Les banques britanniques en mal de fonds

Alors que la cote des banksters britanniques est au plus bas, à la suite du scandale des tripatouillages du Libor et de l’Euribor, le Financial Policy Committe (FPC) vient d’avertir que les banques du Royaume-Uni manquent de fonds propres. Les sales ne manquaient pas pourtant pour verser des bonus.

Même la presse conservatrice britannique s’émeut des scandales ayant trait aux manipulations du Libor et de l’Euribor qui sont le fait de Barclay’s, de la Royal Bank of Scotland, et sans doute de plus d’une douzaine d’autres établissements financiers britanniques et autres, la plupart de premier plan. On compare les banksters à des joueurs de casino ou trichant au Monopoly…

En Pologne, une parodie du Monopoly, le Kolejka (file d’attente) comprend une carte « collègue de l’administration », équivalente à la fameuse « Sortez de prison, sans frais ». Pour Dominic Sandbrook, du Daily Mail, les banquiers disposent d’une telle carte.
Ils la brandissent au motif que, si leurs activités étaient plus régulées et leurs écarts sanctionnés, ils fuiraient la City pour des places financières asiatiques ou celles de New-York, Francfort, ou d’autres encore. Ce qui les place au-dessus des lois.

Sandbrook relève qu’un récent sondage ITN a rélévé que seuls 10 % des interrogés britanniques font encore confiance aux banquiers et que 78 % les considèrent malhonnêtes. « Même les députés n’ont pas une si mauvaise réputation, » commente-t-il. Considérant qu’après les scandales des notes de frais et dépenses personnelles de très nombreux députés britanniques, ces derniers ne jouissent pas globalement d’une bonne réputation, et c’est un euphémisme, cela donne le ton.

La presse conservatrice s’en inquiète et réclame du sang, soit des enquêtes judiciaires. Car c’est en fait, pour elle, la confiance dans le capitalisme qui est gravement minée. Les mouvements Occupy pourraient devenir violents si la crise s’aggravait. « Quelqu’un doit sauver le capitalisme – et la City –  en le préservant de lui-même, » estime Sandbrook et d’autres éditorialistes.

Ce nouveau scandale tombe mal alors que d’une part, les bonus distribués en 2012 devraient ne chuter qu’à deux milliards de livres, et que la Banque d’Angleterre et d’autres organisme considèrent par ailleurs que les liquidités et fonds propres des banques britanniques seront insuffisants pour faire face à la crise « et assurer la stabilité » du système bancaire.

Barclays’ Bank est la plus exposée aux risques extérieurs avec 170 % de son capital constitué de prêts à des entreprises étrangères ou de dettes souveraines.

À présent, l’assouplissement quantitatif mis en œuvre par la Banque d’Angleterre représente près de 40 % de la dette nationale britannique. Mais les banques, qui bénéficient de prêts à des taux presque nuls (compte tenu de l’inflation) ne font pas pour autant baisser le coût des crédits accordés aux entreprises ou aux particuliers. Le QE (quantitative easing) représente déjà une injection de 375 milliards de livres. Les épargnants et les retraités dépendant de fonds de pension en sont les premières victimes, car la rémunération de l’épargne est bien en-dessous de l’inflation (pour certains produits alimentaires, elle a progressé d’un tiers depuis 2010, se situant aux alentours de 6 %).

Le tripatouillage du Libor au profit des traders et de leurs supérieurs toucherait à présent les américaines Citigroup et JPMorgan Chase ainsi que Bank of America… Barclays a déjà subi une amende de 360 millions d’euros. Le Libor est établi par 16 banques internationales, et le système est le même pour le Tibor (Euroyen Tokyo interbank rate) ou l’Euribor.

Pour l’Américain Robert Scheer, c’est « le crime du siècle » et les scandales d’Enron ou de Bernie Madoff passent pour des faits d’amateurs.

Il faut comprendre que le seul Libor oriente le devenir de plus de 800 trillons (800 milliards de milliards) d’investissements alors que l’économie réelle mondiale représente une somme de dix fois inférieure. 

Pour sa part, l’autorité des marchés allemande (la BaFin) a placé la Deutsche Bank sous surveillance renforcée dès hier, vendredi. La direction de la banque aurait admis que des subalternes auraient participé aux manipulations sur le Libor et elle collaborerait avec le ministère étasunien de la Justice, la Securities and Exchange Commission et la Commission européenne.

Le taux du Libor influe sur les prêts immobiliers, les prêts aux étudiants, et les taux des transactions via les cartes de crédit. Même une variation de 0,01 point se traduit par environ 80 millions de dollars ou d’euros affectés.

Pour Shah Gilani, de Forbes, le réel problème n’est pas lié qu’au Libor (ou d’autres organismes), mais aux banques centrales. Le scandale du Libor est comparable à celui de l’industrie du tabac (qui a subi par la suite de nombreuses class actions). Les banques centrales n’ont jusqu’à présent rien fait pour faire cesser les manipulations frauduleuses et contribué à ce que les plus grandes banques deviennent encore et encore plus puissantes, trop pour faire faillite.

Lundi, l’Euribor se réunira pour renforcer les règles de surveillance. L’Euro Interbank Offered Rate est calculé par 43 banques et il est censé être supervisé par la Fédération des banques européennes. D’autres révélations pourraient encore entacher la réputation des banquiers…   

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !