Maître Vergès entre tribunal, scène de théâtre et modernisation judiciaire

Alors que le Sénat vient d’adopter la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature, Maître Vergès vient plaider sur les planches à Saint Malo le 20 octobre 09 pour une cause citoyenne, avec le talent et la brillance qui caractérisent son éloquence et sa présence. Sa passion : l’art de défendre, comme manière de vivre.
L’énigmatique personnage a suscité des controverses tout au long de sa carrière professionnelle. Il m’a semblé naturel de chercher à découvrir l’énigme cachée dans ce monologue d’1h30. Que faut-il voir dans cette pièce, au-delà du talent de ce ténor doté d’une élocution magistrale, de cet intellectuel à la culture immense, de ce baroudeur du droit non-conformiste au parcours de vie peu conventionnel?


La critique encense le talent, la qualité rare de la dialectique et de la rhétorique, exemplaires et fascinantes, de cette personnalité de notoriété mondiale. C’est un rendez-vous à ne pas manquer. Un avocat à la réputation internationale sulfureuse qui monte sur une scène de théâtre !
Le sémillant octogénaire se lance dans une série de tournées en France et dans le monde pour nous expliquer que "dans un procès, un drame est en train de s’accomplir sous nos yeux, un duel entre l’accusation et la défense. L’avocat et le procureur racontent deux histoires non pas vraies, mais vraisemblables. Et quand le dernier écho de l’éloquence s’est perdu dans les prétoires, il s’agit moins de dire le droit que de proclamer le vainqueur. La vérité est-elle fondamentalement hors de portée de la Justice ? " (accroche de la pièce).
Cette démarche peut être interprétée comme celle d’un intellectuel à la culture immense dont le but est de comprendre, par son empathie et son sens de l’humain, comment on en est arrivé à des tragédies de vie.
Il s’appuie sur une parenté de forme entre "l’oeuvre" judiciaire et l’oeuvre littéraire, une parenté de fond également, puisque l’oeuvre littéraire contribue, dit-il, à une remise en cause de l’ordre du monde.Il montre le procès de rupture, lorsque les valeurs (références intellectuelles, culturelles…) des accusés sont antagonistes avec les valeurs des juges. Il relève la valeur didactique du procès, sa recherche de sens.
Dans un interview, Maître Vergès confie que le tribunal est "un lieu de métamorphose, d’universalité, et de rédemption".
Comme lui-même le fait remarquer, « un dossier de justice est aussi le sommaire d’une tragédie inachevée ».
Tragédie, c’est vrai, mais dans les tribunaux, bien souvent, on joue Tartuffe.

En fouillant dans les sites des avocats, j’ai constaté que beaucoup ne se résignent pas et n’acceptent pas la réforme de la carte judiciaire telle qu’elle a été arrêtée par le Ministère de la Justice sous l’autorité de Madame Rachida Dati. Ils veulent une justice plus rapide, plus efficace et plus lisible. Ils refusent d’éloigner la justice de ses justiciables.
La presse nationale relaye les erreurs judiciaires et révèle des scandales étouffés par la magistrature, comme le montre cet article édifiant du journal "Le Point" http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2007-01-18/ces-juges-qui-derapent/920/0/41735
A ce sujet « L’information ne remonte pas les juridictions, analyse un magistrat, sous couvert d’anonymat. Il y a une certaine propension à étouffer des affaires pour préserver l’image d’un tribunal. On préfère laver son linge sale en famille. » La solidarité entre juges joue aussi. Il s’agit souvent de drames humains, parfois même de désarroi ponctuel. « On se dit : et si cela nous arrivait à nous ? confie le même magistrat. Juger est un métier dur. Et nous ne sommes pas des surhommes. On prend constamment en pleine gueule la misère, la violence et la folie des hommes. Personne n’est à l’abri d’une dépression. »

Si l’indomptable maître Vergès monte ainsi au créneau à plus de 80 ans, c’est peut-être, sans lui prêter d’intentions, parce que la situation est très préoccupante et doit déboucher sur une refonte de la justice, sauf à ce que la débâcle judiciaire se transforme en crise démocratique.

