Dans un pays, la Tunisie, où les autorités ne délivrent des autorisations de publier qu’au compte-gouttes, près de 200 demandes ont été refusées ces dernières années, le lancement d’un nouveau titre constitue à lui seul un événement. Disponible depuis octobre dernier, l’hebdomadaire francophone L’Expression autorise l’espoir de voir un jour émerger un kiosque tunisien plus diversifié.

Samy Ghorbal, journaliste tunisien travaillant pour l’hebdomadaire Jeune Afrique voudrait que cette naissance, dans un « paysage médiatique tunisien sclérosé », soit de bon augure. « La rédaction de L’Expression veut donner la priorité à l’enquête et l’investigation. C’est un pari difficile mais méritoire», a-t-il confié à APN. Selon lui, il n’existe pas encore de juste milieu entre la presse de complaisance et la presse de caniveau en Tunisie. « Alors, évidemment, il y a créneau à prendre, et si L’Expression réussit, alors, on peut toujours rêver que d’autres s’engouffrent dans la brèche ouverte», conclut Ghorbal.

APN s’est entretenu avec Ridha Kéfi, rédacteur en chef de L’Expression. Il nous confie ses ambitions et les défis que ce nouveau titre devra surmonter.

APN : Présentez-nous L’Expression.

Ridha Kéfi : L’Expression est un magazine hebdomadaire d’expression française de 60 pages publié par DEFI Média, une société privée dirigée par Raouf Cheikhrouhou, et qui est par ailleurs le directeur général de Dar Assabah, le plus ancien et plus prestigieux groupe de presse en Tunis. Dar Assabah publie le quotidien arabophone Assabah depuis 1951 et un quotidien francophone Le Temps depuis 1975.

J’assume la rédaction en chef de L’Expression depuis sa parution le 19 octobre dernier. Pour l’instant, le tirage est de 10 000 exemplaires. Notre lectorat cible est constitué de l’élite francophone du pays : entrepreneurs, universitaires, médecins, avocats, hauts fonctionnaires, artistes… D’où notre tirage relativement limité, sachant que le triage moyen d’un quotidien varie entre 20 000 et 80 000 exemplaires. Pour le moment tant, l’équipe de permanents est très limitée : une dizaines de journalistes et de techniciens. L’essentiel de l’équipe rédactionnelle est constituée de pigistes: journalistes professionnels ou universitaires.

APN : Le titre existe depuis octobre, quel premier bilan pourriez-vous dresser ?

RK : L’accueil du public est excellent. Nous avons pu marquer rapidement notre différence. Il reste des réglages à faire sur le plan de la distribution. Il y a, dans le pays, des situations de monopole et des rentes de situation difficiles à faire bouger mais nous y travaillons. Les annonceurs commencent à venir. Les deux premiers mois étaient difficiles, parce que les budgets de publicité des grandes boîtes étaient déjà dépensés. Depuis la mi-janvier, les choses évoluent. Nous avons déjà signé trois grands contrats avec les privés. Mais les entreprises publiques se font encore désirer. Elles attendent sans doute le feu vert politique… Idem pour les abonnements.

APN : Vous vous présentez comme un journal d’investigation. Pourriez-vous donner quelques exemples d’enquêtes publiées ?

RK : Nous publions au moins une enquête par numéro. Quelques exemples: l’argent du foot, médias et terrorisme, blocages de la réforme politique, la situation du sida dans le pays, la toxicomanie chez les jeunes, la vérité sur le Jeudi noir (émeutes sanglantes du 26 janvier 1978), les dérives de la justice…

APN : Comment vos journalistes parviennent-ils à surmonter le problème de l’accès à l’information ?

RK : Tout dépend de leur capacité à travailler sur le terrain et à obtenir l’information de manière détournée en privilégiant le contact avec le public plutôt que l’information institutionnelle.

APN : Comment travaillez-vous dans un pays où la liberté d’expression est muselée ? Vous imposez-vous des lignes rouges à ne pas franchir ?

RK : Nous évitons la personnalisation et l’affrontement direct. Je ne parlerai pas de lignes rouges mais de méthode de travail. Nous n’évoquons pas les personnes mais nous abordons les problèmes de manière professionnelle, équilibrée et pondérée en incluant des avis divergents. Nous sommes un jeune titre et nous ne voulons effrayer personne.

APN : Quels sont les principaux défis qu’il vous faudra relever ?

RK : Transformer le succès éditorial actuel en un succès commercial dans un pays où le secteur de la presse est, pour ainsi dire, très dépendant de la bonne (ou mauvaise) volonté des politiques. Ce n’est pas gagné.

APN : Pourquoi avoir choisi de publier en langue française plutôt qu’en arabe ?

RK : On a choisi la langue française pour répondre à un besoin du lectorat francophone local d’un magazine hebdomadaire de qualité et de niveau international. La situation de la presse en Tunisie étant ce qu’elle est aujourd’hui, il y avait une place à prendre sur ce créneau-là. Et nous pensons l’avoir déjà prise au bout de 17 numéros.

