L’Histoire et la politique ont des ressorts parfois bien insondables. C’est en tout cas ce que doivent penser les Ukrainiens et leurs peut-être futurs partenaires européens qui se livrent à d’ultimes tractations à quelques semaines du sommet de Vilnius qui doit décider de l’avenir européen de ce pays de l’Est.

 


L’est. C’est justement en raison de sa situation géographique et de la forte influence russe dans la région que l’Ukraine a mis du temps à s’émanciper. La Révolution orange de 2004 qui s’est finalement terminée en queue de poisson ne devait pas avoir de suite positive. Les aléas et les rebonds de l’Histoire en ont décidé autrement et l’adversaire d’hier – Viktor Ianoukovitch – s’est mué en leader d’un rapprochement avec l’Union européenne et en bâtisseur d’une démocratie pleine et entière.

 

En l’espace d’une décennie, l’échiquier politique ukrainien s’est radicalement transformé. Les leaders de la révolution orange se sont discrédités. L’ancienne passionaria et première ministre Ioulia Timochenko est même en prison pour des faits de corruption. L’ex-président Iouchtchenko a fini son mandat seul après n’avoir rien su changer au fond. Ianoukovitch, son ancien adversaire malheureux à la présidentielle conduit le pays depuis trois ans et l’ancien protégé du Kremlin s’avère être un redoutable homme politique, bien loin de l’image de marionnette entre les mains du président russe, qu’a longtemps voulu dessiner l’opposition ukrainienne.

 

Si Ianoukovitch s’est beaucoup rapproché de l’Union européenne et souhaite que les efforts soient couronnés de manière symbolique et pratique en novembre lors du sommet de Vilnius, cela s’explique notamment par des raisons commerciales. Entre les normes européennes et le Far East russe dans lequel les investisseurs et entrepreneurs ukrainiens sont sûrs de perdre, les calculs sont faciles à faire. Ne pas offrir la souveraineté économique (et politique) à des forces étrangères, telle est l’idée qui pousse les autorités ukrainiennes à jouer le jeu de l’Union européenne.

 

Alors qu’un accord d’association et de libre-échange est sur le point d’être signé en novembre entre l’Ukraine et l’UE, la Russie propose à Kiev de la rejoindre au sein d’une autre structure : l’Union douanière eurasiatique. Proposer est un bien grand mot. Forcer la main décrit mieux la réalité des choses. Quand Moscou met la pression sur Kiev via une augmentation sensible des prix du gaz, les relations que souhaite tisser Vladimir Poutine avec l’ancien pays socialiste sont claires. Tellement claires que c’est désormais l’ensemble des principaux partis politiques ukrainiens qui appellent de leurs vœux un rapprochement avec l’Union européenne.

 

Si les divisions politiques d’hier sont toujours vivaces, il est certain que les dirigeants ukrainiens n’ont jamais – depuis l’indépendance – poursuivi avec tant d’enthousiasme un seul et même but. Tous savent que l’avenir de l’Ukraine en tant que pays souverain est dans la balance et qu’une hésitation de Bruxelles profitera à une Russie dont l’appétit ne cesse de croître.