Et c’est aussi le fondement, outre le talent incontestable de maître Vergès, du formidable succès de la pièce. Le public, souvent pris dans les rouages judiciaires et dans la tourmente des réformes, se sent concerné, il cherche à comprendre, espère des réponses, des ouvertures pour l’avenir.
La population ne croit plus en la justice. Les Français n’ont confiance ni en sa capacité, ni en sa qualité, ni en son efficacité. Pire, la justice fait peur.

Les «réformes de la Justice » se succèdent les unes après les autres mais elles n’ont de réforme de la Justice que le nom.

De nombreuses décisions de Justice ne sont jamais exécutées.                                           Dans le cas des inexécutions, la Justice est rendue en théorie mais pas en pratique, après souvent de longues années d’attente. (Pour l’essentiel, la Justice n’est d’ailleurs même pas rendue.)

Le Syndicat de la magistrature définit deux piliers de la justice, aujourd’hui en péril :
. La mission de gardiens des libertés. De nouvelles lois qui s’attaquent à la possibilité pour un juge de trouver une sanction adaptée et individualisée, et font de la justice une machine à punir.
. L’accès à la justice. Des mesures comme la réforme de la carte judiciaire ou le ticket modérateur lui portent préjudice. La population se sent de plus en plus exclue de la justice. Et cela va encore s’aggraver avec l’éloignement géographique des tribunaux. "On va aboutir à une justice désincarnée, déshumanisée, qui ne prendra plus en compte les plus pauvres".

La distance par rapport au citoyen, au justiciable, le manque d’adéquation vis-à-vis des nouveaux besoins sociaux de justice, tout concourt à mettre à distance le citoyen : fonctionnement, langage, rituel, espace architectural, distance géographique si la réforme de la carte judiciaire aboutit…

 

Une absence de réflexion sur l’exercice de la fonction de justice par rapport à de nouveaux besoins sociaux est dénoncée par es professionnels. La justice n’a pas seulement pour objet de rendre un jugement. Elle doit aussi consolider ou restructurer le tissu

Corporatisme : un juge a toujours bien fait, car si un juge le déjuge, alors il se déjuge lui-même. Ce disfonctionnement est pointé dans les sites de professionnels.

 

– L’absence de réel contradictoire. Les avocats ne sont pas écoutés. "Nous avons l’impression d’être face à des magistrats qui, en en eux-mêmes et par eux-mêmes, savent et connaissent tout. On a bien vu ces deux problèmes illustrés par l’affaire d’Outreau."

A continuer dans cette voie, nous risquons le pire pour un Etat de droit : que chacun finisse par se faire justice soi-même. Cette justice privée arrive à grands pas. Des entreprises font maintenant appel à des "personnels persuasifs" pour résoudre certains problèmes d’impayés… Il serait donc temps de redonner à notre Justice française ses lettres de noblesse : en retranchant des codes les dispositions obsolètes, en permettant aux nouvelles d’être effectivement appliquées, en formulant des propositions de réforme de la Justice pénale ou civile qui aillent dans le sens d’un renforcement de l’Etat de droit en France, pour tous. Personne oublié, personne au-dessus.

 

 

De tous, magistrats mais aussi citoyens et responsables politiques, avocats et journalistes, le scandale d’Outreau ainsi que le nombre de toutes les erreurs judiciaires, exigent un examen de conscience, un exercice de raison critique et des remises en questions, le courage d’engager des réformes profondes et coordonnées, afin de rendre à la justice française ce qu’elle a d’humain et cesser de mutiler inutilement la vie des hommes au lieu d’accéder à la vérité, rendre la justice et dire le droit.

Maître Vergès, répondant à la question d’un journaliste qui lui demandait lequel des septs péchés capitaux lui parait le pire, il a répondu sans hésiter : " Le mépris de l’autre".

