Lettre d’une Assistée à Mr Nicolas Sarkozy.

Vendredi dernier, notre cher président complimentait encore l’assistanat et ses vertus. Car oui, on devient chômeur de son propre fait, on aboutit sdf pour s’être laissé dériver et on aime le RSA qui permet – Ô combien – de s’acheter un home cinéma. 

Aujourd’hui, alors que notre cher président libère sa conscience en annonçant officiellement sa candidature à la surprise générale (!) peut-être ne se doute-t-il pas encore de la lettre manuscrite qui fait route vers sa boîte aux lettres. Si ça se trouve il ne le saura jamais, d’ailleurs, je m’imagine fort bien du nombre de personnes payées pour lire son courrier. Néanmoins je me suis fait plaisir, cette lettre m’a permis d’exprimer au petit d’homme un ressenti assez ancré, que voici (texte intégral):

"Objet : lettre d’une assistée. 

Monsieur le Président, 

Depuis quelques mois, en lisant la presse, je retrouve dans vos interventions ce cheval de bataille que vous exposez régulièrement : l’assistanat. 

Hier le Nouvel Observateur faisait encore état de vos allégations concernant les chômeurs. Si j’en crois la presse, vous avancez que les chômeurs sont responsables de leur situation, inactifs, se complaisant de leur situation aux crochets de l’Etat. Il y a même un film, sorti l’année dernière, qui décrit ce type d’assistanat avec humour et le talent de Jean-Paul Rouve et Isabelle Nanty : les Tuche. Mais ni ce film, ni vos propos ne décrivent la réalité de l’assistanat. 

J’admets fort bien qu’elles existent, ces personnes ne vivant que d’allocations et s’y complaisant. J’en connais aussi. J’en connais même qui correspondent en tout point au stéréotype du « RMIste à l’écran plat dans son salon ». 

Mais Monsieur le Président, avec tout le respect que votre fonction m’impose, je me permet étant « assistée » moi-même, de me sentir profondément outragée par vos propos. Je m’en explique. 

Je suis effectivement tributaire du RSA et autres allocations. Son montant est de 55 Euros : en effet la législation veut que, mon conjoint étant « invalide catégorie 2 » et pensionné de 670 Euros/mois par la CPAM, le RSA est de 55 Euros. (Je précise que si mon conjoint avait été salarié au même montant le RSA aurait dépassé 500 Euros, une injustice considérant que mon compagnon n’a pas choisi l’invalidité… Je me suis permise d’en référer à Mme Roselyne Bachelot.)

Mais pour ma part hormis l’aumône que l’Etat me fait de 55 Euros/mois, j’apprécie les droits et l’encadrement que me confèrent ce statut. Ceux-ci m’ont permis d’occuper un emploi pendant 6 mois dans le cadre d’un CUI CAE en EHPAD. Non renouvelé, ne m’ayant pas permis suffisamment d’heures pour prétendre à l’allocation chômage, me revoici au point de départ. 

Monsieur le Président, ce point de départ, le voici : 

 – Gérer pour mon conjoint, moi-même et nos deux enfants un budget de 850 Euros/mois. Retirez-en les charges ; les habits et l’alimentation passent à la trappe. Fort heureusement nous sommes bénéficiaires d’une banque alimentaire.

 – Une bataille quotidienne contre les administrations : chaque démarche, déclaration de revenu… auprès des CAF et CPAM devient une corvée.

 – Une recherche d’emploi compromise… car la recherche d’emploi coûte de l’argent ! Chaque trajet, appel au Pôle Emploi, la connexion Internet indispensable pour accéder aux annonces, c’est un trou de plus dans notre argent de poche.

Sans parler des remarques désobligeantes des fonctionnaires ! 

Pour ne citer que celle-ci, quand j’ai dû me battre pour rétablir mon éligibilité au CUI, une employée de Pôle Emploi m’a fait remarquer que « c’est quand même l’Etat qui décide puisque c’est eux qui paient votre salaire ».En effet, mais ce salaire, je l’avais gagné en faisant tout ce que vous prônez depuis votre campagne de 2007. Je me suis levée tôt et, pendant 519heures réparties sur 6 mois, j’ai entretenu des chambres, des toilettes, des bureaux, servi à table des personnes âgées et aidé les aide-soignants dans leurs tâches.

