Spécial Ségolène Royal sur FR2 le 6 décembre 2007

Bonjour,

Sur FR2 la voix de son maître, Arlette Chabot annonce triomphalement, au nom du pluralisme sans doute, qu’elle t’invite à son micro pour parler de toi, de la gauche, et de Nicolas Sarkozy. On allait donc savoir ce que tu penses de la politique du Président ! On allait enfin entendre sur une grande chaîne critiquer librement le nouvel élu ! Quel évènement !

Au cours de l’émission, il a été dit – par Olivier Besancenot je crois – que Sarkozy était le Président de 7% des Français. Et en effet, les maîtres du monde l’ont choisi pour diriger la France comme ils vont bientôt s’arranger pour faire élire aux Etats-Unis, en dépit de ses origines autrichiennes, "Terminator" ; un bon avocat et un comédien, on n’en demande pas plus pour berner les citoyens, voir http://syti.net, assurément le meilleur site du Web.

Ségolène, je te tutoie car je suis une ancienne militante du P.S., j’avais des responsabilités, et même François Mitterrand me tutoyait. Je continue sur la lancée. J’ai quitté le P.S. car je le trouvais un peu trop complaisant envers le libéralisme et l’OTAN, et pas assez offensif. Désormais, je suis hors parti – mais toujours aussi militante. Du moins dans mon blog.


Je vais te faire un aveu : Le soir de la défaite de Jospin, qu’il n’a pas volée, lui qui membre du PS ne se déclarait pas socialiste – quelle imposture !, j’ai envoyé un fax à François Hollande, que tu connais bien, pour lui dire que les plaisanteries avaient assez duré, et qu’il était temps de mettre sur orbite une femme, en l’occurrence toi. Je voulais enfin une femme à la tête de la France. Alors, qui ? Martine Aubry ?

Elle était grillée, probablement à tort, par sa loi des 35 heures qui ne rencontrait pas l’adhésion souhaitée ; Quant à Elisabeth Guigou, elle me semblait un peu trop raffinée pour défendre les couleurs de la gauche. Et depuis des années, je t’avais remarquée, je sentais depuis longtemps que tu étais celle qui, un jour, plus que toute autre, aurait un destin important – je l’entrevoyais national. Les femmes sont très intuitives !

Alors, quand tu as présenté ta candidature, je n’étais ni étonnée, ni déçue. Et tu as réussi. Oui, je persiste et je signe : Malgré les attaques et les coups bas de la droite, les épines des jaloux du P.S. et les calomnies de la presse, tu as eu 47 % des voix. Quel exploit, dans un contexte aussi défavorable ! Mitterrand, lui, n’a pas réussi du premier coup.

Et Sarkozy n’a dû sa percée, malgré l’aversion des Français pour le libéralisme, qu’à l’appui inconditionnel et scandaleux d’une presse aux ordres, partisane, communautariste et à la botte des amis milliardaires du candidat. Tu peux lire dans mon blog différents articles sur le sujet, et ce n’est qu’un début (voir en particulier "FR2 télé-propagande" ; tu as bien fait de remettre à sa place, lors d’une interview, le prétendu journaliste Pujadas. Si l’on n’entreprend pas une action vigoureuse pour dénoncer les agissements des médias, (voir par ex dans mon blog http://r-sistons.over-blog.com, mon premier article "Appel à résister",) finies l’alternance et la démocratie !.

Et Sarkozy, pour le malheur des Français, de l’image de la France, de son modèle social et des générations futures, a été élu. Le Diktator est en place, la casse sociale se généralise peu à peu, les services publics ne seront bientôt plus qu’un lointain souvenir, les porte-monnaie des Français vont vite se dégonfler – sauf ceux des plus nantis – , les citoyens sont dressés les uns contre les autres, les partis implosent plus ou moins pour un jour, si rien n’est fait, céder la place au parti unique du Chef suprême, les médias n’informent plus mais divertissent et trompent les citoyens, la politique est nivellée par le bas, le désordre règne, les frustrations s’étendent, les risques d’attentats se multiplient, et, pire encore, de guerre sans doute nucléaire, l’image de la France est avilie, les droits de l’individu sont menacés, les citoyens sont sacrifiés aux intérêts de la Finance mondiale, le modèle social Français est en voie de disparition, le communautarisme encouragé remplace l’idéal républicain de laïcité, les groupes de pression sont rois, les séduisantes et malhonnêtes opérations de communication se substituent à la réalité, l’ultra-libéralisme et le néo-conservatisme américano-sioniste triomphent, la précarité s’étend, les jeunes sont méprisés et les retraités oubliés, les valeurs de la République sont bafouées, les générations futures sont privées d’avenir….

