unilatérales qui violent la constitution comme les accords d’Alger en 2006. ». Pour lui, lors du coup d’État du capitaine Sanogo, actuellement recasé et grassement rétribué, le Mali se trouvait en état de « putréfaction avancée ». Reste à savoir si l’actuel pouvoir ou le suivant issu des élections qui s’organisent seront ou non aptes à guérir un malade dont l’entrée en convalescence n’est pas déjà assurée.

Parmi les militaires maliens, deux « hommes forts » émergent : le colonel Ould Meydou (Tombouctou) et le colonel-major Alhaji Ag Gamou (Gao). Le premier, las d’attendre des renforts de Bamako, voudrait s’appuyer sur des milices arabes. Le colonel Gamou, qui dirige un bataillon malien, pourrait lui aussi fédérer des milices. Quant aux autres forces africaines (hormis la tchadienne), celles de la Misma, elles brillent par leur absence, attendant peut-être un accord de financement avec les Nations Unies. Reste à savoir qui ravitaillera l’armée malienne au nord, depuis où, et par le truchement de quels intermédiaires.

Quant au retour de la normalité au nord du Mali, il est incertain : Touaregs et Arabes continuent de fuir vers les pays voisins, notamment la Mauritanie, abandonnant parfois du bétail. Les organisations humanitaires peinent à se réimplanter, du fait des mines et de la crainte de coups de mains les visant. Des militaires, notamment allemands, devraient les assister.

Les combats se poursuivent dans l’Adrar des Igoghas où un caporal, Cédric Charenton, 26 ans, du 1er RCP (chasseurs parachutistes) de Pamiers, a été tué, portant les pertes françaises à trois morts. Il serait mort samedi en fin d’après-midi, lors d’affrontements directs.
Les combats se poursuivent aux alentours de Gao et auraient fait une cinquantaine de tués dans les rangs du Mujao depuis vendredi dernier, selon une source militaire malienne.