Libye : le BHL bashing

Dominique de Roux, des Cahiers de l’Herne, avait son héros, son homme providentiel, l’Angolais Jonas Savimbi. Il sera épargné à de Roux (1935-1977) de voir ce chef militaire brûler vifs ses compagnons de lutte lui faisant de l’ombre. Bernard-Henri Lévy, surnommé BHV (Bazar de l’Hôtel de Ville), lui, en a vu d’autres, vite oubliés (« au suivant, au suivant », chantait Jacques Brel). On ne sait plus trop de qui il s’est entiché à Benghazi. Sans doute surtout de lui-même, si photogénique et resplendissant devant un char calciné.

Dans la presse et l’édition Lagardère (Hachette, Grasset…), et celle de Dassaut (Le Figaro), il est de bon ton d’encenser Bernard-Henri Lévy.
Dans l’autre, soit aux marges, c’est l’inverse.

Le BHL-bashing est de mise, en guignols assenant des volées de gourdin à BHV-Gnafron, aussi de manière plus sérieuse et fort documentée (les exemples d’impostures, de contre-vérités et contradictions assumées, voire de traductions pompées et légèrement détournées pour se mettre en valeur abondent dans « l’œuvre » de BHL-BHV).

La figure de l’intellectuel dit « engagé » est illustrée au siècle dernier par quelques grandes figures, Malraux, bien sûr, mais aussi Éric Blair (Georges Orwell).

BHL devrait à l’occasion relire le Homage to Catalonia (sur sa guerre d’Espagne, en unités combattantes du Poum) de ce dernier. Contrairement à Orwell, ses successeurs, jamais blessés, eux, sur le moindre front, trafiquent des armes ou des influences.

Pour les armes, ce fut le cas de Dominique de Roux, qui trafiquait des diamants au Congo pour armer l’ex-marxiste Savimbi en Angola (de Roux est l’un des personnages d’un roman inédit de Jean-Guy Rens dont le cadre est le Congo ex-belge). Pour les influences, voire pour les armes, BHL se distingue à Benghazi. Dans la présumée « future capitale » d’abord, de préférence au djebel Nefoussa (Nafusa) où sa sécurité aurait été plus aléatoire. Puis du côté de Zintan, en bénéficiant peut-être d’une coûteuse couverture aérienne.

Manque de mémoire historique

Le général Younès a été assassiné ? « Ce n’est en aucune façon la catastrophe militaire et politique que se plaisent à décrire ceux qui (…) ne manquent décidément aucune occasion de discréditer les insurgés. » (dans La Règle du Jeu et Libération). L’assassinat de Younès, d’un colonel et d’un commandant, voire les 63 arrestations qui ont suivi, et quelques purges sanglantes, sont finalement les « fruits de machinations plus ou moins clairement ourdies par l’ennemi. ». Il y a clairement confusion entre « les insurgés » et leurs dirigeants, et rappelons que Francisco Franco avait peu de prises sur les dissensions internes à la République espagnole.

Après l’avoir ignoré, voilà que BHL encense Younès. Il est vrai que, comme d’autres à Benghazi, Younès sentait un peu « la pâtée » de sa longue collaboration avec Kadhafi. Hier, qu’importait le rôle, mineur, forcément mineur, aux yeux de BHL (voir ses précédents écrits), des tribus. Là, BHL leur concède une existence. « Manque préoccupant de mémoire historique, » ose-t-il pour museler ses contradicteurs.

BHL devrait relire ses récents écrits, pour tenter de contrer les symptômes d’un alzheimer permanent… et chez lui, fort précoce. Nul besoin d’en appeler comme lui à De Gaulle et aux conflits internes à la Résistance : l’amalgame, rapide, fait surtout remémorer que Leclerc, en Libye, ne se faisait pas tirer dans le dos, ne finissait pas calciné avec ses aides de camp.