Joli bilan, en effet. La France de Sarkozy a perdu son âme, sa spécificité, son indépendance ! Et les Français sont des dupés béats… jusqu’à quand ?

Les Médias : Une honte pour le pays des Droits de l’ Homme ! Et dans l’indifférence du pays et de l’association Reporters Sans Frontières, plus préoccupée de tisser des liens avec la CIA contre Chavez ou Castro, que par la situation en France. Donc, Arlette Chabot t’a reçue pour, comme claironné partout, t’interroger sur la politique menée par Sarkozy. Quelle imposture ! Je n’ai entendu que des questions pour t’embarrasser ou te déstabiliser, ou encore pour discréditer le P.S., le seul adversaire futur du Président, et comme à l’accoutumée, tout intervant esquissant une ébauche de critique est interrompu et réorienté dans le sens d’une attaque contre la Gauche.

Même Julien Dray se laisse prendre à ce petit jeu auquel les adversaires sont tous soumis, à peine dit-il à Guaino le conseiller très spécial de Sarkozy : "Vous êtes en ce moment en train de détricoter très habilement les 35 heures"…, qu’il est interrompu par l’Adjudant Chabot : "Pour relancer sur "où en est la gauche", avec des résultats peu encourageants pour le P.S…",

Toi-même, Ségolène, quand tu rappelais certaines vérités concernant Sarkozy, on t’opposait aussitôt, par exemple, un embarrassant et perfide "Il y a quelque chose qui a beaucoup dérangé les socialistes, c’est la possibilité de demander à Bayrou d’être premier ministre…", auquel tu as parfaitement répondu, vu les circonstances : "C’était dans l’intérêt de la France".

La Chabot te demande alors ce qu’il y a de commun entre toi et lui ; elle ne t’interrompt pas lorsque tu parles d’Etat impartial, de l’Education, des valeurs humaines communes, mais quand tu enchaînes en rappelant que Bayrou a eu des propos très durs sur le système de Nicolas Sarkozy, hop ! On reparle aussitôt de la mésentente des socialistes ; Il ne s’agit surtout pas d’évoquer, comme Bayrou l’a pourtant fait, la collusion des médias avec le candidat de l’UMP, son inféodation à l’Amérique et à Israël , et sa collusion avec les grandes puissances financières. Secrets d’ Etat !

A un autre moment, Arlette Chabot évoque le procès en incompétence dont tu as fait l’objet ; tu as fort bien répondu en parlant de tes propositions, et en rappelant ton itinéraire, qui t’a conduit de l’ENA au Parlement et à la Tête de la Région de Picardie, en passant par les différentes charges ministérielles. A ta place, j’aurais évoqué le fait que tu es la première femme à diriger une région, prélude à la direction d’un Etat, et surtout que tu as été la conseillère de François Mitterrand en matière de politique étrangère – un domaine où, justement, on ne s’est pas privé d’attaquer ta compétence. En tous cas, chaque fois tu t’en es tirée la tête haute : par exemple, en indiquant ton souci d’une juste redistribution des fruits de la croissance.

Naturellement, la propagandiste Chabot ne manque pas de souligner que tu reconnais à Sarkozy des qualités – il arrive que la télé ne retienne de l’intervention d’un socialiste que les critiques contre son propre parti, ou les éloges rendus au Président ; il y a un fossé entre le temps de parole accordé à la gauche, et le contenu réel des extraits donnés – ; et lorsque, hypocritement, la Chabot fait une allusion aux "critiques adressées à Sarkozy", c’est pour citer l’hyper-présidence, les innombrables interventions sur le terrain du Président – en sachant justement que c’est le côté qui plaît aux Français. Et dire que cette télé-propagande est payée avec l’argent des contribuables français, bientôt même les plus démunis, pour qu’ils votent contre leur intérêt !

