Rappelez-vous : c’était il y a environ un mois, des civils manifestaient sans discontinuer à Tripoli pour demander le désarmement des brigades et le départ des milices de la capitale.
Comme il s’agit d’un objectif du gouvernement de Benghazi, la nouvelle presse libyenne (plus de 140 titres et chaînes) en avait fait état, répercutant la promesse du pouvoir « central » et son ultimatum : tous les groupes armés devaient déposer les armes et quitter Tripoli avant Noël.
Bien évidemment, ils n’en ont rien fait, se retirant certes, pour certains, de la capitale, mais en armes, et à présent, en ce premier janvier, c’est à Benghazi que « de nombreux Libyens » se sont rassemblés sur la place des Martyrs pour réclamer la même chose : le départ des milices allogènes de Benghazi.
C’est aussi répercuté par la presse libyenne…
Pour les autres petites manifestations, celles de femmes notamment, qui ne rassemblent que deux ou trois centaines de personnes au mieux, elles peuvent se dérouler sans incident… mais sans qu’il en soit fait état par la presse : ce n’est pas de la censure, plutôt de l’autocensure.
Même la presse dite d’opposition (tenant pour une ligne plus libérale) ne veut pas fragiliser le pouvoir.
Elle est en revanche unanime pour condamner l’Égypte dont le satellite Nilesat de communications héberge à présent une chaîne de télévision pro-kadhafistes, Al-Jamahiriya. Laquelle répercute par exemple que, pour Seif al-Islam Kadhafi, ce serait Moussa Koussa qui aurait en quelque sorte dirigé les tirs de l’Otan ayant provoqué la mort, à Tripoli, d’une partie de la famille de son père (deux petits enfants y avaient trouvé la mort ainsi que Seif al-Arab, autre fils de Kadhafi). Seif se trouve encore aux mains de « ceux de Zintan » et serait traité plus comme un hôte (ou otage de marque) que comme un prisonnier détesté. En revanche, les prisons clandestines restent pleines.
Nouveau chef d’état-major
Le chef d’état-major de l’armée libyenne, qui devra intégrer quelque 50 000 thowars dans la future armée, ne sera pas Khalifa Haftar, qui avait été pourtant « élu » à ce poste au terme de tractations avec un grand nombre de commandants de brigades. Il ne conviendrait plus. Une soixantaine de candidats à sa succession devront convaincre une assemblée réunie à Misrata. Khalifa Haftar était le choix d’anciens ou actuels militaires rebelles, le prochain devrait être celui d’une partie des brigades composées de thowars.
Qui sont donc ces thowars si chers à Bernard-Henri Lévy, soit des médecins, des ingénieurs, des membres des classes moyennes ? Selon Lassaad Mourali, directeur de la firme d’importation d’engins industriels et de travaux publics Tanmia Haditha de Tripoli, un Tunisien, ce sont principalement des incompétents et des fainéants. Il le confie à la presse tunisienne. Son article reproduit par Kapitalis est édifiant : souhaitons que BHL le lise attentivement. Cela n’enlève rien à leur courage ou leur ardeur à faire main basse sur les biens des « disparus » (tant des pro-kadhafistes que des opposants à l’ancien régime ayant préféré fuir les violences et les bombardements de l’Otan). Médecins, pharmaciens, ingénieurs ou architectes ont le plus souvent, selon lui, acheté leur diplôme. Auparavant, les lois et réglementations « changeaient du matin au soir », et de ce point de vue, très peu a varié (sans jeu de mots, les nouveaux règlements n’étant pas forcément plus pourris que les précédents). « La corruption continuera d’exister à tous les niveaux », pronostique sans trop de risque Lassaad Mourali.
Air France veut rouvrir sa ligne vers Tripoli mais, à tout instant, ses équipages risquent de se retrouver entre deux feux, soit au milieu de rixes qui peuvent donner lieu à des échanges de tirs (comme au soir du 25 décembre dernier). Résumé : « je doute fort que les 150 000 emplois [espérés] de Tunisiens voient le jour rapidement. ». Au temps pour Alain Juppé qui prévoyait un juteux « retour sur investissement. ».
En revanche, la contrebande est aux mains de gens qualifiés, quatre douaniers tunisiens un temps retenus en otages (le plus blessé à été libéré à l’hôpital de Tripoli) peuvent en témoigner.
Nouveau chef d’état-major, nouvel avocat pour Aïcha Kadhafi qui a pris pour conseil Nick Kaufman, dont le cabinet est sis à… Jérusalem. Il était aussi naguère procureur de la Cour internationale de justice. Il réclame des dommages et intérêts pour sa cliente qui a perdu un enfant sous les bombes et a visionné la retransmission de la fin de son père, assassiné comme l’un de ses frères à Syrte.
Pour le moment, il n’a pas fait citer BHL.
Quel marché noir ?
Une partie des milices auraient quitté Tripoli pour regagner leurs fiefs, mais selon un mystérieux chef milicien, lié aux dirigeants de la compagnie d’électricité tripolitaine, certains seraient revenus. Ce ne peuvent être que des kadhafistes, évidemment car ils auraient acheté des explosifs « au marché noir ». Ou peut-être gris, car la vente de munitions se fait au grand jour à Tripoli, les islamistes étant particulièrement actifs. En fait, comme plus personne ne règle ses notes d’électricité, et que les coupures persistent, l’arrestation de ces neufs personnes tombe fort à propos. Cela explique tout.