Je rendrai pour finir la parole à Maître Vergès, en hommage à son talent oratoire :

« La profession d’avocat n’est pas seulement l’exercice d’une technique c’est aussi et avant tout une manière d’assumer l’humanité de tous les hommes, coupables ou non. Dans ces procès obscurs qui sont le quotidien des tribunaux, nous, avocats, avons cette chance de pouvoir assumer l’humanité de tous nos clients. Nous devons les défendre, tous, comme le disait Albert Naud. Mais les défendre, ce n’est pas les excuser. Sans cela nous perdrions notre crédibilité, nous cesserions d’être des avocats pour devenir des complices. Notre place est d’être debout devant lui, revêtus de notre robe. Il y a un paradoxe de l’avocat comme il existe un paradoxe du comédien. Non pas s’identifier à la cause de l’accusé, mais s’en laisser imprégner pour comprendre ce qui s’est passé. Encore une fois, comprendre ne veut pas dire justifier, minimiser, absoudre. Comprendre, c’est au contraire armer la société pour que le crime ne se reproduise pas».

Photos de répétition
http://serialplaideur.blog4ever.com/blog/photos-221126-5.html

Des extraits de la pièce
http://culturclub.com/larsen/artefact/artefact-0001/artefact-0001_reportage_jacques-verges-serial-plaideur.html

Biographie :
Né au Cambodge, Jacques Vergès grandit à la Réunion où il fait ses études. Très tôt sensibilisé à la politique, il participe à l’âge de 12 ans à une manifestation du Front Populaire. A l’école, il côtoie Raymond Barre et obtient son bac à l’âge de 16 ans. L’année suivante, il s’engage dans les Forces Françaises Libres et se retrouve à Paris où il poursuit ses études de droit et adhère au Parti Communiste en 1945. Diplômé, il s’inscrit au Palais de Justice de Paris puis se présente au concours du barreau de Paris. Il devient avocat, se positionne contre le colonialisme et demande à s’occuper d’affaires en Algérie. Il milite pour le FLN en défendant par exemple Djamila Bouhired, accusée de terrorisme. En 1962, Jacques Vergès s’installe à Alger et devient le chef de cabinet du Ministre des Affaires Etrangères puis rencontre l’année suivante Mao Zedong et se rallie dès lors aux thèses maoïstes. Jacques Vergès est très médiatisé, notamment pour avoir défendu des terroristes et des personnes accusées de crimes contre l’humanité comme Klaus Barbie et Slobodan Milosevic. Egalement auteur de nombreux ouvrages, Jacques Vergès est une personnalité qui reste un mystère pour beaucoup et que le documentaire de Barbet Schroeder L’Avocat de la terreur, film sélectionné dans la catégorie Un Certain Regard au Festival de Cannes 2007, tente de cerner. Source http://www.palaisdesfestivals.com/article.php3?id_article=4653http://www.palaisdesfestivals.com/article.php3?id_article=4653

15 réflexions sur « Maître Vergès entre tribunal, scène de théâtre et modernisation judiciaire »

  1. [b]Votre talent, me ferait bien dire que nous avons trouvé :
    « Notre Anidom Nidolga, en « jupons »!
    Surtout prenez cela comme un Grand compliment!
    Anidom Nidolga, est un excellent rédateur, qui fournit des sujets fouillés, en mettant son ressenti à chaque fois!!
    Beau travail que le vôtre également
    SOPHY[/b]

  2. [b]NON, Résistant, le lien que vous mettez nous envoie sur un site, qui reprend les articles parus sur internet, en précisant le site qui l’a publié!
    Il n’y a pas de copier coller dans ce cas précis
    J’ai été moi aussi, référencé, sur un autre site qui s’appèle Cozop, il y a quelques temps, et m’était fait la mêm réflexion!

    [/b]

  3. Sophy, je me suis déja exprimé à ce sujet, ce qui me désole c’est qu’il n’y a rien qui vient des « tripes cérébrales » de ceux qui se prétendent « grand reporter C4N »

    Ils ne font que reprendre des articles paru sur le WEB, sans y ajouter une note personnelle, une opinion ……..

    Citer une source, et faire l’analyse du texte de la dite source n’est pas compliqué, c’est comme à l’école, au collége, au lycée, il nous est proposé un théme et nous dissertons dessus.

    Faut pas sortir de ST CYR pour comprendre celà !

    Au plaisir de vous lire.

  4. En ce qui concerne mes articles et écrits, il serait difficile de nier mon implication personnelle et ma liberté d’opinion…largement reconnues et plébiscitées par tous ceux qui me connaissent.

