Les PPP… irrespecteux

(à la manière de JM…)

Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde.

Il n’est pas dans mon propos de parodier les deux tableaux conçus par Jean-Paul Sartre voici soixante-sept ans, déjà ! Même si le silence des uns continue, de plus belle, de condamner des innocents. Homo hominilupus est. Le sujet n’est pas non plus la défense des Porteuses de Prothèses P.I.P., encore que là, on s’en rapprocherait : les opérations visées à l’hôpital Henri Mondor de Créteil auraient fort bien pu se dérouler à celui d’Evry. Et d’autant que c’est bien, d’une certaine manière, de reconstructions que traite ce billet…

 

Quel beau jouet que celui que la loi offrit en 2004 aux Directeurs de cabinets de nos ministres. En effet, les Partenariats Public-Privé (PPP ; nous y voilà) leur servaient sur un plateau le moyen de résoudre cette quadrature du cercle qui consiste à construire (ou reconstruire…) des équipements publics, lorsque l’on n’a en caisse, plus un sou vaillant. Et de s’inspirer alors, à qui mieux mieux, de la formule qui fit en secret la fortune des Conseils en tous genres, chez Ernst & Young comme ailleurs : « Prête moi ta montre ; je te vendrai l’heure ».

Le principe de cette potion est des plus simples : plutôt que de lancer un appel d’offres, puis ayant sélectionné la réponse la plus avantageuse, de construire le financement du marché (dans le pire des cas par des banques d’affaires, privées, au taux du marché), vous demandez à un « partenaire » privé (privé de quoi ? de scrupules ?) d’assurer la construction « gratis ».

Enfin, gratis… Entendez par là que vous ne le rémunérerez qu’à tempérament, sous formes de substantiels loyers, garantis pour des périodes de plusieurs décennies et abondés par l’intégration des coûts d’entretien.

C’est que cette pierre philosophale (PP…) a pour « vertu » de transformer en crédits de fonctionnement les budgets d’investissement qu’elle touche. Voilà belle lurette que les évêques médiévaux en avaient inventé le principe pour la plus grande quiétude de leurs vendredis maigres, avec leur désormais fameux : « Lapin, je te baptise Carpe ».

La formule épiscopale a fait des émules. Ainsi, à la fac Paris-Diderot qu’un Vinci, plus léonin que Léonard, édifia à l’économie à l’aplomb des voies ferrées du TGV ulmien (cette ville fut le siège d’une diversion napoléonienne, juste avant Austerlitz). Elle fait aujourd’hui débat (pourvu qu’à l’instar de Dacca on n’y déplore jamais des bas !), après que l’on eut découvert que ses planchers ont été dimensionnés pour supporter une charge de 250 kg/m² (voire 150), là où les normes en vigueur pour les établissements recevant du public en auraient exigé 400 (près du triple,excusez du peu) !

Mais comment les bureaux d’études du bétonneur, comment la ministre Pécresse, lorsqu’elle signa le contrat en 2009, auraient-ils pu anticiper qu’une fac soit susceptible un jour de recevoir du public ?… Plutôt que de les accabler, soyons leur reconnaissants, au contraire, d’avoir eu in extremis la présence d’esprit d’ajouter un avenant (fort avenant) stipulant que les coûts découlant d’une éventuelle annulation du permis de construire seraient à la charge … du client.

Et puis, gardons-nous de faire injure à nos énarques, dignes descendants des précurseurs susnommés : eux non plus ne manquent pas d’imagination. Ne vient-on pas de suggérer que les systèmes de contrôle des accès soient pourvus de dispositifs de comptage aptes à refuser tout visiteur supplémentaire dès lors que le nombre de ceux déjà admis aurait saturé la capacité de résistance des planchers ! Et voilà, le tour est joué ! ! !

A Marseille, c’est encore plus fort ; ce n’est pas de fac qu’il est question, mais de rocade d’autoroute, ce qui démontre s’il en était besoin l’inépuisable éclectisme de la formule. Le maître d’œuvre (l’Etat, c’est-à-dire vous, moi…) s’apprête à verser au maître d’ouvrage, Bouyghes, un total de 260 millions d’euros d’intérêts pour régler, en vingt-six ans, une facture de 140 millions.

Soit un modeste taux de 8 % l’an ; au bas mot, le double des revenus financiers auxquels l’entreprise aurait pu prétendre en plaçant d’éventuelles liquidités ; et le double, aussi, du taux qu’aurait retenu la première banque venue pour consentir un prêt. S’il faut user d’aphorismes, encore : « Face tu perds ; pile, je gagne » ; ou encore « Quand il y en a pour deux, il y en a pour moi ».

Fac de Paris (Vinci), hôpital d’Evry (Eiffage), prisons de Riom, Valence ou Beauvais (Spie Batignoles), rocade de Marseille (Bouyghes), stade de Lille (Eiffage, encore), etc…, etc… ,etc… ; ils n’en mourraient pas tous, mais tous étaient frappés !

Sans même évoquer le Balardgone (Bouyghes, itou), objet de l’image d’illustration et prometteur gisement d’un gaz de schisme d’où semblent s’échapper de plus en plus d’effluves de plus en plus nauséabonds. Tous ceux-là ne constituent qu’un modeste échantillon de cette légion dont les troupes enflent à perte de vue…

PS : j’ai le sentiment très net que nous avons enclenché, en 2004, puis très régulièrement alimenté depuis, la machine infernale qui finira par nous péter à la g… à plus ou moins brève échéance.

Je ne crains pas de réveiller le spectre de Geneviève Tabouis (cf. Rebondissement DSK : attendez-vous à savoir…) : attendez-vous à en apprendre de plus en plus vertes et de moins en moins mûres dans les mois et les années à venir, qui nous laisseront dans un douloureux dette à dette avec les générations futures.

PPP… Plus de Pèze et de Pognon ? ? ?

 

Une réflexion sur « Les PPP… irrespecteux »

  1. [b]Ce ne sont pas des partenariats public-privé mais plutôt des associations de malfaiteurs dont nos politiques profitent outrageusement sous forme de petits cadeaux parfois très discrets afin que leur générosité à l’égard d’une cause caritative hors hexagone puisse rester anonyme pour sauvegarder leur modestie, si, si uniquement leur modestie et rien d’autre, qu’allez vous soupçonner là ? Vous êtes d’une suspicion …[/b]

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