A ce propos, Ségolène, j’attire ton attention sur deux points : Ce qui a permis à Bayrou d’approcher les 20 %, contrairement à toute attente, c’est qu’il a mis les pieds dans le plat, et dans le plat des privilèges insupportables aux Français. Je souhaite que tu t’en souviennes.

D’autre part, toutes les personnes interviewées ou presque, se font avoir par la technique pourtant éprouvée de ces médias putrides : Quand ils sont interrompus, ils changent de propos. Dis-toi bien, Ségolène, que si l’on t’interrompt, c’est précisément parce qu’on veut te faire taire, au moment le plus dérangeant pour Sarkozy : aucune critique du Président n’est tolérée dans les médias serviles. Je te demande, à toi comme à tous les adversaires du Président, de ne pas tomber dans le piège : Quand tu parles, termine ce que tu as à dire, et ne change surtout pas de sujet ! Il faut enfin que les Français sachent la vérité sur la prétendue "modernité" sarkozienne : elle procède à une redistribution…. du bas vers le haut !

Ségolène, à tort ou à raison, ton projet est de concilier l’idéal de gauche et les réalités du marché. Comme Sarkozy, tu veux créer de la richesse ; mais à sa différence, tu souhaites la répartir équitablement. On peut certes se méfier du libéralisme et préférer une rupture face à l’idéologie dominante, si contraignante ; C’est mon cas. Mais je salue ton pragmatisme, certainement plus dans l’air du temps, tout au moins de la Pensée Unique dont on nous vante sans cesse les mérites. Bref, tu es cohérente avec toi-même.

Là où Sarkozy n’hésite pas à sacrifier l’individu pour permettre à la Finance de prospérer toujours davantage, au seul bénéfice d’une poignée de nantis, tu préfères, à juste titre, que l’économie soit au service des citoyens. En d’autres termes, tu te bats pour humaniser le libéralisme ; tu veux que personne ne soit laissé sur le bord de la route de la croissance. Et que la répartition se fasse du capital au travail, contrairement à Sarkozy.

Et c’est toujours au nom du pragmatisme que tu oses envisager certaines réformes difficiles , comme l’autonomie , certes relative , de l’Université , ou encore la mutation du système de retraite , afin de tenir compte de l’allongement de la durée de la vie. Mais sans dresser les Français les uns contre les autres, en réformant en douceur, et en tenant compte des situations particulières, afin que nul ne soit lésé. C’est finalement une manière très féminine de faire de la politique, réaliste, pragmatique, concrète, humaine, solidaire, fraternelle, et cet hommage je le rends d’autant plus volontiers que je ne suis pas une féministe.

A la brutalité de la compétition, tu préfères la douceur de la coopération, de la concertation, de la démocratie participative ; point de politique à la hussarde, pire, à la cow-boy, comme ton ancien rival, brisant toute résistance et subordonnant les moyens à la fin – le capitalisme financier le plus sauvage. Je salue ton approche de la politique, en songeant qu’une femme authentiquement féminine peut contribuer en effet, d’une certaine manière, à ré-enchanter le monde par son approche humaniste. Tu as même prôné le fameux « aimez-vous les uns les autres » qui peut paraître puéril, et qui pourtant rapproche, oh combien, la politique du citoyen, en lui rappelant sa proximité avec la vie de la cité, et en rappelant au politique son devoir de servir avec un parfait désintéressement les citoyens, le bien commun de tous sans exclusion. Je crois que nous sommes passés à côté d’une grande dame, d’une très grande dame, et que c’est dommage d’avoir à la place un vulgaire petit roquet hargneux.

Tu as toujours en vue ce que tu appelles « l’ordre juste », c’est-à-dire la garantie que les réformes seront conduites avec Justice, ce qui est une manière de faire accepter le changement qui t’apparaît nécessaire. Et nous savons, Ségolène, que c’est ta conviction profonde, comme tu tiens d’ailleurs à faire participer tous les citoyens à ce changement. Comme cela nous change des réformées décrétées d’en haut par un seul homme au service des seuls intérêts des grands groupes industriels, de la haute finance, ou pire encore de ses riches amis ou de groupes inféodés aux intérêts américains ou israéliens, de surcroît représentés par les plus extrémistes, les ultras néo-conservateurs évangéliques ou néo-sionistes !