Je ne m’attendais pas à une remontrance sur l’origine de mon salaire. 

Aujourd’hui Monsieur le Président, je me lève tôt, J’emmène à pied mes enfants à l’école, et la journée, j’épluche les annonces, relance les recruteurs, rédige des candidatures, entretiens et référence on Site Internet dans l’espoir de faire reconnaître mes compétences et trouver un travail d’assistante de communication. 

Car toute assistée que je sois, j’ai un projet professionnel concret et ce poste, c’est le premier barreau de l’échelle qui me permettra de l’atteindre. 

Sachez aussi que mon « inactivité » me pousse à faire du bénévolat : je suis au Conseil d’administration de l’Association Erstein Cinéma, j’y tiens la caisse une fois par semaine et j’ai pris en charge un groupe de travail sur la communication. 

Cette activité m’aide à me maintenir active dans ma condition d’assistée chômeuse ! 

Voilà, Monsieur le Président, de quoi sont faites mes journées. 

Survie, galère, famille, recherche d’emploi et bénévolat. 

J’aurais été en droit d’attendre une reconnaissance, même verbale, pour le dynamisme et la persévérance qui me distinguent (et beaucoup d’autres comme moi) du modèle « Tuche » au cinéma.

Mais votre seul retour m’accable et me stigmatise dans ce modèle. Comme toujours. 

Vous l’aurez compris, Monsieur le Président, je ne fais pas partie de votre électorat. Si la présente vous parvient et attire votre attention, n’y voyez aucune demande de ma part… si ce n’est un peu plus d’empathie pour les conditions de vie des assistés. Et plus d’équité, même verbale, vers le chômeur actif qui nourrit les mêmes objectifs que vous. 

En vous remerciant."

Et si j’ai une réponse, je vous tiens au courant !

7 réflexions sur « Lettre d’une Assistée à Mr Nicolas Sarkozy. »

  1. Le Président-candidat n’aura pas le temps de vous répondre.

    Mais le candidat-président va sûrement prendre sa plume…..

    jf.

  2. J’avais pour projet d’ecrire un article sur les remarques désobligeantes et ces soi-disants referendum sur les obligations des chomeurs, de la part de Nicolas Sarkozy…Mais je trouve cette lettre totalement révélatrice! Félicitations

    D’ailleurs faudrait-il encore aussi dire les obligations du pole emploi…aujourd’hui je vois une offre d’emploi avec la mention « tel au 3949 pour avoir le mel de l’employeur », sitôt dit, sitot fait…le serveur vocal me dit qu’il est fermé…pas mal il était 15h55!

    Tout dans cet article y est dit, c’est un combat de tous les jours de faire les demarches pour obtenir une aumône…c’est une usure psychologique qui finalement n’encourage plus du tout à travailler car cela dévalorise…
    Pour se revaloriser on se tourne souvent vers le benevolat…et puis ca permet de garder le moral, de trouver des appuis…
    Oui enfin je rabache l’article là…Quand je vois les efforts qu’on fait pour etre pris finalement comme de la merde des fainéants, des je m’en foutistes, alors qu’on se bat avec l’administration…tiens allez, j’arrête là ca me donne envie de me tailler les veines tout ça…

  3. @ [b]Julien[/b]

    Allons, allons, ne déprimez pas, voyons…..

    Vous n’êtes pas si seul !

    D’autre déclare aussi[i] « c’est un combat de tous les jours de faire les démarches pour obtenir une (aumône) signature de parrainage »[/i]….. 😉 😉 😉

    jf.

