Ce matin là, c’est l’alarme de la yaourtière qui m’a réveillé à trois heures. J’étais furieux ! C’était ma troisième nuit sans mon psychotrope hypnotique préféré ! Après quinze ans de consommation aveugle, j’avais pris de bonnes résolutions dont le compteur affichait à ce moment précis : 36 heures de travail effectif pour 10 heures de sommeil. 

Sur le coup, j’ai cru que c’était le détecteur de fumée récemment installé (Loi du 9 mars 2010 pour les retardataires) qui s’était déclenché, mais le couinement strident, continu et plaintif de la yaourtière a dissipé mes doutes en même temps que les dernières brumes ouateuses de mon troisième stade de sommeil. 

Evidemment, ma femme s’est tournée de l’autre côté du lit en m’assurant qu’elle n’entendait rien et c’est Bibi qui est allé clore le bec de l’insolente machine.

e me suis toujours interrogé sur le bilan « Développement durable-consommation responsable-aliments sains-cuisine maison » de ces gadgets auxquels il faut neuf heures d’électricité pour produire 6 yaourts à partir de ferments industriels (de marque ceux-là).

C’est bien le truc de ma femme ça ; Yaourts maison, vinaigre maison – avec la mère peu ragoûtante qui repose dans le placard, fromages blancs fermiers maison avec le lait cru qu’il faut réserver à la ferme et aller chercher à 20 kms, liqueur de verveine maison, pastis maison – avec les fioles d’anéthol achetées en Italie.

 

Sur ces considérations, je me suis recouché, avec des yeux ouverts comme des soucoupes. la suite est facile à deviner puisque j’ai écrit ce billet…

 

Le côté positif de ce réveil intempestif est qu’il m’a permis de me remémorer une présentation qui nous a été faite récemment, dans un cénacle qui me concerne, et dont le sujet portait sur la dépendance des personnes âgées – le 4° risque dans l’ordre de la Sécurité sociale, absent des politiques publiques et totalement dépourvu de budget – mais c’est un autre sujet.

 

A cette occasion j’ai fait la connaissance de Nao, robot de compagnie de son état (photo perso M. le modérateur, prise avec autorisation du conférencier ; la yaourtière aussi…c’est la mienne) et j’ai vu le monde merveilleux de la robotique s’offrir devant mes yeux : Nao danse, chante, parle avec mamy-papy, connait l’heure et le nom des médicaments, les rendez-vous chez le médecin, les anniversaires des petits enfants ainsi que leur cursus d’études. Nao lit les livres, raconte des histoires, motive, fait parler et peut faire bien d’autres choses encore.

 

Les applications programmables sur cette petite merveille (très chère pour l’instant) sont quasiment illimitées et les personnes qui ont participé à des tests de cohabitation avec Nao ne jurent plus que par ce petit robot, à tel point que l’on peut prévoir de contentieux futurs dans les couples pour savoir qui aura la garde… (plaisanterie).

 

Waouh ! On se prend à rêver de tous les déploiements imaginables de ces hautes technologies, à tous les possibles qu’elles ouvrent, à un monde merveilleux accessible à tous.

 

Bien sûr, l’humaniste-ronchon qui sommeille en moi (ça en fait au moins un qui dort) s’inquiète un peu de cette société devenue si individualiste, hédoniste, hygiéniste même, qui délèguerait son humanité à des objets, géniaux certes, chargés de prévenir tout risque, tout écart, et petit à petit de veiller sur nous tous comme le boa veille sur le lapin.

Je me suis remémoré Soleil vert (de Richard Fleischer avec Charlton Heston, 1973) qui m’avait tant bouleversé étant ado, J’ai frissonné, j’ai programmé ma cafetière robot… et je suis allé me raser pour ne pas pédaler plus longtemps dans le yaourt.