Libor : l’hôpital se moque de la charité

Les dirigeants de Barclays, pour restaurer leur image, pointent la concurrence du doigt après le scandale de la manipulation des cours du Libor qui entraînera des poursuites pénales au moins aux États-Unis, si ce n’est bientôt en Europe.

C’est nouveau et c’est nulle part ailleurs que sur Come4News : un début d’article en mode image, hermétique aux recherches des moteurs. En cause, un fameux bogue maintes fois dénoncé et vraiment trop persistant qui empêche la saisie à la volée, fait disparaître tout le texte (souvent non encore sauvegardé). Seule solution, procéder à des captures d’écran. Mais glissons.

Comme la Barclays avait bien coopéré avec les enquêteurs, et avait vu son amende minorée, la Deutsche Bank propose de faire de même.
UBS et Barclays bénéficient déjà d’une sorte de statut bâtard de « baveuses coopératives ».

Mais devant la Commission européenne, seule la première banque à cracher des morceaux bénéficie de ce statut. Or donc, la Deutsche Bank a pris les devants. Mais au Royaume-Uni et aux États-Unis, elle ne pourra s’en targuer. D’où les éléments de langage de la Barclays, comme quoi les « copines » seront frappées d’encore plus lourdes amendes… que paieront les déposants à la longue.

Les banques ne pouvaient que collaborer entre elles, et les banques centrales fermer les yeux. Les répercussions sont lourdes. Citigroup Inc., une banque américaine, a dû demander la permission de ne pas divulguer le montant de son dividende avant la fin de l’année.

La ville de Baltimore intente une action en justice. Le titre de l’ouvrage de Bill Black, The Best Way to Rob a Bank Is to Own One (la meilleure façon de cambrioler une banque est d’être un banquier), semble chaque jour se vérifier davantage.
Des villes qui avaient emprunté au taux Libor plus x % alors que le taux de référence avait été truqué de 0,1 ou 0,2 points à la hausse, ont pu se retrouver liées pour 30 ans à des taux indus.
Mais d’autres banques, de moindre importance que les manipulatrices, se sont fait aussi flouer.
Cela fonctionne à la hausse comme à la baisse, car les collectivités territoriales empruntent, mais placent aussi leurs ressources financières à des taux variables, dépendant de celui du Libor. Ces placements seront alors moins rémunérés, tandis que les emprunts seront plus chers.

Les entreprises font de même, empruntant parfois, mais plaçant aussi des fonds. À ce petit jeu, seules les banques sont – parfois, pas toujours et pas toutes – gagnantes. On peut aussi se demander si la Fed et diverses banques centrales n’ont pas trempé dans la combine. Certes, elles ont suggéré des mesures correctrices, mais elles auraient dû saisir la justice.

 

Les taux trafiqués à la baisse permettaient aussi de faire baisser le rendement des placements des particuliers ou de ceux détenant des obligations quand les bulles spéculatives éclatent.

Il va être tenté de manipuler l’opinion en lui disant une fois de plus qu’elle est ignare et que tenter de comprendre serait trop compliqué pour elle. En fait, c’est très simple. Cela se nomme un cartel, une entente frauduleuse. Tenez, les présumées concurrentes Visa et MasterCard s’entendaient dans le dos de la grande distribution (qui répercutait sur la clientèle). Elles vont devoir, par décision de justice, rembourser six milliards de dollars. Une paille qu’elles récupéreront sur d’autres, sans doute les particuliers. Ils ont l’habitude, de même que les contribuables.

Communication orientée

Les banques ont commencé à faire donner de la voix par le biais de communicants. Dans le Sydney Morning Herald, Michael Pascoe titre : « laissons les banksters s’en tirer » (sous-entendu, impunis). Certes, ceux du bas de l’échelle peuvent être tirés à vue. Mais les autres, non… surtout pas…

Parce que, si tous le monde se plaignait d’eux devant les tribunaux, ils ne pourraient plus penser qu’à cela, et seuls les avocats en profiteraient. Cela fragiliserait trop les dirigeants dont nous avons tant besoin. Après tout, avec l’assentiment des banques centrales, ceux qui étaient fragiles ont tout juste voulu paraître moins en difficultés (retardant la découverte de leurs comptes réels et aggravant quand même de ce fait la crise, mais bon, hein… c’était humain).

Et l’argument qui tue : « l’entière structure de la finance globale est tout simplement trop complexe pour démêler l’écheveau », et savoir qui a gagné, qui a perdu à l’affaire. D’ailleurs, autant rendre tout ça plus complexe pour parer le risque que quiconque, hors les bénéficiaires, puissent y comprendre quoi que ce soit.

Parce que les avocats d’affaires sont encore plus avides et sans scrupules que les banksters, pitié pour ces derniers. Avec cet argument, que reste-t-il au bon peuple, le cochon de payant, si ce n’est de se faire justice lui-même, et de promener les têtes des banksters au bout d’une pique ?

Mais cela, il faut bien sûr soigneusement le taire. Que le peuple se suicide ou s’immole par le feu ou au moins se taise et subisse sans broncher.
Toutes les malversations bancaires peuvent lui coûter des milliards collectivement, mais l’important, c’est qu’on évite au secteur bancaire de régler des dizaines de milliards (bah, pourquoi donc, les contribuables renfloueront, non ?). Et bien évidemment, il ne faut surtout scinder banques de dépôts et autres. Tout doit reprendre comme avant après une légère admonestation. CQFD.

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

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