Comme j’en ai assez de voir ma santé se dégrader inutilement, je décide donc, pour la première fois, d’écrire à notre Président afin de lui faire part de certaines choses qui me concernent directement, ainsi que de nombreux autres professionnels de l’enseignement ou autres concitoyens. Mais comme je ne suis pas sûr d’être écouté, j’ai aussi signalé que ma lettre serait mise en ligne, histoire de faire réagir un peu l’Elysée.

Voici donc le message que je souhaite faire parvenir à un Président qui se dit très simple, avec un patrimoine que le commun des Français n’aura pourtant jamais…

 

"Monsieur Le Président,

Après un doctorat en Physique Appliquée j’ai été contraint de me réorienter vers les métiers de l’enseignement. J’ai même donné deux années de ma vie au GENEPI (association fondée par M. Lionel Stoléru avec la participation de M. Robert Badinter, donc fortement à gauche et SOCIALISTE), deux années pendant lesquelles j’ai travaillé énormément pour les ministères de la Justice et de l’Education Nationale, tout cela totalement bénévolement. J’ai milité avec intelligence et adresse et on ne m’a fait aucun reproche sur mon travail, bien au contraire, mais j’ai été contraint d’abandonné au bout de deux ans car je ne pouvais pas subvenir à mes besoins !

A 34 ans, je me retrouve presque dans la misère. Pourquoi ? On refuse de me proposer un poste dans l’enseignement aussi bien public que privé. Je travaille actuellement dans un centre de soutien scolaire car je n’ai pas d’autre choix.

Or, la crise et surtout l’Education Nationale font tout pour nous retirer notre seul moyen de survivre. Arrêtez les heures d’aide personnalisée dans les lycées, elles ne servent à rien et nous retirent des clients. Supprimez la niche fiscale sur les cours à domicile qui nous fait une concurrence déloyale ou alors permettez-nous aussi d’en faire bénéficier les quelques clients que nous avons encore. Concernant cette niche fiscale, trouvez-vous normal d’engraisser des entreprises qui emploient des étudiants naïfs et mal payés pendant que les dirigeants se remplissent les poches ? Surtout que la qualité n’est pas au rendez-vous pour les familles : il est indécent de faire payer 30 à 50 € de l’heure pour avoir une personne inexpérimentée et exploitée tout cela pour masquer le fait qu’on ne lui donnera pas de travail ensuite ! C’est un système monstrueux qu’un pays comme la France ne devrait pas encourager : il faut laisser aux étudiants le temps de travailler leurs cours afin de s’assurer un avenir plutôt que de les maintenir dans la précarité !

 

Chaque année l’entreprise dans laquelle je travaille doit licencier une personne à temps plein faute de revenus suffisants pour payer les salaires. Je suis au SMIG alors que je travaille plus de 35 h par semaine. J’essaie de trouver un autre poste, même ingrat, mais il n’y a que de l’emploi précaire. J’ai même pris contact avec les mairies pour les aider dans leurs actions de soutien scolaire mais on nous refuse car nous ne sommes pas professeurs de l’Education Nationale. C’est quoi cette discrimination ? Parce qu’on n’a pas le CAPES, on ne vaut rien et on ne mérite pas de travailler ? Mais nous avons fait des études longues qui valent largement le CAPES et ce serait pour nous un affront que de devoir passer un concours ! Nous n’en avons même pas le temps : qui va rapporter suffisamment d’argent pour vivre pendant qu’on prépare le concours ? Car on ne peut pas faire les deux en même temps !

Je constate aussi que l’Education Nationale et donc l’Etat, soit-disant opposé au soutien scolaire, soutien de grosses entreprises de soutien scolaire (certaines fondées par d’ancien ministres) : c’est purement scandaleux, et j’ai écris un article à ce sujet qui a été censuré au bout de deux jours ! Vive la liberté d’expression ! En outre, est-il normal que le personnel de l’Education Nationale, déjà très bien payé, gagne encore plus d’argent en travaillant en dehors de son ministère pendant qu’on refuse aux autres de le faire ? Vous comprendrez que cela ne peut que nous énerver ! Surtout que le CAPS n’est pas obligatoire pour enseigner dans un établissement agricole, qui dépend d’un autre ministère que l’Education Nationale !