Le site de L’Expression est en cours de construction

APN – 13 février 2008

Dans un pays, la Tunisie, où les autorités ne délivrent des autorisations de publier qu’au compte-gouttes, près de 200 demandes ont été refusées ces dernières années, le lancement d’un nouveau titre constitue à lui seul un événement. Disponible depuis octobre dernier, l’hebdomadaire francophone L’Expression autorise l’espoir de voir un jour émerger un kiosque tunisien plus diversifié.

Samy Ghorbal, journaliste tunisien travaillant pour l’hebdomadaire Jeune Afrique voudrait que cette naissance, dans un « paysage médiatique tunisien sclérosé », soit de bon augure. « La rédaction de L’Expression veut donner la priorité à l’enquête et l’investigation. C’est un pari difficile mais méritoire», a-t-il confié à APN. Selon lui, il n’existe pas encore de juste milieu entre la presse de complaisance et la presse de caniveau en Tunisie. « Alors, évidemment, il y a créneau à prendre, et si L’Expression réussit, alors, on peut toujours rêver que d’autres s’engouffrent dans la brèche ouverte», conclut Ghorbal.

APN s’est entretenu avec Ridha Kéfi, rédacteur en chef de L’Expression. Il nous confie ses ambitions et les défis que ce nouveau titre devra surmonter.

APN : Présentez-nous L’Expression.

Ridha Kéfi : L’Expression est un magazine hebdomadaire d’expression française de 60 pages publié par DEFI Média, une société privée dirigée par Raouf Cheikhrouhou, et qui est par ailleurs le directeur général de Dar Assabah, le plus ancien et plus prestigieux groupe de presse en Tunis. Dar Assabah publie le quotidien arabophone Assabah depuis 1951 et un quotidien francophone Le Temps depuis 1975.

J’assume la rédaction en chef de L’Expression depuis sa parution le 19 octobre dernier. Pour l’instant, le tirage est de 10 000 exemplaires. Notre lectorat cible est constitué de l’élite francophone du pays : entrepreneurs, universitaires, médecins, avocats, hauts fonctionnaires, artistes… D’où notre tirage relativement limité, sachant que le triage moyen d’un quotidien varie entre 20 000 et 80 000 exemplaires. Pour le moment tant, l’équipe de permanents est très limitée : une dizaines de journalistes et de techniciens. L’essentiel de l’équipe rédactionnelle est constituée de pigistes: journalistes professionnels ou universitaires.

APN : Le titre existe depuis octobre, quel premier bilan pourriez-vous dresser ?

RK : L’accueil du public est excellent. Nous avons pu marquer rapidement notre différence. Il reste des réglages à faire sur le plan de la distribution. Il y a, dans le pays, des situations de monopole et des rentes de situation difficiles à faire bouger mais nous y travaillons. Les annonceurs commencent à venir. Les deux premiers mois étaient difficiles, parce que les budgets de publicité des grandes boîtes étaient déjà dépensés. Depuis la mi-janvier, les choses évoluent. Nous avons déjà signé trois grands contrats avec les privés. Mais les entreprises publiques se font encore désirer. Elles attendent sans doute le feu vert politique… Idem pour les abonnements.

APN : Vous vous présentez comme un journal d’investigation. Pourriez-vous donner quelques exemples d’enquêtes publiées ?

RK : Nous publions au moins une enquête par numéro. Quelques exemples: l’argent du foot, médias et terrorisme, blocages de la réforme politique, la situation du sida dans le pays, la toxicomanie chez les jeunes, la vérité sur le Jeudi noir (émeutes sanglantes du 26 janvier 1978), les dérives de la justice…

APN : Comment vos journalistes parviennent-ils à surmonter le problème de l’accès à l’information ?

RK : Tout dépend de leur capacité à travailler sur le terrain et à obtenir l’information de manière détournée en privilégiant le contact avec le public plutôt que l’information institutionnelle.

APN : Comment travaillez-vous dans un pays où la liberté d’expression est muselée ? Vous imposez-vous des lignes rouges à ne pas franchir ?

RK : Nous évitons la personnalisation et l’affrontement direct. Je ne parlerai pas de lignes rouges mais de méthode de travail. Nous n’évoquons pas les personnes mais nous abordons les problèmes de manière professionnelle, équilibrée et pondérée en incluant des avis divergents. Nous sommes un jeune titre et nous ne voulons effrayer personne.

APN : Quels sont les principaux défis qu’il vous faudra relever ?

RK : Transformer le succès éditorial actuel en un succès commercial dans un pays où le secteur de la presse est, pour ainsi dire, très dépendant de la bonne (ou mauvaise) volonté des politiques. Ce n’est pas gagné.

APN : Pourquoi avoir choisi de publier en langue française plutôt qu’en arabe ?

RK : On a choisi la langue française pour répondre à un besoin du lectorat francophone local d’un magazine hebdomadaire de qualité et de niveau international. La situation de la presse en Tunisie étant ce qu’elle est aujourd’hui, il y avait une place à prendre sur ce créneau-là. Et nous pensons l’avoir déjà prise au bout de 17 numéros.

Le site de L’Expression est en cours de construction

APN – 13 février 2008

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