BHL appelle à ne pas « nier l’évidence ». Il était peut-être maladroit, dans ce cas, de publier dans La Règle du Je(u), une photo de Younès dans ce qui semble être un avion qui ne semble pas trop soumis à l’interdiction de survol du territoire Libyen imposé par la résolution 1973 de l’Onu.

Manichéisme et dogmatisme

Dans Mediapart (et Le Nouvel Obs’) le philosophe Daniel Salvatore Schiffer publie un long essai intitulé « Bernard-Henri Lévy en Lybie ou le narcissisme guerrier ». Il dénonce l’« outrancière simplification de la pensée » prête à porter avec le manichéisme pour chemise et le dogmatisme pour pantalon. BHL se livre à « une constante mise en valeur de sa personne » prenant pour prétexte telle ou telle cause du moment, et en ce moment, ce n’est pas tant la cause des insurgés libyens que celles de certains de leurs dirigeants, interchangeables, pourvus qu’ils servent les intérêts de BHL et de ses amis, industriels et autres. Schiffer s’image que BHL s’affuble « d’un narcissisme dont il ne soupçonne même pas l’indécence face aux morts qui l’entourent. ».

Tout à son nombril, BHL ne saurait faire face à rien d’autre, et le paysage changeant, mouvant, qui l’entoure n’est choisi qu’en fonction de sa valeur de décor ne lui volant pas la vedette. Les figurants qui l’entourent peuvent bien varier, ce ne sont que des silhouettes, leur interchangeabilité n’est pas plus une catastrophe éditoriale que personnelle.

L’auteur (Schiffer) de La Critique de la déraison pure cite largement Michel Field et sa chronique du défunt Info-Matin (du 3 juin 1994). Field s’y révèle féral, féroce : « à l’heure où des patrons sont mis en examen pour détournements de fonds, qui mettra en examen (…) certains intellectuels pour détournement de cause ? ». À l’époque, au siècle dernier, BHL passait encore pour un intellectuel.

Pignon sur miroir… et sur écran

Aux yeux de Pascal Boniface, avant lui, de tant d’autres, il passe pour un Philippe Val, une Adler, une Fourest, soit non pas pour ce que le titre de son livre, Les Intellectuels faussaires (sans doute imposé par l’éditeur, chez J.-C. Gawsewitch et non plus Hachette, quel hasard), mais pour un bonimenteur.

Rue89 relève qu’hormis Le Monde (et quelques autres quand même), dont Boniface fut un chroniqueur, les critiques de ces Faussaires « se comptent sur les doigts d’une main. ». Un bonimenteur, hélant le chaland car ayant « pignon sur écran ». Irréprochables, bien sûr, même s’ils « déforment la réalité avec doigté pour servir leurs intérêts propres » (ou sales, parfois), relève Hela Khamarou (Rue89).

« Au lieu de permettre au citoyen de réfléchir à des phénomènes complexes, on simplifie à l’extrême, on fournit à l’opinion publique des produits intellectuellement frelatés et toxiques et on fabrique des leurres idéologiques, » synthétise Boniface. Bref, on fait du journalisme tel qu’enseigné dans les écoles du patronat (il n’en est guère plus d’autres). Un angle, un seul : BHL a intégré la leçon.

Mais discréditer BHL – ce dont il se charge fort bien lui-même – n’équivaut pas, dans le cas de la Lybie, à battre en brèche ses pseudos-argumentations.

Chamanisme et pensée magique

Son plus que préoccupant « manque de mémoire historique » vaut pour Israël, pays jeune mais dont les actuelles divisions évoquent d’autres temps (bibliques et des diverses strates de la diaspora), et d’autres lieux (dont le ciment religieux n’a pas suffi à structurer durablement la cohésion). Que dire donc de son appréhension des Balkans, de l’Afghanistan, de la Libye ou de la Syrie. Son approche revient souvent à idéaliser la Réforme et vilipender le Vatican. Ses chapelles peuvent varier au gré de l’actualité, de son potentiel de médiatisation, qu’importe. Une Saint-Barthélemy ? Voici la Réforme sanctifiée, les quelques massacres de catholiques par les protestants absous, hic et nunc, et partout, urbi et orbi.