    Par ailleurs, il existe derrière ces articles, une pensée constructive qui ne se borne pas à rapporter des faits d’actualité, mais cherche toujours à développer des axes de réflexion et d’évolution à partir de ce que l’actualité livre.
    C’est un travail de recherche et une démarche intellectuelle à part entière.

    Par exemple, sur la pièce de Maitre Vergès, vous ne trouvez la plupart du temps sur le net que des textes qui la présentent.

    Mon article présente l’originalité de développer à partir de cette pièce un sujet judiciaire, et de société, dans un contexte pertinent de réformes (dernier vote du Sénat),de réformes judiciaires profondes et de scandales judiciaires, symptômes de disfonctionnements à améliorer.

  5. Je pense qu’en effet il vaut mieux en rester à raconter en 15 lignes le dernier accident de petite culotte de la starlette en vogue.

  6. Enfin, je suis actuellement en contact avec un jeune artiste de Vannes que j’ai découvert grâce à un article de journal qui relatait une opération évènementielle très originale de ce jeune homme. J’aurais pu simplement la relayer ici en quelques lignes. Je suis allée beaucoup plus loin : j’ai pris contact avec cet artiste, et nous avons longuement échangé. Je voulais comprendre sa démarche artistique, et comment elle était née. Je voulais mesurer l’influence de son passé et de ses conditions de vie actuelles sur son art. Je me déplace depuis les côtes d’Armor jusqu’à Vannes mercredi pour l’interviewer et prendre des photos de lui, de lui en situation, et de ses oeuvres.
    Alors que je suis amateur, avec d’autres activités en dehors de rédiger des articles.
    J’ai les preuves email des échanges avec cet artiste, avec les dates.
    Osez encore une fois insulter un travail de recherches et d’idées!

    A lors à l’avenir, monsieur Limited, vous voudrez bien prendre la peine de vous renseigner sérieusement avant de porter des accusations.

    En revanche, cet article, pardon ce reportage, ne sera plus diffusé pour 1 € à C4N, dans ces conditions, mais diffusé autrement.
    Mais rassurez-vous, je vous posterai le copié-collé d’un lien vers le magasine qui diffusera le reportage.

    Amusez votre public avec des histoires de nichons à l’air, c’est surement plus adpaté à votre niveau intellectuel, monsieur résistant limité.

  7. Pour finir de me calmer, voici encore quelques exemples de MES réalisations :
    2 clips destinés aux enfants, leur éducation, science, prévention,
    1 clip détente à partir de MES photos
    ” Le feu qui ne brûle pas – prévention incendies domestiques” http://www.youtube.com/watch?v=3lg4S-_Gs8c
    Un sketch avec ” 3 lascars” humoristiques, monté à partir d’une expérience consistant à brûler un billet de banque et le récupérer ensuite, permet de sensibiliser les enfants, et aussi les adultes, au risque incendie à la maison (1 incendie toutes les 2 minutes en France, 10000 victimes, env 450 morts par an). Ce clip ludique, sait aiguiser la curiosité avec beaucoup d’humour, et accroitre l’intérêt au fur et à mesure des séquences. Suivi d’un court exemple réel, et de consignes de prévention.

    “Fabrique une méduse adn et comprend les explications avec Pinkie la panthère rose !”
    Film étonnant, créatif qui sait capter l’attention, enseigner et amuser. Un personnage de dessin animé montre aux enfants comment fabriquer de l’adn facilement. Des explications simples sont données au fur et à mesure.
    Catégorie “éducation”.http://www.youtube.com/watch?v=8f9Pep3KGY4

  8. To B Com studios propose :

    “Une balade pour se retrouver.”

    Ce clip vous invite à juste profiter d’un moment pour vous, un temps et un espace rien qu’à vous, pour exister. Laissez le clip diminuer votre niveau de tension et de conscience et vous amener au niveau appelé sophro-liminal, dans lequel votre cerveau profond se libère. Balade en forêt, en bord de mer, découvertes, retour aux sources et à la vie, partage, au son d’une musique douce et entraînante (musique free Kamanjo). Il vous entraine dans un monde de sensibilité, d’imaginaire, de symbolisme, de paix et de sérénité. Un voyage libératoire, une évasion essentielle.

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