En fait, je te suis reconnaissante pour plusieurs raisons. D’abord, tu as osé, toi femme, la première, à faire en France ce que d’autres ont réalisé ailleurs, souvent avec succès : te présenter à la charge suprême. Au nom de mes sœurs et de tous les démocrates, nous te remercions pour cette légitime audace qui rentrera dans l’ Histoire de la France. Et tu l’as accompli avec courage, avec fermeté, avec aplomb, malgré toutes les attaques dont tu as fait l’objet, malgré toutes les calomnies et les médisances que même ton propre parti, honte à lui, ne t’a parfois pas épargné ; en toutes circonstances , tu as fait preuve de calme, de maîtrise de soi , et malgré l’épreuve que tu vivais sans doute déjà dans ta famille , l’infidélité semble-t-il de ton époux Premier Secrétaire, gagnant notre estime et notre respect à tous, d’autant plus que ton adversaire, aujourd’hui, perd sans cesse ses moyens et donne à l’étranger de la France une image très négative.

Je sais, Ségolène, que tu nous aurais dignement représentés à l’étranger, et que tu ne nous aurais pas trompés ainsi que Sarkozy le fait sans cesse, en s’attribuant des mérites qui ne sont pas les siens, comme ceux des contrats signés en Algérie . Tu es une femme d’honneur, tu as une éthique irréprochable, et c’est d’autant plus précieux que cela contraste avec la vermine qui a pris le pouvoir, cynique, malhonnête, sans scrupule, prête à tout pour accomplir ses desseins au service des puissants et contre les intérêts des plus fragiles. Oui, Ségolène, avec l’éducation qui a été la sienne, tu as compris qu’il était temps de rétablir le souci de l’éthique en politique, comme d’autres avant toi, je pense en particulier au très intègre Pierre Mendès-France. Nous sommes fiers de toi, Ségolène.

Et je m’élève contre l’insinuation d’inaction te concernant, puisque je suis abonnée au site http://sego-dom.over-blog.com, passionnant, et qui informe régulièrement sur ce que tu fais – et sur la politique en France. Je salue le travail des militants de ce site, en particulier celui de Dominique. En lisant ce blog, on comprend que tu n’as pas cessé d’être active.

En revanche, honte à l’adjudant Chabot pour toutes ses attaques, même les plus viles : " Est-ce que vous avez digéré votre défaite ? ", " Votre style a dérouté ", " on vous a fait un procès en incompétence ", etc. J’imagine comment la même prétendue journaliste aurait réagi, si elle avait eu en face d’elle Sarkozy, qu’elle embrasse d’ailleurs dans les coulisses : avec déférence, avec servilité. La déontologie est bien malmenée avec des « journalistes » comme elle, ou Pujadas, ou Darmon. Pendant ce temps, monsieur Ménard est occupé à ferrailler contre la désinformation à Cuba . Quelle imposture de dénoncer ailleurs ce que l’on tolère chez soi, en France !

Et la Chabot a beau jeu de brandir Delanöe ou le dandy des beaux salons B.H. Lévy ; on sent bien, Ségolène, qu’avec toi la menace pour Sarkozy est importante. Sinon, tu ne ferais pas l’objet d’attaques aussi constantes et injustifiées, comme lorsque tu t’es rendue en Israël, où d’ailleurs tu as fait l’unanimité : l’erreur était due à un défaut de traduction de la part du deuxième traducteur, ce que l’Ambassadeur de France, pourtant de droite, a reconnu. Mais comme il est facile de répandre des bruits infâmes, et difficile ensuite de les arrêter, ou pire encore, de rétablir la vérité !

Oui, j’accuse nos médias serviles de tout faire pour nuire à ta réputation, à ta personne, et d’une façon générale de tout mettre en œuvre pour empêcher la gauche de revenir au pouvoir, comme ils ont tout fait afin d’empêcher la liberté de choix lors de la consultation pour la Constitution européenne qu’on nous refile d’ailleurs pratiquement à l’identique, hypocritement – c’est signé Sarkozy – sans nous consulter.

