Le Mouvement Continental Bolivarien (MCB), qui regroupe les représentants communistes, socialistes, altermondialistes et "révolutionnaires" de 24 pays, a tenu sa toute première réunion le 7 décembre 2009 à Caracas. Ce Mouvement continental qui est la prolongation internationale du mouvement bolivarien instauré par le président Hugo Chavez au Venezuela se veut la plate-forme sur laquelle se construira le socialisme du XXIe siècle.
Le Mouvement Continental Bolivarien prétend également réaliser le rêve de Simon Bolivar en réunissant sous une seule bannière, celle du socialisme, tous les États sud-américains.
Le problème c’est qu’en montrant son allégeance à des groupes terroristes ce mouvement renforce l’idée que communisme et terrorisme sont synonymes en Amérique latine.
En effet, le congrès constitutif de ce Mouvement continental bolivarien serait probablement passé inaperçu si lors de leur réunion à Caracas les membres n’avaient fait l’apologie d’Alfonso Cano, actuel dirigeant des forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), et que de nombreuses affiches soulignaient la grandeur du combat de ce groupe terroriste.
Durant cette réunion, les dirigeants du Mouvement ont également justifié la lutte armée des FARC, réclamant ouvertement que leur soit attribué le vocable de belligérants et non plus celui de terroristes.
Selon les autorités espagnoles qui ont étudié les documents et vidéos diffusés par le Mouvement Continental Bolivarien, des représentants de l’ETA y ont également été présentés comme des révolutionnaires !
Pour mémoire, l’ONU désigne les actions terroristes par cette définition proposée par le Secrétaire général et un groupe de personnalités de haut niveau en novembre 2004 :
« Toute action […] qui a pour intention de causer la mort ou de graves blessures corporelles à des civils ou à des non-combattants, lorsque le but d’un tel acte est, de par sa nature ou son contexte, d’intimider une population, ou de forcer un gouvernement ou une organisation internationale à prendre une quelconque mesure ou à s’en abstenir ».
Tandis que l’Union européenne définit le terrorisme en se référant à la Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 :
« Les "personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme" désignent ceux dont il est prouvé, sur la base d’informations précises, qu’ils ont déjà commis, tentent de commettre ou facilitent la préparation d’actes terroristes.
Les "actes terroristes" sont définis comme des actes intentionnels qui peuvent nuire gravement à un pays ou à une organisation internationale en intimidant sa population, en imposant toutes sortes de contraintes, en déstabilisant ou en détruisant ses structures fondamentales, constitutionnelles, sociales et économiques. Dans cette liste sont compris les actes suivants :
a) atteinte à la vie d’une personne ou à son intégrité physique ;
b) enlèvement ou prise d’otage ;
c) destruction massive d’une installation publique ou privée, y compris le système informatique ;
d) capture des moyens de transport collectif (aéronefs ou navires) ;
e) fabrication, possession, acquisition, transport et utilisation d’armes à feu, d’explosifs, d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques ;
f) libération dans l’air de substances dangereuses, provocation d’inondations, d’explosions ou d’incendies ;
g) perturbation ou interruption de l’approvisionnement en eau, électricité ou autre ressource naturelle fondamentale ;
h) direction d’un groupe terroriste ou participation à ses activités, y compris sous la forme de financement ou de fourniture de moyens logistiques.
La simple menace de commettre l’un de ces crimes doit être jugée comme une infraction terroriste.
La position commune définit également le groupe terroriste comme une association structurée de personnes agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes, indépendamment de sa composition et du niveau d’élaboration dans sa structure. »
Cette définition proposée par l’Union européenne me semble la plus complète, je m’y tiendrai donc, d’autant qu’elle empêche de faire un parallèle entre les groupes terroristes actuels et les résistants français que les nazis désignaient par ce même terme il y a plus d’un demi-siècle… comparaison inappropriée que les partisans des terroristes d’aujourd’hui utilisent cependant à outrance pour justifier les exactions commises par ces groupes qu’ils continuent d’appeler guérilla !
Il est donc évident que les FARC font partie des groupes terroristes puisqu’elles répondent point par point à la définition proposée par l’Union européenne ! On pourrait même y ajouter l’enrôlement forcé d’enfants, acte considéré avec raison par l’ONU comme un crime contre l’humanité.
Pourtant, le Mouvement Continental Bolivarien fait l’apologie des FARC et les considère comme des belligérants et non point des terroristes… s’il n’était question que de vocable, on pourrait à la limite faire la sourde oreille, même s’il est honteux de faire l’apologie d’un groupe terroriste ayant fait tant de victimes et détenant toujours autant d’otages. Mais voilà, des recherches plus approfondies révèlent que non seulement le Mouvement Continental Bolivarien soutient les actions des FARC, mais de plus, les dirigeants de ce groupe terroriste font partie de la présidence collégiale du Mouvement !
En effet, lorsqu’on regarde la liste des onze présidents de la direction collégiale, on découvre deux dirigeants des FARC; Manuel Marulanda Velez surnommé Tirofijo (« Tir précis » en espagnol), membre fondateur et dirigeant incontesté du groupe terroriste mort d’une crise cardiaque en mars 2008, et Alfonso Cano, actuel dirigeant des FARC.
Que font ces terroristes dans l’organe de direction du Mouvement Continental Bolivarien, et quelle est la relation entre ce Mouvement et le président vénézuélien Hugo Chavez ? C’est ce que se demande le gouvernement colombien, et c’est pour cela qu’il a prié Caracas de s’expliquer sur la tenue du congrès d’un parti présidé par un groupe terroriste sur son territoire, et quelle était l’attitude du Venezuela à propos de ce Mouvement faisant l’apologie du terrorisme ?
