Publiée dans "Le Monde" en date du 25 avril 2007.
Le gouvernement se targue d'une réussite éclatante dans la lutte contre le chômage : il aurait ramené le taux de chômage "à son plus bas niveau enregistré depuis juin 1983" (J.L. Borloo, communiqué du 29/03/2007).
Le taux de chômage se calcule en France à partir de deux sources, l'enquête emploi de l'Insee et les données administratives de l'ANPE. En janvier dernier, l'Insee rendait publique sa décision de reporter de mars à l'automne 2007 la publication des résultats de son enquête de 2006, qui montre une stabilité du chômage. Mais les raisons invoquées n'ont convaincu ni la communauté scientifique, ni l'Office statistique européen (Eurostat).
Or les données de l'ANPE, à la suite de modifications administratives, ne sont plus en l'état exploitables pour ce calcul et conduisent à une sous estimation forte du taux de chômage.
L'affichage d'un taux de chômage artificiellement bas relève de la manipulation de l'opinion publique, alors que les périodes électorales devraient être des moments de transparence sur le bilan des politiques menées.
Les agents du système statistique de l'emploi ont, depuis plus d'un mois, engagé des actions pour que soit suspendue la publication des estimations provisoires du taux de chômage, afin de défendre leur déontologie professionnelle, la crédibilité de leurs institutions, et d'éviter que la statistique publique soit utilisée pour fausser le jugement des citoyens.
Le jeudi 26 avril 2007, le personnel de la Dares (le service statistique du ministère de l'emploi) fera grève pour s'opposer à la publication du taux de chômage. L'indépendance et la neutralité du système statistique sont une condition du débat démocratique ; c'est pourquoi nous, en tant que chercheurs soucieux de la qualité et de la crédibilité des statistiques concernant l'emploi et le chômage, soutenons l'action des personnels des services statistiques de l'emploi et demandons nous aussi au ministre Jean-Louis Borloo de suspendre cette publication.
Signatures :
Bruno Amable (Cepremap), Florence Audier (CES), Christian Baudelot (ENS), Eve Caroli (Université Paris 10), Jean Cartelier (Université Paris 10), Eve Chiapello (Enseignant chercheur), Denis Cogneau (IRD), Isabelle Collet (Université Paris 10) , Sandrine Dauphin (CNAF), Alain Desrosières (historien de la statistique), Claude Didry (ENS Cachan), Brigitte Dormont (Université Paris 9), Esther Duflo (MIT), Christian Dufour (Ires), Christine Erhel (Université Paris 1), François Eymard-Duvernay (Université Paris 10), Jeanne Fagnani (Université Paris 1), Olivier Favereau (Université Paris 10), Yannick Fondeur (IRES), Patrice Gaubert (Université Paris 7), Jérôme Gautié (Université Paris 1), Bernard Gazier (Université Paris 1), Marc Gurgand (PSE), Michel Husson (IRES), Laura Lee Downs (EHESS), Sylvie Lambert (LEA), Laurence Lizé (CES), Thierry Magnac (Université de Toulouse), Antoine Math (IRES), Gérard Mauger (CSE-CNRS), Eric Maurin (EHESS), Dominique Meurs (INED), Jean-Marie Pernot (IRES), Thomas Piketty (EHESS, PSE), Thomas Philippon (New York University), Edmond Preteceille (OSC), Christophe Ramaux (Université Paris 1), Hyacinthe Ravet (Université Paris 4), Bénédicte Reynaud (ENS), Alexis Spire (Université Lille 2), Olivier Thevenon (Ined), Xavier Timbeau (OFCE), Carole Tuchszirer (IRES), François Vatin (Université Paris 10), Françoise Vouillot (Cnam).
et l’on se demande ce que vont devenir les chômeurs en fin de droit…
Par ailleurs, qu’en est-il des demandeurs d’emploi « dispensés de recherche d’emplois », mais toujours indemnisés soit par les ASSEDIC, soit par le biais du RMI, « parce que faisant partie des Quinquas » ?
Le Gouvernement devra s’attaquer sérieusement à ce problème !