Pas de place au doute, et inversement, Israël s’oint de l’infaillibilité pontificale. Israël transcende autant les Israéliens que Benghazi, le sien, rend accessoires les Libyens, de Cyrénaïque, du Fezzan, ou de Tripolitaine. De terre promise en terre promise, BHL va son chemin, choisit ses escales et les magnifie tel un voyagiste et promoteur venant d’y implanter un complexe hôtelier.

La Lybie actuelle ne lui évoque aucunement la Palestine biblique, avec ses sectes et ses marchands du temple. Le siècle sera spirituel, démocratique selon le modèle occidental, ou ne sera pas car BHL, son prophète, l’anéantirait d’un trait de plume s’il ne lui convenait plus.

Bernard-Henri Lévy ou la pensée magique, l’allopathie massive contre l’homéopathie, ou inversement : le chamane s’est prononcé, le réel doit se plier, l’espace-temps géographique se parcourir à saute-moutons en bottes de sept lieues, l’espace-coût ne compte plus.

Gilet pare-balles superflu

Kadhafi allait raser Benghazi, c’était sûr : qu’importent les distances, la démographie, &c. Les survivants allaient subir le sort des Cambodgiens sous Pol Pot, BHL l’avait prédit. L’Afrique, éblouie, allait se soulever massivement contre ses dirigeants corrompus, la Chine cesser de traiter avec eux. BHL, c’est un peu comme DSK-saint Vincent de Paul renonçant au FMI pour revenir s’installer à Sarcelles, auprès du foyer d’accueil du Samu social, et bouter la finance hors de France. D’ailleurs, BHL ne soutient-il pas activement les « Indignés » israéliens qui manifestent ? Soit, comme l’exprime Luc Rosenzweig dans Le Causeur, « la révolte des inclus, de ceux qui portent le pays par leur travail et qui font sans rechigner leurs longues années de service militaire… ».

Je me souviens de feu Bernard Stasi auquel, à moins de 400 m d’un char serbe, des soldats croates dépenaillés avaient imposé le casque et l’unique gilet pare-balles, non pas pour la photo, mais pour sa protection. BHL n’a besoin ni de l’un, ni de l’autre ; la zone est dégagée, et sa chemise blanche repousse les balles, son front hugolien détourne les missiles.

Comme l’exprime Yannick Comenge (sur un blogue-notes du Nouvel Obs’, car pour tout coup à gauche, il faut équilibrer par un autre à droite, ou l’inverse), « Oui, c’est basique, mais BHL sait encore parler la simplicité de tous. Il sait toucher l’agriculteur dans les campagnes, l’employé des postes comme l’énarque élyséen. ». Il guérit nos écrouelles mentales.

Comme l’exprime Jean-François Kahn, « qui ignore que les obus de Kadhafi ciblent les petits enfants alors que nos bombes leur distribuent des bonbons ? ». Du pur BHL qui évoque encore les « colonnes infernales » de Kadhafi qu’on croyait détruites ou se terrant. Cette fois, c’est, comme le relève Langue Sauce piquante, la sainte Vendée contre la terreur du Comité de salut public de la Joumhouria tripolitaine. Mais c’est pour ajouter : « Et si, comme l’expédition du Mexique pour le Second Empire, cette intervention, ou plus exactement la façon dont elle a été conduite, constituait l’une des plus lourdes erreurs du quinquennat ? ».

Une guerre franche et joyeuse

BHL minimise l’influence des salafistes. Arnaud de Borchgrave, pour UPI, révèle ce que BHL sait sans doute et feint d’ignorer : « a militant islamist faction had been acting with ruthless violence inside (…) Benghazi. ». Bientôt, dans les bastions salfafistes de Benghazi, en proie à une « violence sans retenue », les femmes triplement voilées seront-elles soumises à des milices de moralité ?