Abdullah Naker, chef du Conseil révolutionnaire tripolitain, a repris à son compte cette thèse peut-être hasardeuse. Bref, tous les miliciens hors du contrôle du dit conseil sont désormais des nostalgiques de l’ancien régime. Les ex-rebelles qui manifestent pour obtenir des soldes ne sont pas déjà considérés être des contre-révolutionnaires, mais cela, sauf allocations de fonds satisfaisantes, pourrait ne pas trop tarder.
Syrte et Beni Walid sont laissées à elles-mêmes, même si des ONG tentent de se livrer à la récupération d’armes et de munitions non explosées. Les habitants de ces villes ne peuvent prétendre à s’employer aux abords de la Syrie ou le Qatar regroupe des combattants du Libyan Islamic Fighting Group, les seuls à ne plus troubler le nouveau gouvernement trop ouvertement. Abdel Hakim Belhaj, ex-proche d’Al-Qaida, serait donc passé sous contrôle qatari, et se trouverait au nord du Liban, sous le pseudonyme de Salem Al-Alwani, selon Prensa Latina et divers titres africains.
La Libye nouvelle évoque fort l’Iraq du présent, où des mercenaires vont peut-être remplacer les troupes américaines, sans qu’on sache trop si ces « spécialistes » se vendront ou non aux mieux disants.
Grèves et armées mexicaines
La plupart des combattants seront prioritaires pour des postes dans l’armée et l’administration. Mais il sera difficile d’en faire de simples soldats ou des commis tout au bas de l’échelle. Il faut en recaser environ 250 000 ayant réellement pris part à de vrais combats ou ayant regardé d’assez loin les bombardements avant de rentrer « libérer » des villes exsangues.
Pour le moment, ceux qui travaillent, sous la direction de nouveaux responsables et d’anciens, souvent rétrogradés, ne savent pas trop quelle attitude adopter. Au port de Tripoli, 300 ouvriers viennent de se mettre en grève, non pour des augmentations, mais, par exemple, « pour des locaux où se chauffer en hiver et se rafraîchir en été. ». Cela faisait des années qu’ils avaient transformé des containers en abris, mais ils exigent à présent davantage, rapporte Reuters.
Or, qui peut vraiment leur donner satisfaction ? En attendant que l’Europe et les États-Unis sortent de la récession, que la Chine règle des problèmes intérieurs, on ne voit guère que la Russie et des pays d’Amérique latine ou du Moyen-Orient, profitant de la manne pétrolière qui tarde à redonner à Benghazi de quoi satisfaire des revendications.
Benghazi veut certes bien renouer avec l’italienne ENI, mais exige des contreparties. Par un singulier retournement, des pays parmi les moins prompts à mettre fin au régime de Kadhafi pourraient être sollicités.
Paradoxalement, c’est la chaîne qatari Al-Jazeera qui rapporte à présent des propos insolites : « Cette révolution ne nous a rien apporté. Nous sommes encore des esclaves. Il n’y a pas de sécurité. Kadhafi était un homme mauvais, mais il n’a jamais bombardé ma maison. La situation est-elle meilleure aujourd’hui ? ». Ce n’est qu’à présent que l’ampleur des destructions se révèle et la façade fraîchement repeinte du café « Chez Sarkozy » dans la banlieue de Tripoli est trompeuse.
Bah, il ne sera guère malaisé de changer d’enseigne au besoin. Aussi serait-il préférable que Bernard-Henri Lévy ne traîne pas trop pour aller se faire prendre en photo sous le portrait de Nicolas Sarkozy. Plus il tarde, plus il risque de devoir s’y rendre incognito, sans autre escorte que la presse occidentale, sans officiel pour l’accueillir… L’ingratitude n’est pas le propre du seul Nicolas Sarkozy…
Lors de leurs vœux respectifs, Jens Stoltenberg, Premier ministre norvégien, et le roi Harald V de Norvège, ont au moins fait allusion aux pilotes norvégiens engagés en Libye.
Il est vrai qu’ils n’ont pas eu beaucoup à « traiter » de cibles civiles détruites de leur fait.
Bon, Sarkozy aura eu un mot pour les militaires :
« [i]À vous, à tous ceux qui vous sont chers, à nos soldats qui risquent leur vie hors de nos frontières, à leurs familles qui vivent dans l’anxiété et à tous ceux qui dans le monde luttent pour la liberté, j’adresse ce soir tous mes vœux de bonheur pour la nouvelle année[/i]. ». Un peu vite expédié, mais là quand même.
[b]Vous n’trouvrez rien !
qui peut croire une fab’pareil'[/b] :
Affaire Karachi : Sarkozy aurait validé un circuit de commissions en 1994 .
[url]http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/01/02/affaire-karachi-sarkozy-aurait-valide-un-circuit-de-commissions-en-1994_1624670_3224.html[/url]