  4. Chère Nadoo,
    Vous avez raison d’être fière de la place et de l’utilité que vous occupez dans la société.
    Les assistés ne sont pas toujours ceux que l’on croit.
    Vous n’êtes pas née dans les beaux quartiers de Neuilly.
    Vous ne pourrez, et certainement ne voudrez, pistonner votre fils pour diriger un établissement public.
    Vous amis ne sont certainement pas des grands patrons du CAC 40.
    Vous n’avez pas décidé d’auto-augmenté votre salaire.
    Vous ne toucherez jamais des indemnités, à vie, liées aux cumuls de différentes fonctions.
    A vous lire, je pense que vous devez également être fière de ne rien devoir à personne, sinon à votre engagement et votre courage.
    Vous ne vous enrichissez pas sur la misère des plus faibles, ou sur le fruit du travail des autres.
    Alors, non vraiment, les assistés ne sont pas les demandeurs d’emploi ou les allocataires des minimas sociaux.

  5. Faisons un calcul intéressant, qui, à défaut de vous plaire, traduit une réalité économique intéressante :
    Selon ces messieurs, les assistés que vous êtes coûte à notre grande patrie la modique somme de 850€/mois. A deux + un certain nombre d’enfants.
    Soit 10200€/an.

    Il y a environ 3 millions d’assistés seuls ou en couple dans notre pays. Admettons pour simplifier qu’ils coûtent 5100€/an chacun.
    La facture se situe donc dans les 3*5100 = 15.3 milliards.

    A titre de comparaison, le déficit public est d’environ 100 milliards. 6 fois plus.
    Le compte n’y est pas, les assistés ne sont donc pas seuls responsables, on en est même très loin.

    Les réformes fiscales menées sous le Sarkozysme ont un coût qui se chiffre en dizaines de milliards (plus près de la centaine que de la dizaine d’ailleurs). Des heures SUPs défiscalisées qui ont permis aux parasites de réduire leurs charges sociales, une TVA aux restaurateurs qui a permis à ces incapables de continuer à vivre au-dessus de leurs moyens, une exonération d’ISF qui ne sert que les rentiers qui vivent au crochet de la société…
    Il est là, la vrai poids économique. Là et pas ailleurs.

    Il semblerait qu’il existe des emplois non pourvus que ces fainéants de chômeurs ne veulent pas prendre…
    Je ne vois pas beaucoup d’emploi dans la restauration dans les journaux, moi. Il préfèrent les esclaves importés d’Afrique.
    L’informatique ? Je connais mieux.
    Des entreprises qui vous font des offres d’emploi du style :
    [i] »Nous recherchons un informaticien avec 30 ans d’expérience mais ayant moins de 50 ans et avec les compétences suivantes :
    Excellent niveau en programmation en Java, C, C++, C#, Fortran, D, Basic, SQL, html, php, javascript, css.
    Le candidat doit impérativement être expert en base de données, sécurité informatique et circuits électronique.
    Le candidat doit également avoir une bonne culture générale en marketing, communication.
    Naturellement, nous sommes une entreprise internationale, vous avez nécessairement un niveau courant en Anglais, Portugais, Espagnol, Chinois, Japonnais, Coréen, Hindi et Français.
    Salaire prévu : 1500€ brut/mois. Et la joie de travailler pour notre entreprise, naturellement. »[/i]
    Alors évidement, ils n’arrivent pas à recruter.

  6. Je n’ai remis la main sur cet article, mais il y a quelques mois « le Canard Enchaîné » avait révélé que [b]Pôle Emploi[/b] n’avait rien trouvé de mieux à proposer à une mère de famille…(tenez-vous bien !): un [b]emploi de strip-teaseuse[/b]……

    C’est vrai que la formation à ce métier n’est pas très longue et peut donc parfaitement correspondre au « cadre » du futur référendum annoncé par le futur ex-président !

    jf.

  7. Pôle emploi ne sert à rien. On ne m’a jamais proposé d’emploi de secrétaire. J’ai des entretiens pour voir où en est ma situation. Ben nulle part…. Je fait des ménages… et la seule fois où j’ai raté un entretien, j’ai été radiée. Mais pour vous faire et refaire faire votre CV… J’avais 400 euros de RMI et depuis que c’est le RSA je n’ai plus droit à rien…. Pourtant ma situation est la même.

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