Mais le Conseil national transitoire ne peut s’en prendre efficacement aux islamistes, car ce sont les seules troupes dont il dispose, à l’est, capables de combattre à peu près efficacement. Rares sont les officiers ou même sous-officiers ayant fait défection et déserté les rangs de l’armée régulière du régime loyaliste à vouloir vraiment combattre. Borchgrave cite The Age of Greed (l’ère de la voracité), un livre de Jeff Madrick au titre éloquent : cet âge avait sans doute touché la Libye où l’inégale redistribution des richesses entre le clan Kadhafi et des affidés a provoqué des mécontentements attisés par la France et certains des pays « coalisés ».

Une bonne petite guerre franche, joyeuse et courte, ne pouvait avoir que des avantages politiques et financiers. Bonne pour les affaires, les tirages des patrons de presse. Elle dure, fait des victimes de part et d’autres, qui ne sont pas que des fanatiques. Elle coûte, et de ce fait, provoque des dégâts, voire des drames (ceux des réfugiés, notamment), de part et d’autre de la Méditerranée. Mais la rébellion est « condamnée à réussir », décrète BHL. Quelle réussite ? Totale, indique BHL, prêt à combattre s’il le faut jusqu’au dernier insurgé effectivement au contact, moins, sans doute, jusqu’au dernier cacique de Benghazi, à moins qu’un futur Allende local fasse bien dans son tableau mural parmi ses autres trophées. Contrairement à Orwell, le sort des obscurs ne lui gonfle pas la veine épique.

Attiser les haines

Dans la Libye de Kadhafi, les aspirations démocratiques étaient et restent surtout portées par les classes moyennes-supérieures, celles dont la progéniture profitait des libéralités du « Guide » pour financer ses études à l’étranger. On les retrouve sur les divers fronts, en compagnie de membres des classes moyennes inférieures et d’un rare prolétariat défavorisé (et en face d’encore plus rares mercenaires étrangers, la piétaille, les techniciens d’Europe centrale à la solde de Tripoli étant, eux, parcimonieusement engagés). BHL, par son verbe, se targue de les faire triompher. La guerre se prolonge, les familles réfugiées en Tunisie ou en Égypte peinent à subsister. Leur printemps des illusions peut faire place à un automne que le bûcher de la vanité d’un Bernard-Henri Lévy ne suffira plus à réchauffer.

Plus grave : selon les Novosti (bien sûr sujettes à caution), 70 % environ des Libyens restent loyalistes ou se réfugient dans une prudente neutralité. Parmi les insurgés, ni le général Khalifa Haftar, ni le général Omar Hariri ne jouissent d’une forte popularité, sinon au sein de factions. BHL et Sarkozy ont torpillé les tentatives de médiations du Brésil (et de l’Union africaine) ou de la Grèce.

Rony Brauman considère que « la démocratie, lorsqu’elle est importée par les armes, se transforme en haine nationaliste. ». Nous n’en sommes pas loin en Afghanistan… Alors que l’Otan aide les insurgés de l’ouest à bloquer le ravitaillement alimentaire de Tripoli pendant le ramadan, dans l’espoir d’attiser une incertaine révolte contre Kadhafi, cette « guerre humanitaire » énoncée « pour la démocratie », attise les haines.

Dans La Tribune (Alger) de ce 2 août, Sami Hamma dénonce dans l’intervention coalisée en Libye un « brigandage » occidental. Si cette opinion venait aussi à prévaloir à Benghazi, la haine distillée contre les loyalistes pourrait, à terme, se retourner. L’Europe qui peine à subvenir aux besoins de la Grèce, entend sans doute se « payer sur la bête » libyenne, à moyen terme. Encore faudrait-il qu’elle puisse assurer la transition.
Qu’on ne compte pas sur BHL pour ce faire : il se sera déjà trouvé d’autres combats démocratiques à mener…

Lire aussi (peut-être) la suite actualisée après l’entretien de BHL avec Europe 1 :
¤ Libye : BHL Bashing (bis)

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

11 réflexions sur « Libye : le BHL bashing »