Le président colombien Alvaro Uribe a également demandé à ce que soient extradés vers la Colombie afin d’y être jugés les dirigeants de ce Mouvement qui, en assumant la direction d’un groupe terroriste ou en participant à ses activités, se sont également rendus coupables d’actions terroristes.
Il est certain que le Venezuela répondra par une fin de non-recevoir aux exigences colombiennes, mais ce genre d’attitude ne facilitera pas un rapprochement entre les deux pays d’autant qu’il ne faut pas oublier qu’en Colombie les FARC ne jouissent pas du soutien populaire (selon un sondage réalisé par l’Institut Gallup, en 2008 les FARC totalisaient moins de 1 % d’opinions favorables et que, toujours en 2008, des millions de Colombiens sont descendus dans les rues pour protester contre les actions du groupe terroriste au cri de « plus d’enlèvement, plus de torture, plus de mensonge, plus de mort, plus de FARC ».
Selon les sondages effectués au Venezuela, il semblerait que là-bas non plus les FARC ne soient pas populaires, surtout depuis l’augmentation du nombre d’enlèvements qui leur est attribué dans ce pays.
Alors, pourquoi une telle attitude des dirigeants de Caracas ? Applaudiraient-ils les FARC seulement en guise de représailles contre Washington et Bogota ? Si tel était le cas, cette attitude serait vraiment puérile, et bien éloignée de l’idée de défense des peuples prônée par le socialisme.
Quant à ceux qui prétendent que la lutte armée est l’unique moyen pour un parti de gauche d’accéder au pouvoir en Colombie, il suffit de consulter le résultat des dernières élections présidentielles dans ce pays pour réfuter cet argument.
En effet, derrière le parti majoritaire, le Polo Democrático Alternativo (parti indépendant représentant la gauche modérée) a totalisé 22 % des votes, suivit par le Partido Liberal Colombiano (les socialistes colombiens) avec près de 12 % des voix, et enfin avec seulement 1,24 % des voix, l’Alianza Social Indígena.
Évidemment, si l’on compare aux 62 % obtenus par l’actuel président colombien Álvaro Uribe Vélez, cela peut faire sourire, mais si l’on y regarde de plus près, et si l’on imagine un instant la disparition des FARC et autres groupes terroristes, qui aurait encore voté pour Uribe dont le slogan de campagne était la lutte contre les groupes armés et la violence ?
N’est-il pas étonnant de trouver dans un pays présenté comme étant de droite, parmi les quatre premiers partis aux élections présidentielles, trois partis clairement situés à gauche ? De plus, il ne faut pas oublier que le président a quitté le parti libéral colombien (les socialistes) parce qu’il n’avait pas été désigné par ces derniers comme candidat présidentiel. C’est pour cette raison qu’il s’est présenté en 2002 comme candidat indépendant. Évidemment, depuis son accession au pouvoir, sa politique est plutôt située au centre que véritablement à gauche, mais dans l’absolu, on peut dire qu’aucun parti de droite ne s’est classé aux dernières élections présidentielles colombiennes ! Quelle nécessité alors de devoir prendre les armes pour faire progresser la gauche en Colombie ?
Il est clair que la cause des FARC n’est pas défendable, ce sont uniquement des narcos terroristes qui justifient leurs actions barbares derrière une rhétorique qui n’est plus d’actualité. Si la Colombie a besoin de quelque chose, c’est de ne plus acheter d’arme et d’investir massivement dans les programmes sociaux. Cette constatation est hélas valable pour tous les pays sud-américains !
En guise de conclusion, et je m’adresse ici aux thuriféraires des partis d’extrême gauche, cet article n’a aucune visée idéologique, je m’élève simplement contre la glorification, la récupération et les usages abusifs de l’histoire récente visant à transformer des terroristes sanguinaires en « héros du peuple ». Et si dans cet article je traite du Mouvement Continental Bolivarien qui est un mouvement de gauche, il est certain que je dénoncerais avec autant d’énergie un mouvement de droite faisant l’apologie de terroristes d’extrême droite.
De plus, quel besoin ces mouvements ont-ils de toujours devoir faire référence à des personnages historiques, en décontextualisant leurs actions et leurs paroles, ce qui leur permet d’instrumentaliser l’histoire. Cette réécriture de l’histoire pour les besoins de la cause, que certains historiens comparent au « réalisme magique » de la littérature, permet aux mouvements populistes de créer une mémoire distincte affranchie des « erreurs du passé » créant ainsi des personnages « sanctifiés » ou les faits d’armes prévalents sur le civisme. Semblable réalisme magique fortement visible à Cuba ou au Venezuela est déjà apparu en nos contrées où certains partis politiques d’extrême gauche ou d’extrême droite s’approprient d’illustres personnages historiques, qui citant hors de propos Jeanne d’Arc, qui ressortant les effigies d’Ernesto Che Guevara, invoquant en ce début de XXIe siècle des idées obsolètes et complètement sorties de leur contexte.
Laissons l’histoire là où elle se trouve, les défis d’aujourd’hui nécessitent de nouveaux révolutionnaires porteurs de solutions innovantes appropriées aux problèmes actuels.
Sources :
Movimiento Continental Bolivariano: una necesidad política de alcances estratégicos, Alfonso Cano Jefe del EMC de las FARC – EP, Montañas de Colombia, diciembre del 2009
Movimiento Continental Bolivariano (MCB) , diciembre del 2009
Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relatif à la lutte contre le terrorisme, Journal officiel nº L 164 du 22 juin 2002, p. 3.
Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, ONU, A/59/565
Congrès constitutif du Mouvement continental bolivarien, Caracas (7-9 décembre 2009)