Les élections en Egypte enterrent-elles les espoirs de changement des sociétés arabes ?

 

Pionnière du monde arabe depuis toujours, l’Egypte le fut également dans les révoltes démocratiques qui secouent la région depuis près d’un an. Les élections législatives commencées le 28 novembre auraient pu être la confirmation d’un changement en cours de d’accomplissement. Et pourtant la probable victoire des islamistes montre que les choses seront plus complexes. L’exemple égyptien montrant en quoi le fonctionnement des anciennes dictatures est au plein bénéfice des islamistes, afin, pour eux, de devenir les nouveaux hommes forts de la région.


 Victoire des islamistes au Maroc, en Tunisie et en un sens en Lybie (avec la reconnaissance de la charia comme base juridique à la prochaine constitution). Plus les victoires enregistrées par le printemps arabe s’accumulent, plus les islamistes emmagasinent les bonnes nouvelles.

 

Les élections égyptiennes commencées le 28 novembre devant, selon toute logique, ajouter un quatrième triomphe au bénéfice de l’islamisme politique.

 

A chaque fois les mêmes causes produisent les mêmes effets. Dans des pays caractérisés par plusieurs décennies de verrouillage politique les islamistes apparaissent, souvent, comme faisant partie des principales forces d’opposition au régime qui vient soit de tomber (tunisie, lybie, égypte), soit de s’ouvrir (Maroc).

 

De même la défiance vis-à-vis du politique émanant de la puissance étatique, tenue d’une main de fer des décennies durant, tend à favoriser les forces politiques très en prise sur la société civile. Or dans chacun des pays cités la popularité des islamistes procède d’abord de l’emprise qu’ils ont sur le tissu sociétal, grâce à l’aide sociale qu’ils organisent.

 

Une autre force est saillante dans le fonctionnement de ces partis, c’est l’antériorité de leur participation aux élections, même biaisées, des régimes qui viennent de s’effondrer. Ainsi si les islamistes sont durs à battre c’est qu’en période de transition démocratique ils sont, souvent, les mieux organisés et les plus aguerris en termes d’efficacité partisane.

 

Le cas égyptien et ses enseignements


Pourtant le cas égyptien montre à la perfection jusqu’où les données politiques des sociétés arabes sont archi favorables aux islamistes. Car ces trois caractéristiques propres aux islamistes que nous venons de décrire n’existant qu’en réponse au rôle que les anciens régimes leur avaient donnés.

 

Et de fait le cas égyptien l’illustre. Il n’est pas si pertinent que cela de dire que les frères musulmans étaient les grands adversaires du précédent régime. Tout le monde savait depuis Sadate quel était le rôle de chacun des acteurs. Les militaires tenaient le pouvoir et l’économie tout en laissant les islamistes s’imposer comme des acteurs incontournables de la société civile. Nombre des conflits entre islamistes et militaires égyptiens venant en réponse à des tentatives, de la part des islamistes, de rompre cette entente tacite en cherchant à se faire élire. C’est cette confusion qui a pu les faire passer pour les principaux adversaires du régime alors, qu’en un sens, ils participaient à sa perpétuation. C’est aussi ce fait qui fait des islamistes des acteurs incontournables de la société civile.

 

Enfin notons les formes extrêmes du cynisme de l’ancien régime égyptien. Pour faire croire à l’illusion de son ouverture politique il lui fallait des candidats appartenant à d’autres « partis » que le siens pour que se fassent les élections. Là encore ce seront les islamistes, bénéficiaires de ce fait, d’une plus grande expérience politique que les autres partis égyptiens.

 

D’où cette drôle de conclusion servant à expliquer la probable victoire des islamistes de « liberté et justice » en Egypte : c’est parce qu’ils furent parmi les forces les plus implicitement au service de l’ancien régime, tout en étant, « officiellement », parmi ses plus farouches adversaires, que les islamistes sont, aujourd’hui les plus forts, politiquement parlant.

 

Conclusion pessimiste donc pour l’avenir des sociétés arabes dans lesquelles le précédent égyptien devrait se reproduire.

 

De ce fait l’islamisme triomphera à peu près partout, non pas inadéquation entre civilisation musulmane et démocratie, mais en réponse au fonctionnement même des anciennes dictatures qui tenaient, il y a peu encore, les pays arabes.

 

http://www.lexpressiondz.com/internationale/143613-les-freres-musulmans-ont-le-vent-en-poupe.html

http://www.lefigaro.fr/international/2011/11/28/01003-20111128ARTFIG00596-elections-en-egypte-les-islamistes-en-position-de-force.php

http://videos.tf1.fr/jt-20h/elections-en-egypte-un-vote-sous-tension-6847818.html

http://www.rfi.fr/moyen-orient/20111128-ouverture-bureaux-vote-egypte-premieres-elections-legislatives-post-moubarak

http://www.lemonde.fr/international/article/2011/11/28/en-egypte-ouverture-d-elections-legislatives-tres-encadrees-par-l-armee_1610037_3210.html

 

Anthony Rigot le 29-11-11 

Une réflexion sur « Les élections en Egypte enterrent-elles les espoirs de changement des sociétés arabes ? »

  1. En effet, l’islamisme est une réponse à l’ancienne dictature ! Les islamistes sont organisés depuis belle lurette grâce en parti à l’argent des Saoudiens et autres princes du pétrole. Mais pourquoi écrire « pessimiste » ? Si une vraie démocratie s’installe, selon la constitution, ils devront faire leurs preuves eux aussi ! Et si le peuple n’est pas d’accord, d’autres prendront leurs places lors des votes. De toute façon, pour le peuple, ce n’est pas l’aspect religieux qui les interpelle, mais la bien démocratie. L’Égypte est très peuplée et les manifestations peuvent rapidement dégénérer, donc les islamistes n’auront pas un boulevard pour gouverner, ils ont eux aussi un apprentissage à faire. Et puis, quelle dictature a tenu dans le temps ?

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