  1. LE Lévy COSTUME
    COMPLET-VESTON
    A Défaut du treillis,ENfiles 1NIKE!
    bernard_COSTARD
    MONDIOVISION
    LIBYE

    LE DRAPEAU VERT FLOTTE SUR BENGHAZI!
    Muammar KADHAFI AL-Mu’awwidhatayn
    LA Règle du JEU
    JEU de la Règle
    Règlé

  2. Un point de vue « africain » sur la Libye, par Allain Jules, sur Agoravox :
    [url]http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/libye-kadhafi-al-jazeera-l-afrique-97809#forum2989955[/url]
    Avec des commentaires plutôt pro-loyalistes, certains peu argumentés, d’autres davantage.

    Vu ailleurs, en commentaire sur le blogue perso d’Allain Jules (infos pas du tout vérifiées, données pour telles) :
    « [i]Al-Qaïda a décapité 120 personnes de la tribu Warfalla. Afin de protéger son peuple, le peuple de Warfalla de Beni Walid négocie avec Mouammar Kadhafi.[/i] (…) [i]Les Forces Touaregs sont à 70 km au sud de Tobrouk et prêts à aller vers le nord…[/i] ».

  3. D'[i]Investir en Tunisie[/i] :
    « [i]la générosité de la Tunisie n’a pas été récompensée. Pire encore, aucune aide étrangère n’a été enregistrée. Le Sud tunisien qui a ouvert ses portes aux Libyens depuis plus que six mois se trouve aujourd’hui face à un gros problème. Une intervention urgente de la part de l’Etat semble être obligatoire, notamment en ce mois de piété et de recueillement, mais aussi de surconsommation ![/i] ».
    Ben, on ne peut pas dépenser partout, dans les airs et au sol, entretenir Benghazi et s’occuper des réfugiés en Tunisie.

  4. D'[i]Al-Jazeera[/i] (à propos de l’offensive de part et d’autre sur Zlitan) :
    « [i]Second, the rebels have been[/i] « receiving very mixed messages from the residents of Zlitan, » (…) [i]While some residents told rebel fighters that they are openly pro-Gaddafi, others have told them that they will receive support if they attempt to take the town.[/i] ».
    Cela, c’est le résumé d'[i]Al-Jazeera[/i] mis en ligne en page d’accueil.
    Il faut décrypter en reprenant l’intégrale sur le blogue d’actualités.
    C’est une médecin de Misrata qui s’exprime :
    « [i]And so the fighters of Misrata are very reluctant to go into Zlitan more at this stage, because they could be perceived by many of the people inside that town as invading their town, and bringing the fight to their town. So unless they get an invitation, as they call it, from the tribes of Zlitan it’s very difficult for them to go in[/i]. ».
    En gros : Des insurgés de Misrata avaient pris position aux abords de Zlitan. Ils ont dialogué avec on ne sait qui, certains leur disant qu’ils seraient des intrus, d’autres qu’ils seraient les bienvenus (peut-être pour les attirer, confiants, et les éliminer, allez savoir). Les insurgés attendent donc que les tribus de Zlitan les « invitent » à investir la ville, mais il se trouve aussi que des forces armées loyalistes les guettent.
    Donc, et cela peut se comprendre, après avoir subi des pertes, les insurgés refluent et attendent.
    On pourrait en sourire. Cela évoque « viens chez moi, j’habite chez une copine » (qui n’est pas du tout de ton bord). Il faut absolument relire les écrits antérieurs de Bernard-Henri Lévy qui estimait que les tribus étaient un facteur négligeable, que de partout, les Libyens attendaient leurs libérateurs.
    Le problème, c’est que, même si au Quai d’Orsay, il se trouve peut-être des connaisseurs de la Libye, avec un peu de « mémoire historique » de la Libye dans leurs cartons, Sarkozy a surtout écouté et entendu BHL.
    On pense ce qu’on veut de Kadhafi qui a couvert son séide de ses services secrets qui, pour dégommer un opposant qui n’était pas à bord, à fait descendre un avion civil français, provoquant 170 victimes (ce qui n’a pas empêché Sarkozy de pardonner ce « léger » incident). Mais qu’on le veuille ou non, il n’est pas seul.
    Ni seul en cause : l’Algérie et la Tunisie (et d’autres pays africains) ne sont pas les seuls paramètres doublement abstraits (donc, aussi, absents) dans la rhétorique de BHV (car on trouve de tout dans les rayons de BHL, mais comme par hasard, le réassort est aussi absent des rayons quand cela l’arrange).

