lettre ouverte au Ministre de l’éducation nationale

Monsieur le Ministre,

Je fais partie de l’Education Nationale parmi les 2800 assistantes sociales de service social en faveur des élèves. Je suis titulaire depuis 8 ans maintenant, ce poste étant le premier poste de ma carrière.

Je suis, depuis mes débuts, dans des établissements en Zone sensible : REP, ZEP et RAR. Le principal de mon travail dans ces quartiers extrêmement défavorisés est centré sur la protection de l’enfance et l’absentéisme. 

Je ne peux que réagir, une fois encore après ce drame de la protection de l'enfance apparut au grand jour hier mardi.

"La police a découvert un garçon de sept ans maltraité au domicile de ses parents à Millau. Il a été séquestré dans le dénuement le plus total pendant plusieurs années. Les parents ont été placés en garde à vue. Déclaré à la naissance, le petit garçon n'a jamais été scolarisé. Les services sociaux ont commencé à s'intéresser à ce couple sans histoires, lors de la naissance de leur deuxième petit garçon en octobre 2007. Un signalement par la protection maternelle infantile (PMI) n'avait été effectué auprès de la juge pour enfants de Rodez qu'en août 2008. Des investigations et le refus des parents de se rendre aux convocations ont conduit les policiers à se rendre au domicile du couple mardi. Ceux-ci ont découvert un "enfant très affaibli physiquement, manifestement intelligent mais sans aucune éducation", selon le procureur. Le père et sa compagne ont été mis en examen et écroués pour "privations de soins par ascendant", "abandon moral ou matériel d'un mineur" et "non respect d'obligation scolaire". Le père est également poursuivi pour "violences habituelles sur mineur de moins de 15 ans" et la mère pour non empêchement de ce délit."
Lundi soir, j'ai regardé avec beaucoup d'attention une émission sur France 3 : "Enfants martyrs". Une scène d'intervention de la police allant chercher un enfant dans une famille pour le placer par mesure de protection judiciaire était filmée… Un enfant non scolarisé… encore !

Alors je rage, j'enrage… et je suis triste !

Chaque jour, voir les élèves, appeler les familles, rencontrer les parents au sein de l’établissement ou à domicile, rencontrer les services sociaux de secteurs, les éducateurs de rue, les services de pédopsychiatrie, etc… fait partie de l’essentiel de mon travail.

Mettre du lien entre l’école, les familles et les différents services existants est très important et est un travail délicat et de longue haleine, mais ce métier me passionne.

Mon service est un service qui se meurt : seulement 20 créations de poste en 4 ans. Nous sommes si peu nombreuses, que certaines assistantes sociales scolaires ont un secteur de 10 établissements scolaires !

Notre rôle est essentiel dans la prévention, la detection des enfances maltraités, et dans leur protection ! Je travaille avec des écoles maternelles et primaires, et dès tout petits, on me signale des enfants descolarisés ou absenteistes.

Pourtant, je ne peux m'empêcher de penser qu'on nous met de côté en prévoyant l'embauche de 5 000 « médiateurs de la réussite scolaire » qui seront déployés dans les établissements scolaires pour établir le lien avec les familles et aider au retour des élèves absentéistes. Des contrats aidés sans aucune qualification qui vont avoir la mission de faire baisser de 30% le nombre d'élèves absentéistes, des contrats précaires de 2 ans renouvelables, 26h semaine, sans condition de diplôme et payés au SMIC, alors que l'EN a à sa disposition un personnel compétent, qualifié, soumis au secret professionnel et à un code de déontologie.

Chaque année, je rédige des signalements pour dénoncer des situations graves de protection de l'enfance où l'absenteisme est un symptome… En décembre, un jeune collégien que je suivais depuis plus d'un an a été placé avec sa soeur en foyer, suite à plusieurs signalements et un travail avec les services sociaux de secteur… Un an de travail pour trouver la solution la plus saine pour l'enfant et sa maman… un an de travail pour éviter le traumatisme du placement, et rescolariser l'enfant.

Est-ce qu'un personnel non qualifié saura detecter les situations dangereuses ? Saura-til signaler ? Saura-t-il respecter la vie privée des familles ?

Je suis desolée, mais de tout cela j'en doute…

Et à l'heure où les services sociaux et les services judiciaires sont surchargés, il est dommage que de tels crédits servent à de telles missions… car avant le quantitatif, c'est bien le qualitatif qui compte, et parler de % quand on parle d'enfants, d'êtres humains, me semble bien inhumain.

 

Je sais que ma parole a peu de poids et d’importance, face à cette énorme machine qu’est le fonctionnement d’un pays, mais je suis une actrice de terrain, qui voit chaque jour la situation sociale des familles se détériorer, qui voit un système éducatif qui fait ce qu’il peut pour diplômer ses élèves, qui voit tous ses acteurs de terrain travailler avec cœur et conviction, mais aussi avec des moyens de plus en plus diminués, dans des conditions de plus en plus difficiles.

 

Les enfants sont l’avenir de notre pays. Il ne faut pas l’oublier, et savoir les protéger et les instruire et notre devoir.

 

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, mes salutations distinguées.

Lettre envoyée ce jour au Ministre de l'Education Nationale ainsi qu'au Premier Ministre… Pourquoi ?? parce que cette lettre me trotte dans la tête depuis 1 mois maintenant, et que l'écrire, même si…., me soulage devant cette absurdité de plus.

4 réflexions sur « lettre ouverte au Ministre de l’éducation nationale »

  1. Les Drames évitable !
    Bonjour Fata et merci pour ce crie du cœur pour l’enfance mais vous qui avez un contact
    journalier avec ce problème ,vous voyez bien que ce gouvernement est sourd a l’appel
    de personnes qui soufre de ne pas pouvoir faire leur métier par manque de temps !
    La première « Dame de France » préfère voir la misère dans d’autre pays ,s’est plus gratifiant ,Il parait qu’elle a transformé le Nicolas ,oui en sourd muet !!!!
    Amicalement Laury

  2. [i]Si cette lettre ouverte pouvait au moins faire réfléchir nos élites politiques, un grand pas en avant serait fait !

    Mais, n’aurait-il pas fallu en envoyer copie au Président de la République… Cela lui aurait mis les idées en place, d’autant qu’il n’est pas conscient de tout ce qui se passe ![/i]

  3. Bonjour Laury,
    ce cri du cœur car marre car chaque fait divers, on accuse les services sociaux : « mais que font les services sociaux ?? » !!
    Les services sociaux sont là… mais avec les moyens du bord qui diminuent d’années en années.
    Amicalement,
    Fata

  4. [b]Difficile à comprendre[/b].
    Comment peut-il y avoir un déficit d’assistantes sociales à l’EN alors qu’il possède le plus [b]gros budget?[/b]
    Pourquoi embaucher des personnes sans compétences particulières à des postes appelés pompeusement [b]« médiateurs de la réussite scolaire » [/b]mais ô combien importants et de surcroît sous-payés? Quelles sont les chances de réussite? Notre argent ne va-t’il pas être encore gaspillé une fois de plus?

    Fata, bravo pour votre détermination et que si certains pensent que votre courrier au premier ministre ne sert à rien, qu’ils se disent que si tout le monde en faisait autant, les choses commenceraient peut être à bouger au pire cela provoquerait une inquiétude certaine auprès de nos élus.

    A toutes fins utiles, voici le lien du ministère qui a mis en ligne le texte pour la création des « médiateurs de la réussite scolaire ».

    [url]http://www.education.gouv.fr/cid23676/mediateurs-de-reussite-scolaire-dans-le-second-degre.html[/url]

    Cordialement
    LUDO

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