Ensuite, on t’a interrogée sur ta prétendue solitude, Ségolène. Eh bien moi je dis qu’une femme qui a dans toutes les régions des comités de soutien, n’est pas une femme seule. Je ne suis pas sûre qu’il y ait autant de ferveur, et de fidélité, dans chaque région, pour l’arrogant et droitier Strauss-Kahn, l’amer Jospin ou même le plus populaire Delanoë. Et d’ailleurs, je dis tout haut ce que tant de Français pensent tous bas : les éléphants, ça suffit. Place à la femme Ségolène, et aux plus jeunes !

Merci, Ségolène, pour ta dignité, pour ta force de caractère, pour ton immense courage. Tu aurais fait une parfaite ambassadrice de la France, alors que Sarkozy se déconsidère, et déconsidère la France, en s’emportant, à New York quand on l’interroge sur son divorce, ou parmi les ouvriers au milieu desquels il se pavane devant les caméras au moment même où il prépare toutes sortes de mesures anti-sociales, portant notamment atteinte au droit des travailleurs. Et en disant : « Viens ici, toi, on va s’expliquer ! ». Ce n’est pas un Président, ça, c’est un vulgaire cow-boy qui règle ses comptes, comme son ami Bush. Ils vont bien ensemble, ces deux-là. J’ai honte pour mon pays.

Ségolène, je sais que tu auras envie de te représenter. Permets à la militante que j’ai été, ancienne journaliste et auteur d’ouvrages qui m’ont valu de passer souvent à la télévision, notamment chez Philippe Bouvard (il m’a dit un jour : « Je n’ai jamais vu quelqu’un qui crève autant l’écran »), de te donner quelques conseils.

C’est avec un immense plaisir que j’ai appris, l’autre jour, que tu souhaitais faire des personnes âgées une priorité. Ségolène, tu dois savoir que je me suis battue pour imposer cette idée au PS dans ma région ; apparemment, cela n’est pas remonté jusqu’à toi, ni d’ailleurs mes autres suggestions. Oui, j’avais pressenti au tout début de ta campagne, que tu devais t’adresser tout particulièrement à eux. J’avais moi-même été responsable de la commission 3e âge, dans mon département, alors qu’il y a une trentaine d’années j’étais une toute jeune militante au PS, derrière Chevènement – au CERES, aile gauche du P.S., partisane du rapprochement avec les camarades du PC. Vois-tu, Ségolène, je suggérais qu’on soit les premiers à s’intéresser à cet électorat conservateur et si délaissé. Je sentais monter la question du 4e âge, de la dépendance, et la nécessité, dans la foulée, de prôner une très active politique en matière d’équipements pour les personnes handicapées. J’avais d’ailleurs été sensibilisée au problème lors du tournage pour une grande chaîne de télévision française, d’un documentaire sur l’accessibilité des villes, proposé et dirigé par moi (productrice du reportage). Je savais, Ségolène, d’autant plus que tu as une compassion toute féminine, que les personnes âgées auraient été très touchées par ta sollicitude à leur égard. Elles sont si isolées, si ignorées de tous ! Si l’information avait convenablement remonté, tu serais peut-être au pouvoir aujourd’hui.

J’avais défendu d’autres idées, Ségolène. Notamment en matière de protection du consommateur, si malmené dans une société complètement déshumanisée et soumise aux seuls critères de profit à tous prix. Mais surtout, c’est une toute autre manière de faire la campagne, que je proposai.

Ségolène, on peut marier souci d’éthique et efficacité. L’angélisme, en politique, ne paie pas. Il ne faut pas hésiter à attaquer ses adversaires. Etre offensif, ce n’est pas du dénigrement.