  5. J’avais déjà fait état du rapport d’Yves Bonnet, préfet honoraire (il faut notamment préfet de la région Champagne-Ardennes), ancien directeur de la DST (déf. & surveil. du Terr.) et de personnalités indépendantes, tant à Tripoli qu’à Benghazi. Il date de mai dernier, il est disponible en PDF sur le site du Centre français de recherches sur le renseignement (Cf2r.org).
    Là, toujours de mai dernier, supposé connu de BHL, la conclusions d’Alain Chouet, ancien chef du renseignement de sécurité de la DGSE.
    « [i]Car quelle sera la légitimité de ceux qui seront appelés à remplacer l’autocrate contesté, ces gens issus pour la plupart de milieux réactionnaires, islamistes, monarchistes, arrivés dans les soutes d’armées étrangères, mûris dans leurs chancelleries, voire au sein de leurs services spéciaux ? Dans la société libyenne qui reste largement clanique et féodale, Kadhafi est largement démonétisé, même auprès de ses propres troupes, compte tenu de ses revers face à la coalition occidentale et aux insurgés. Les défections dans son entourage proche l’attestent. Il n’y survivra probablement pas politiquement. Il n’est pas trop du genre à se sauver en courant comme ses voisins, à moins que ses fils parviennent à le convaincre de ne pas les entraîner dans une résistance suicidaire aux côtés de ses derniers partisans tribaux. Mais qu’il en sorte personnellement mort ou vif, on peut déjà avoir les doutes les plus sérieux sur l’évolution [/i]« démocratique » [i]du pays et même sur son évolution tout court en tant qu’entité souveraine, unie et indépendante.[/i] ».
    Voir [url]http://www.cf2r.org/fr/tribune-libre/le-printemps-libyen-sera-orageux.php[/url]
    Il se trouve qu’Alain Chouet fait, lui, preuve de « mémoire historique ».
    Un peu plus complexe que celle de Bernard-Henri Lévy, beaucoup moins clinquante.

  6. De [i]La Lettre du Sud[/i], nouveau titre d’anciens de [i]Bakchich[/i] (Nicolas Beau et consorts), un article en ligne d’Anne Guiducelli, « Libye, le bourbier français ».
    [url]http://www.lalettredusud.fr/diplomatie/general/03/07/2011/lybie-le-bourbier-francais[/url]
    C’est pour mémoire, ce papier date un peu. D’avant le 12 juillet.
    Pas mauvais rappel. Depuis, la Norvège a bel et bien retiré ses F16, l’Italie un bâtiment de guerre.
    La [i]Lettre du Sud[/i] paraîtra en septembre, le site est déjà accessible (mais guère actif).

