On ne sait toujours pas combien a pu au juste coûter la guerre en Libye, mais, à la veille d’un enfoncement dans la crise de la zone euro, toutes les soldes de tous les militaires français ont été revalorisées. C’est peut-être le seul point positif de ce conflit alors qu’en Libye, les islamistes sont incités à ne surtout pas se laisser désarmer.

C’est notre « philosophe » national, Bernard-Henri Lévy, qui l’assurait avec un mâle haussement d’épaules : l’islamisme, en Libye, était marginal et le resterait, voire régresserait. C’est peut-être pour l’avoir contenu que onze généraux français toucheront 6 700 euros de mieux par an (et de 320 à 560 euros de plus pour tous les officiers touchant des soldes de plus de 5 000 euros par mois, indique Le Canard enchaîné).
Mais l’opération Harmattan et d’autres ont indéniablement réussi. La preuve, 420 migrants africains (plus de 500 selon Associated Press), qui tentaient de gagner l’Italie depuis les abords de Tripoli, ont été interceptés en mer, vient d’annoncer, hier lundi, Fawzy Abdul-Ali, ministre de l’Intérieur libyen.

On ne sait pas trop comment sera jugé celui qui avait fourni le bateau et son équipage, s’il sera aussi sévèrement condamné (ou pardonné) que sous Kadhafi, mais c’est tout un symbole.
Il convenait de faire quelque chose. Lundi aussi, deux dinghies, avec à leurs bords environ 80 clandestins, ont été récupérés par les Italiens à 120 kilomètres au large de Roccella Ionica.
Ce mardi, on restait cependant sans nouvelles d’une quarantaine de Somaliens pris dans un orage de force 4. Au moins, on sait à quoi sert l’aide d’urgence détournée : à acheter des bateaux pour y mettre des Africains… La vie reprend en Libye… Merci BHL.

Islamistes
L’AFP le qualifie de « militant d’Al-Quaïda » (Al-Qaeda), ce qui ne signifie pas grand’ chose. Il est Libyen, se nomme Abu Yahya al-Libi, et il a appelé lundi les islamistes militants libyens à ne surtout pas rendre leurs armes. Avec des arguments intéressants.

Puisqu’en Amérique, on achète des armes « comme des pastèques », pourquoi donc l’Occident priverait-il les croyants mahométans de la possibilité de s’armer ? Rendre les armes, ce serait le risque de retomber sous la coupe « de tyrans arrogants, nationaux ou étrangers. ». Ce n’est pas loin d’une désignation d’un ennemi intérieur à la solde de l’étranger, à savoir, le CNT, mais… En tout cas, le reste de la diatribe est franchement anti-occidentale. Les armes sont nécessaires pour défendre la religion et ses biens, dans le respect de la charia. Les Libyens ont le choix. Soit désarmer et « choisir un régime laïc qui plait aux voraces crocodiles de l’Occident », ou vous optez pour la voie de Mahomet et d’Allah.
On ne sait trop où se trouve al-Libi, qui aurait été actif au Yémen, en Iraq, et un peu partout.  En tout cas, pour lui, la Libye doit devenir un nouveau califat avec pour devise : un peuple, une oumma, un Allah.

 

Ce ne serait pas lui, mais un certain Zawahiri, qui se serait arrangé pour mener la CIA au repaire de Ben Laden au Pakistan, histoire de se débarrasser d’un personnage devenu encombrant.

Ce qui ne doit pas trop lui plaire : à Tripoli, des femmes se voilent, mais d’autres, plus nombreuses, se débarrassent de leur foulard.

Encombrants

À Misrata, on trouve d’autres encombrants : les espagnols MAT-120, soit des projectiles à fragmentation. Ils avaient été vendus à Kadhafi en 2008. Mais il y a d’autres munitions, de toutes provenances. Autres gêneurs : les assassins du général Younès. Voilà une bonne semaine que le CNT a indiqué avoir retrouvé quelques-uns des 20 (ou sept, selon les sources) suspects, parmi lesquels figure un certain Ali Essawi (ou Ali el-Issawi) et « des gens très proches des décideurs de l’ancien régime. ». Commode… Essawi a démenti, depuis on ne sait trop où… Trois seraient détenus.

Il y a aussi encore trop de prisonniers dont on ne sait trop que faire. Aux blessés par balles, éclats, succèdent les accidentés de la route : il y a bien sûr encore des balles perdues (ou tirées en l’air) et des accrochages isolés, mais avec la liberté revenue, les manières de se comporter au volant se sont aussi libéralisées. Donc, plus d’accidents que du temps des Kadhafi. Un nombre certain de policiers ont tout simplement disparu. On peut aussi fumer de la moquette ou ce qu’on veut sans trop craindre la police. La boukha artisanale, ou celle importée de Tunisie, la Bokobsa du père Léon, même cacher, se dégustent sans trop craindre les islamistes.

Encourageant
Seulement deux femmes dans un gouvernement de 24 ministres, et encore sont-elles contingentées à la Santé et aux Affaires sociales, mais c’est un début, veut-on croire. Chaque ministre est flanqué d’un vice-ministre, voire d’un vice-ministre-adjoint. Il y a donc une vice-ministre-adjointe à la Justice et quelques autres encore dans divers ministères.

 

La production de pétrole reprend, notamment avec l’espagnole Repsol.
Les relations diplomatiques avec l’Iran seraient au beau fixe. Les différends avec la Tunisie semblent en voie de règlement.

 

Bref, la situation est contrastée. Aïcha Kadhafi a pris le contrôle de la télévision El Rai, qui sera basée en Syrie, mais elle se cherche un autre pays d’accueil. Elle appelle à la résistance, mais ne semble guère suivie.
Bref, c’est un peu chaotique, mais moins que ce que l’on pouvait redouter.

Certes la dernière entrée de la rubrique « Tourisme » du Tripoli Post remonte à novembre 2010, mais comme le fameux hôtel Rixos a entrepris des travaux de restauration, peut-être que la chaîne hôtelière turque (qui vient d’ouvrir un hôtel à Dubai) gratifiera le site d’un bandeau publicitaire. Ou peut-être que Digicel (téléphonie mobile, contrôlée par la grecque Demco), qui reprendrait les réseaux africains de l’ex-compagnie libyenne Lap Green, passera des annonces sur le site (basé à Malte). Si les affaires reprennent…

Bref, pour le moment, il semble que les brigades les plus islamistes puissent conserver leurs armes, mais… après avoir évacué Tripoli.
Si, le 20 décembre, après les manifestations des Tripolitaines et Tripolitains qui ne peuvent plus voir les milices faire la pluie et le beau temps, « les milices ne quittent pas la ville, la population de Tripoli et le gouvernement fermeront la ville à la circulation. ». C’est du Premier ministre, Abdel Rahim al-Kib.
Les thowars non-Tripolitains n’ont plus vraiment la cote dans la capitale… Abdelrazzak Abou Hajar, l’un des Tripolitains en liaison avec le CNT, souhaite un désarmement de tout le monde (sauf ses hommes, peut-on penser), avant le Nouvel An.
On attend la réaction des uns, des autres, et de quelques tribus… Espérons que, le 20 décembre, on ne verra pas trop d’ambulances circuler dans Tripoli…