Ton premier adversaire, Ségolène, qui à mon avis explique ton échec, ce sont les médias dirigés par les amis milliardaires de Sarkozy, eux-mêmes liés à de puissants groupes industriels notamment militaires. Bayrou les a attaqués frontalement, et les Français lui en ont été reconnaissants. Tu as eu raison, Ségolène, de critiquer Pujadas pour la désinformation qui préside à chacun de ses journaux télévisés. Mais il fallait aller plus loin. J’ai suggéré plusieurs pistes : L’une, de porter plainte contre X, pour attirer l’attention. Il faut savoir frapper de grands coups, Ségolène, sans hésitation ! Ou encore, financer quelques pages de publicité dans les grands quotidiens, en publiant des lettres ouvertes aux Français. Ou enfin, appeler à une grande manifestation unitaire pour défendre la démocratie, car sans indépendance des médias, il n’y a plus de liberté, et sans liberté, il n’y a plus de démocratie. Les Français ont le droit de savoir qu’on les manipule, qu’on les trompe, à des fins sordides (la satisfaction des maîtres du monde, uniquement préoccupés par leur enrichissement démesuré). Je voudrais aussi dire que la gauche ne reviendra jamais au pouvoir, et donc qu’il n’y aura plus d’alternance, si les médias taisent la réalité ou la déforment.

Tu es attaquée, Ségolène ? Tu te défends. Avec vigueur. Clairement. Tu rends les coups, en dénonçant à ton tour ! Tu sais, on peut se battre proprement. Si on est victime de calomnies, il faut réagir. Et fermement. Encore une fois, l’angélisme fait perdre les élections. Et si l’adversaire ment, il faut vigoureusement le dénoncer ( cf Fillon annonçant que la France est en état de faillite, alors que les grandes entreprises font des profits faramineux , ou Sarkozy réussissant à se faire passer pour le candidat du pouvoir d’achat ! ).

Ségolène, les classes populaires se sont souvent portées sur des candidats de l’extrême droite, ou de la droite. Ce ne sont pourtant pas eux qui vont défendre leurs intérêts. Il faut récupérer l’électorat populaire ! Comment ? Mais en faisant une authentique politique de gauche. Si l’on ressemble trop à la droite, on préfère l’original à la copie. Le programme du candidat de gauche doit être très clair, chiffré toujours, et bien différent de celui de la droite. Les contrefaçons, les ambiguïtés, les citoyens s’en méfient, à juste titre. Et il faut reconquérir les couches populaires en retrouvant l’habitude du porte-à-porte.

J’ai beaucoup insisté auprès des militants, socialistes, communistes, ou même centristes ( je voulais à tout prix que Sarkozy soit battu, même son écriture m’inspirait les plus vives inquiétudes, alors que la tienne est celle d’une femme équilibrée ; pour moi et pour beaucoup, celle de Sarkozy reflète de multiples déséquilibres ), pour que l’on prenne des initiatives fortes, que l’on mette en avant des idées fortes, et que l’on utilise des mots qui frappent l’esprit. Par exemple, faire ce que Bayrou a fait, lorsqu’il a dénoncé les médias serviles au micro, je crois, de TF1, mais aussi les grandes puissances de l’argent derrière Sarkozy, et le risque d’américanisation de la France. Il a osé, et cela a été payant.

Encore faut-il soigner l’emballage, c’est-à-dire la communication. Ségolène, il faut bannir les expressions abstraites et qui ne sont pas immédiatement compréhensibles. Moi, j’ai mis longtemps à comprendre ce que "donnant-donnant" ou "gagnant-gagnant" signifiait exactement. Il faut être très direct. Comme Sarkozy : « Ce que je dis, je le fais ». Point. J’ai été très frappée d’entendre des sportifs dire : « Sarkozy, au moins, on le comprend ». C’est sa force ! Soyons comme lui. Clair, précis, simple, phrases courtes, immédiatement compréhensibles, et pourquoi pas imagées. Il faut parler en insistant sur certains mots, en articulant quand c’est nécessaire, en les reprenant également. Ne pas hésiter à se répéter, c’est comme ça que les idées font leur chemin. Sinon, on oublie tout. Souligner un mot ou une idée importante, Ségolène, c’est une nécessité.

Le choix des expressions compte aussi. Par exemple, lors de l’émission de Chabot, Olivier Besancenot a dit ceci : « Tandis que le code du travail est revu – défavorable aux salariés – , Sarkozy a institué la dépénalisation du droit des affaires, les PATRONS VOYOUS ne passeront plus en justice. »

Il faut bien choisir ses thèmes, et sélectionner ceux qui sont convaincants. Bien avant l’intervention de Fabius entre les deux tours, je prévenais tous les futurs électeurs qu’ils auraient à payer les franchises, et qu’ils devraient payer tous leurs produits plus chers, avec l’instauration de la TVA… anti-sociale. Il faut trouver les arguments qui touchent les gens, et bannir l’abstraction.