  7. Parlons de « mémoire historique » avec ce compte-rendu d’un envoyé spécial de [i]The Arabist[/i] (Égypte), Abu Ray, peu suspect de sympathies pour Kadhafi, regardant la télévision loyaliste.
    « [i]But with NATO here was an undeniable case of foreign aggression, something everyone could unite against. The programs on TV juxtapose black and white images of the Italian conquest and massacre of 1/3 of the population during the Fascist era, with the images of NATO planes, explosions and dead, dust-covered children. People in the streets will talk about misguided brothers in the east, but save their real vitriol for the NATO jets that shake their neighborhood and wake up their children crying at 4am.[/i] »
    Or donc, la télé loyaliste alterne des images de bombardements français et britanniques avec des images d’archives de l’occupation italienne. Le message vaut tant en interne (Tripoli) qu’en externe (Benghazi). Bien sûr, si des troupes coalisées débarquaient, on trouverait à Tripoli des gens pour faire chuter une statue ou une autre telle celle de Saddam Hussein à Bagdad (une soigneuse mise en scène).
    Mais justement, à présent, à Bagdad, l’insécurité est à son comble, encore et toujours.
    « [i]The rebels say most people in Tripoli and the surrounding areas oppose Qadhafi. Others say there is a hard core for and against, and then a vast middle ground of people who just want to be left alone. As journalists sent here to observe and report, I feel like we are so smothered and blindfolded by the competing propagandas that we are left groping in the dark and reporting gut feelings that could be gravely mistaken[/i]. ».
    Impossible, pour les journalistes étrangers, de se faire une réelle opinion. Et ils se méfient de leurs propres impressions.
    Les gens qui vocifèrent « [i]Sarkozy Fuck you![/i] » sont sans doute plus sincères en le criant qu’en scandant des slogans pro-Kadhafi, peut-être pas, mais des bombardements, même s’ils doivent aider la progression des « alliés » restent des bombardements.
    Puisqu’on évoque la mémoire historique, il n’y avait pas que des communistes pour peindre « [i]Yankees, go home![/i] » sur des façades en France. Il y avait aussi d’anciens bombardés.

  8. Toujours de Jean-François Kahn (dans [i]Libération[/i]) :
    « [i]J’ai approuvé les frappes destinées à clouer au sol les troupes kadhafistes qui fonçaient sur Benghazi. Il eût été alors légitime, outre l’instauration d’un no man’s land aérien, de fournir des armes et des instructeurs aux rebelles et de permettre à des volontaires arabes de les rejoindre. Mais quelle folie que de s’être engagé dans ce conflit, de s’être substitué au peuple concerné en indiquant, en violation de la résolution du Conseil de sécurité, qu’on cherchait à renverser un pouvoir pour en substituer un autre qu’on avait choisi parce qu’il nous complaisait[/i]. ».
    Euh, c’est oublier que les armes avaient été fournies d’avance.
    Sans doute pas assez nombreuses, mais il semble qu’elles aient transité par l’Égypte, et que l’insurrection et quelques défections aient été soigneusement coordonnées.
    Ce conflit a été suscité : admettons que les armes soient en vente libre en Libye, un peu comme en France.
    Tentez donc d’obtenir des roquettes légalement en France.
    Or, dès le départ, il y avait des armes du côté de certains manifestants. Et pas des moindres.

  9. Dans le cas de BHL, on peut se demander qui a vraiment activé qui.
    Version quasi-officielle, le pouvoir hésite, BHL fait entendre sa grande voix humaniste, Sarkozy l’entend.
    Version officieuse : le coup est préparé d’avance, il faut le faire passer dans l’opinion, on sollicite BHL, trop content de se montrer, de parader, &c.
    Ce qui fait taire toute la presse ou presque.
    Comment relever le côté hasardeux de l’opération si elle passe pour un « devoir moral » ?
    Comment embrayer sur l’aspect mafieux si BHL vous assure que tout est blanc, que rien n’est gris ?
    Et comme cela tourne à mafia (le clan Kadhafi allié du clan Ben Ali) contre chevaliers blancs, tout le monde la ferme.
    Certes, on se gausse de Sarkozy, qui cirait les pompes de Kadhafi naguère.
    Mais imaginez Sarkozy venant faire son numéro de démocrate, engageant le pays dans la guerre sans la moindre « caution » ? Tollé quasi-général de la presse non-alignée totalement.

  10. « J’AI EU A CONNAITRE? DU COTE DE L’ATLANTIQUE…U.S. LES NEOCONSERVATEURS… MET EN EUROPE… C’EST UNE PREMIERE… JE DIRAI LES NOUVEAUX …CONS. ALLUMER LE FOYER DE TOUT LES TERRORISMES A EN DEVENIRS… BRAVO LES…CONS.??? NO-COMMENT

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