Le bateau financier mondial prend l'eau de toutes part. On entend ici et là des réactions qui se veulent rassurantes : « Nous allons continuer à garder le contrôle », affirmait hier encore le Président des Etats-Unis, dans une déclaration impressionnante de confiance compte-tenu du climat de panique qui règne actuellement sur les marchés financier. Mais après tout c'est normal : un Président des Etats-Unis ne peut pas tenir un autre discours dans les circonstances actuelles. Il veut rassurer, rétablir la confiance.

La confiance, c'est le fondement de l'économie. Or la confiance a disparu, car chacun voit bien et comprend qu'un type de crise financière complètement inédit est en train de se dérouler. La machine folle du crédit et des déficits a joué à plein pendant des années en maintenant un climat boursier euphorique et en poussant l'inflation à des degrés jamais atteint. Une bulle monétaire colossale s'est développée, mais le cercle vertueux plus de crédit = plus de croissance pourrait bien s'inverser en raison des possibles faillites des institutions financières qui ont accumulé des créances douteuses. […/…]

Le Président des Etats-Unis veut rassurer les marchés financiers, pendant que le grand argentier de la Banque Centrale Américaine tente d'éteindre l'incendie avec de faibles moyens face à l'ampleur du problème. Il est peut-être déjà trop tard pour éviter une crise systémique majeure et mondiale. Alors ces quelques mots tentent de conjurer la réalité : « Nous allons continuer à garder le contrôle ». Mais les faits sont têtus et les mots parfois ne suffisent pas.

En Europe, tout va mieux que bien

Le Commissaire Européen aux affaire économique, Joaquim Almunia a déclaré pour sa par que l'Union Européenne restait "clairement loin du risque de récession". Cette déclaration fait écho à celle de Georges Bush. Le but c'est très certainement de rassurer les marchés financiers. Mais Monsieur Almunia pense-t-il vraiment ce qu'il dit ? Qui pense sérieusement qu'il existe en Europe une stabilité monétaire maintenue par les Gardiens du Temple de la Banque Centrale Européenne ? Les citoyens de l'Europe constatent l'inflation et la dégration de la situation tous les jours. Chacun voit que les emplois industriels sont délocalisés, que les usines ferment les unes après les autres.

Non, l'Europe n'est pas un ilôt de stabilité et de prospérité éternelle face à une Amérique en crise. L'Euro n'est pas un bouclier efficace contre la crise. Au contraire, l'Euro sera le fossoyeur des économies et de la liberté de l'Europe.

L'Europe paye déjà chèrement les errements financiers et politiques américains. L'Euro inspire plus confiance que le Dollar, alors les investisseurs ont tendance à faire aujourd'hui avec l'Euro ce qu'ils ont fait hier avec le Dollar, c'est-à-dire une valeur refuge. L'Euro n'en finit pas de s'apprécier et le dollar de se déprécier. L'Euro est-il en train de devenir le nouvel étalon monétaire mondial ? Si c'est le cas c'est une triste nouvelle, car il se produira en Europe ce qui s'est déjà produit en Amérique : avec une monnaie forte, l'économie réélle et surtout la production industrielle finira par être ruinée car il est plus facile et plus rentable d'acheter dans les pays à bas coût les produits que de les fabriquer sur place. L'Euro fort ne laissera bientôt plus à l'Europe que des spéculateurs et l'Europe perdra à son tour sa position dominante. L'Europe aura elle aussi une économie en ruine, tout comme l'Amérique aujourd'hui.

Ce scénario pourrait bien avoir lieu plus rapidement que prévu si un crack boursier majeur se produit en Amérique, et si l'Etat Américain ne parvient pas à empêcher la faillite des banques qui ont usé et abusé du crédit en dépit du bon sens pendant des années. Peut-être échangera-t-on alors un euro contre dix dollars, ou même plus, car si les faillites bancaires détruiront à coup sûr une partie de l'énorme bulle monétaire, tout ne disparaîtra pas et c'est naturellement vers l'Europe, la rassurante Europe, que se tourneront une grande partie des capitaux.
 

Bien sûr, plusieurs scénarios sont possibles. Rien n'est définitivement écrit. Mais quoi qu'il en soit, l'Europe n'évitera pas la crise financière mondiale. D'ailleurs, elle la subit déjà.