C’est un film mené à un train d’enfer que nous a concocté André Téchiné avec des personnages enfiévrés plus occupés à vivre qu’à penser mourir. Et même quand la mort emporte l’un des leurs, c’est la vie qui gagne malgré tout.

 

De ces années sida, l’auteur n’a voulu retenir que des fragments de vies échevelées au sein d’un groupe d’amis réunis dans un même appétit d’aimer. Dans un vibrant plaidoyer pour la tolérance et l’absence de jugement, il nous montre l’intensité des étreintes amoureuses, la passion du métier (qu’ils soient écrivain, médecin, policier, apprenti cuisinier, chanteuse), comme la furieuse envie de vivre chaque seconde.

 

Eté 1984. Plein soleil sur les principaux personnages : Manu, un jeune homosexuel qui loge avec sa sœur Julie, chanteuse lyrique, dans un hôtel de passe se lie d’amitié avec Adrien, un médecin solitaire dans la cinquantaine qui tombe amoureux de lui sans retour. Adrien (interprété par Michel Blanc) lui fait rencontrer Sarah, écrivain en panne d’inspiration et maman débutante mariée à Mehdi, un flic heureux  et éclatant de vitalité (la présence à l’écran de Sami Bouajila est remarquable).

 

Lors d’une baignade, Mehdi sauve de la noyade Manu (Johan Libéreau) et c’est le début d’une liaison secrète entre eux et la fin de la période bénie. L’hiver arrive et c’est « la guerre ». Manu, en bon petit soldat a beau lutter, quand l’ennemi avance masqué et impromptu, c’en est fini de l’insouciance des beaux jours. Car très vite, les stigmates de la maladie font leur apparition sur le visage de Manu, qui se terre par réflexe dans son mobile home. Il refuse que Mehdi le voit affaibli et enlaidi. Adrien lui fera quitter sa tanière pour tenter de le soigner  mais comment ? On commence juste à identifier le virus. Il s’engagera alors dans la longue bataille des traitements à trouver, des patients toujours plus nombreux à soigner.

La mort de Manu est inéluctable. Sa sœur puis Mehdi est mis au courant. On partage le soulagement de Mehdi, qui à l’issue des tests effectués, apprend qu’il échappe au virus tueur. Le sida vécu à l’époque comme une sordide loterie, un malheureux coup du sort.

 

Pour laisser une trace de sa courte vie, Manu remet à Sarah un cahier de ses notes. A charge pour elle d’écrire son histoire, et de témoigner. Grâce soit rendue à Manu, l’innocent sacrifié, d’avoir redonné un sens à l’existence d’Adrien, de Julie, de Sarah et Mehdi, plus unis que jamais. Pas de pathos ici. L’enterrement de Manu dans sa région natale en pleine montagne est d’une rare sobriété. Il n’y a que le froid pour exprimer son chagrin. Téchiné fait la part belle aux actrices. Julie Depardieu incarne à merveille la sœur artiste tandis qu’

Emmanuelle Béart endosse avec justesse le rôle de Sarah l’écrivain, en mère indigne que son bébé embarrasse ou en amoureuse tolérante.

Le générique écrit en grosses lettres rouges signe le danger toujours d’actualité, un avertissement à se protéger et à ne pas baisser la garde.