Par ailleurs, je pense qu’il faut situer les enjeux véritables. Clairement et simplement. Par exemple, pourquoi ne pas aborder le thème de l’AMI, qui à lui seul montre bien la dangerosité de la politique de la droite. Est-ce qu’on veut ce type de société, où les individus ne sont plus libres, et sacrifiés à l’intérêt des multinationales ? ? ?

Ségolène, pourquoi ne pas avoir abordé le thème de la politique étrangère ? Moi, pendant la campagne, j’attendais qu’on parle de Sarkozy otage des Américains et des Israéliens, de l’indépendance nationale qui serait bradée, et plus généralement, du risque d’américanisation de toute la société française, si peu préparée à un matérialisme aussi sauvage et brutal.

Et il faut attaquer Sarkozy sur ses intentions belliqueuses, cet homme-là veut la guerre avec l’Iran, et contre d’autres pays encore, comme il a souscrit à l’invasion de l’Irak ; Kouchner aussi d’ailleurs. Ils ne chercheront pas non plus à régler la question palestinienne, lourde d’incertitudes et de dangers. Les médias laissent sous silence ces questions : Il faut donc les aborder soi-même ! Frontalement !

Et pour revenir au fond, Ségolène, il y a des thèmes de gauche qu’il faut mettre en avant, ils sont porteurs : comme celui des services publics, bradés par Sarkozy. Aujourd’hui , j’entendais par exemple que la SNCF allait « rationaliser » ( le Président parlerait de « moderniser ») son réseau…entendez, supprimer les lignes non rentables ! Au détriment de la lutte contre la pollution, de l’emploi, des PME, des usagers. Il s’agit, là encore, de « privilégier » les grandes lignes ! Tu sais, Ségolène, j’ai une voix qui porte, je suis un tribun né (comment dit-on, au féminin ? Une tribune ?) : Je n’aurai pas tardé à me saisir d’un tel thème ! « Privilégier les grandes lignes, au détriment des populations. C’est à l’image de TOUTE la politique de Sarkozy ! On favorise les privilégiés, et on sacrifie les petits, les faibles,les démunis ! ». La nécessité de la rentabilité a pris le pas sur le service public. C’est à l’image de toute la politique du nouveau gouvernement, qu’on se le dise !

Regarde, Ségolène, l’image choc employée par la LCR : « Nos vies valent mieux que leurs profits ». Eh oui, idée toute simple, à exploiter sans retenue, mais avec des mots simples, comme lui ! Je l’ai écouté, à Montpellier : Il est d’une efficacité extraordinaire ! Sa simplicité fait mouche , et sa conviction aussi ! J’ai adoré la colère de Josiane Balasko. Moi aussi, je parle avec les tripes : Ca marche toujours !

Je rêve d’une grande union de tous les opposants… de Besancenot à Bayrou ! Et je me sens très proche des communistes rénovateurs, qui sont pragmatiques tout en défendant avec acharnement les intérêts des couches populaires. Je ne veux pas voir le PC mourir ! Les militants sont formidables, dévoués, efficaces, sincères, désintéressés, intègres ; Et ils défendent réellement les plus défavorisés ! Le communisme français d’aujourd’hui n’a rien à voir avec le stalinien : c’est un parti de gouvernement, qui se bat pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et des personnes modestes, ils ont toute leur place dans une grande Union de la gauche ! Je ne me résigne jamais à voir disparaître un bastion communiste. Ségolène, l’espérance est à gauche, quand celle-ci est authentiquement de gauche ! Avec les communistes, avec les amis de Besancenot, avec les Verts aussi ! L’ Union fait la force !

Ségolène, merci d’être une femme libre.

Les médias, eux, ne le sont pas. Et ça, c’est très grave….

Eva, militante de choc, femme convaincue et libre aussi. Sans parti, sans chapelle, sans clan, totalement indépendante.