Je suis issu de l’immigration (une grand-mère naturalisée française) et je suis encore considéré comme un étranger car j’ai dû prouver que j’étais français pour pouvoir enterré mon grand-père, pourtant français "pure souche". Trouvez-vous cela normal ? Je ne suis pas né en métropole mais en Guadeloupe, et ça aussi on me le fait payer par des réflexions du style "retourne dans ton île de sauvage", purement gratuitement, juste par jalousie. On me fait ainsi comprendre que je n’ai pas à travailler en métropole car je ne suis pas « comme les autres ». J’aimerais bien travailler en Guadeloupe mais on préfère donner les postes à des gens qui ne sont pas nés là-bas et qui ne savent et ne comprennent rien aux problèmes des DOM TOM.

Ca aussi c’est de la discrimination, d’ailleurs le peuple créole en souffre bien plus que les autres, contrairement à ce qu’on essaie de nous faire croire !

Comment voulez-vous vivre avec seulement 1000 € par mois ? Je n’ai même pas les moyens d’aller chez le médecin alors que j’ai des problèmes de thyroïde qui me fatiguent énormément ! Pourtant, pour survivre (je n’exagère rien on ne peut pas vivre avec 1000 €) je me lève tous les jours à 6 h du matin (parfois 5) et je me couche vers minuit, ce qui n’est pas bon pour ma santé. Toute cette fatigue finira par me tuer, sans exagérer. Il est inadmissible de laisser vivre vos concitoyens de la sorte, j’aimerais simplement que vous en soyez conscient.

 

Je ne demande rien d’autre que l’Etat arrête de nous maintenir dans la misère, surtout quand on l’a servi loyalement. Qu’on arrête de nous faire de la concurrence déloyale: nous avons aussi le droit de travailler et d’enseigner, d’ailleurs nous le faisons très bien. Si cela ne vous plaît pas, embauchez-nous dans un collège ou un lycée, on ne demande que ça ! Mais cessez de nous traiter avec mépris et de nous empêcher de vivre ! J’en ai assez de me fatiguer toute l’année pour rien : je n’ai aucune vie, même pas les moyens de fonder une famille, et je ne pars pas en vacances. Avoir une voiture est déjà un luxe pour moi ! Je tente une reconversion dans le journalisme, d’ailleurs j’écris régulièrement des articles (non rémunérés) mais là encore il n’y a aucun débouché et encore moins d’espoir.

Alors comprenez bien que vos interventions passent très mal ! Je ne sais pas qui vous conseille, mais je veux bien remplacer tous vos conseiller tellement leur travail est critiquable : il faut repenser votre look, travailler votre diction, votre ton, revoir vos discours et votre gestuelle. Je ne suis pas le seul à très mal prendre le fait que vous vous considériez comme une personne simple alors que vous possédez au moins trois logements ! Rien qu’en impôts locaux vous devez payer plus que ce que notre travail nous rapporte en une année ! Pour nous, c’est purement et simplement une profonde insulte et je trouve encore plus choquant que personne dans votre entourage ne vous en fasse la remarque. On préfère vous laisser vous ridiculiser auprès de l’opinion publique.

 

Tout ce qu’on souhaite, c’est que vous agissiez rapidement pour réparer toutes les injustices. Là je n’ai pas le temps de vous expliquer plus en détail la situation, mais sachez que si rien n’est fait dans un an il y aura de nombreux chômeurs de plus simplement parce que l’état refuse de laisser les gens travailler ! C’est inadmissible car nous n’avons jamais rien fait de mal, alors pourquoi cherche-t-on absolument à nous supprimer notre travail ? Je demande régulièrement si des postes de professeurs vont se libérer et on ne me répond jamais ou on me propose au mieux un remplacement d’un mois, puis j’apprends ensuite qu’une personne sans expérience a été prise! Et sans le CAPES ! Moi j’ai sept ans d’expérience et fait des formations spécifiques au métiers de l’enseignement… Vous comprenez bien qu’après, il est difficile de ne pas avoir la rage quand on se tue pour gagner une misère alors que d’autres ne se fatiguent pas pour gagner des fortunes !

Mesurez donc un peu le fossé qui nous sépare : pendant que votre famille et vos amis ont la belle vie, vos concitoyens se tuent à la tâche pour vous permettre de continuer à bien vivre. Respectez au moins cela, si vous ne voulez rien faire pour que les choses changent !

 

Dans l’attente de votre réponse et surtout des actes concrets pour nous permettre de respirer un peu, veuillez accepter, Monsieur le Président, mes sincères salutations."

 

La lettre partira demain matin !