"Combattre le Hamas comme les Etats-Unis ont combattu les Japonais durant la Seconde guerre mondiale" : qui donc souhaiterait ainsi anéantir les Palestiniens à la bombe atomique, déclaration faite en pleine opération "Plomb durci" ? Avigdor Lieberman, leader du parti d’extrême droite Israel Beitenou ("Israël est notre maison"), que tous les sondages présentent comme l’arbitre des élections législatives de demain et dont la formation devrait devancer la parti travailliste, pour s’affirmer comme la troisième force politique en Israël, derrière le Likoud de Benyamin Netanyahu et Kadima de Tzipi Livni. Moldave d’origine, Lieberman s’est fait connaître par ses prises de positions musclées, violemment anti-arabes : "À 8h, nous bombardons tous les centres commerciaux, à midi, nous bombardons toutes les stations services, à 14h, nous bombardons toutes les banques" de Gaza et de Cisjordanie, proposait-il en mars 2002 ; en juillet 2003, il suggérait de noyer les prisonniers politiques palestiniens dans la Mer morte et d’exécuter les députés arabes à la Knesset en contact avec le Hamas ou ayant commémoré l’expulsion de 1948 en mai 2006.

Ces scandaleuses déclarations ne l’ont pas empêché de rentrer au gouvernement en novembre 2006, appelé par Ehud Olmert qui avait alors besoin de faire oublier l’échec de la sinistre guerre du Liban. Il était alors ministre aux Menaces stratégiques, poste spécialement créé pour lui. Mais il avait fini par claquer la porte, pour protester contre les négociations avec les Palestiniens. Ajoutons pour compléter le portrait qu’une enquête est ouverte contre lui pour corruption.

Aujourd’hui, il touche les dividendes de "Plomb durci" : selon lui, la tsahal n’a pas fini le travail, quelques roquettes tombant encore sur Israël, et lui se fait fort d’en finir définitivement avec le Hamas. L’homme de la rue israélien estime fréquemment que Lieberman "dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas", exactement ce que les racistes et bas du front français prétendaient de notre Jean-Marie Le Pen, ce qui lui vaut en France le surnom de "Le Pen israélien". Son parti dispose aujourd’hui à la Knesset de 11 sièges, mais les sondages lui en prédisent 20 à l’issue du scrutin de demain.

Alors les dirigeants des autres partis se livrent à une obscène danse du ventre pour séduire son électorat. Tout juste Ehud Barak, le leader travailliste, a-t-il concédé que Lieberman n’était "pas sa tasse de thé", tout en se refusant à exclure une éventuelle alliance avec lui. C’est qu’il risque bien d’être incontournable pour constituer une majorité de gouvernement. De ce fait, en cas de victoire de Tzipi Livni, il est vraisemblable que la leader "centriste" l’intègrerait à sa coalition. Quant à Netanyahu, il lui déroule carrément le tapis rouge : jugeant ses revendications "légitimes", le chef du Likoud lui a promis, s’il triomphait, "un ministère important". Il y a de fortes chances qu’il s’agisse de celui de la Défense. Quelles sont-elles, ses revendications légitimes ? Il "se pose comme le défenseur d’un Israël menacé par la minorité des Arabes israéliens, tenants selon lui d’une « cinquième colonne » qui « soutiennent le terrorisme » et ne sont pas « loyaux » envers l’Etat « sioniste et juif », résume 20 minutes. Son slogan, « Pas de loyauté, pas de citoyenneté », est dans tous les esprits. « Israël est confronté à une double attaque terroriste, de l’intérieur et de l’extérieur. Et le terrorisme de l’intérieur est toujours plus dangereux que celui de l’extérieur », martèle Avigdor Lieberman.

Selon un récent sondage, 69% des Israéliens se disent d’accord avec sa proposition de faire signer à la population arabe d’Israël un serment de fidélité à l’Etat hébreu, sous peine de se voir privée de droits civiques." Il propose aussi "un retrait israélien de quartiers palestiniens de Jérusalem-Est, en cas d’accord de paix, pour parvenir à une "séparation" maximale entre Juifs et Arabes, et faire d’Israël un Etat "ethniquement homogène", complète le quotidien suisse Le Matin. Vous ne rêvez pas, vous avez bien lu "ethniquement homogène" ! Voilà donc les positions de l’homme à qui l’ensemble de la classe mfpolitique israélienne fait les yeux doux. Il y a décidément quelque chose de pourri au sein de l’État hébreu. Au sein de la liste du Likoud, Moshe Feiglin n’a-t-il pas été élu en 20e position, soit éligible ? Netanyahu a certes obtenu qu’il soit rétrogradé à la 36e place, devant l’ampleur du scandale, mais son nom est bien toujours présent parmi les candidats de ces législatives. Or qui est Moshe Feiglin ? Tout simplement, comme le rappelle La voix du Nord, celui qui déclarait, en 1995 : "Adolf Hitler était un génie militaire incomparable (…). Il écoutait de la belle musique, savait se comporter, et a remis de l’ordre en Allemagne. (…) le nazisme a permis de sortir l’Allemagne d’une situation de détresse pour l’amener à une situation fantastique sur le plan physique et idéologique". Sans commentaire.

 

On voit à quel point aujourd’hui les extrémistes progressent en Israël, ce qui est de bien mauvais augure pour la paix avec les Palestiniens – et jette l’opprobre sur les défenseurs, notamment français, de cet État d’Israël là !

apartheidMais pourquoi le mot "apartheid" figure-t-il dans notre titre, vous demandez-vous sans doute ? C’est bien simple : d’abord la proposition de Lieberman de forcer les Arabes israéliens (20% de la population tout de même !) à prêter serment de fidélité à Israël, sous peine d’être déchus de leur droits civiques, est évidemment bien peu démocratique, mais le Le Pen de Bethléem – il vit là-bas dans une colonie illégale ! – s’en justifie ainsi : "Je suis tout à fait favorable à la démocratie mais lorsqu’il y a contradiction entre les valeurs démocratiques et les valeurs juives, les valeurs juives et sionistes sont prépondérantes" (entretien au journal HaZofeh, septembre 2006).

 

Ensuite, un deuxième argument nous fait évoquer l’apartheid, qu’il est désepérant de constater que les médias français traitant des législatives en Israël ne rappellent pas : "La commission électorale israélienne a interdit, lundi 12 janvier, la participation de deux partis politiques arabes aux élections législatives du 10 février, les accusant de ne pas reconnaître le droit d’existence à Israël. La commission a voté en faveur d’une motion présentée par deux partis d’extrême droite, Israël Beiteinou (tiens, tiens) et l’Union nationale-Parti national religieux, qui estiment que le Rassemblement national démocratique (connu sous l’acronyme Balad) qui compte trois députés dans le Parlement sortant, et le Mouvement arabe pour le changement (quatre députés) "ne reconnaissent pas le droit à l’existence d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique", pouvait-on lire dans Le Monde du 13 janvier dernier. Justification de cette décision : les députés arabes avaient osé exprimer leur solidarité avec les Gazaouis noyés sous les bombes.

Voilà où en est "la seule démocratie de la région", tant vantée par nos BHL, Taguieff ou autre Glucksmann – honte à ces communautaristes manipulateurs ! Cette formidable démocratie qui foule ainsi aux pieds les droits de ses citoyens arabes et s’apprête à faire entrer à son gouvernement, en la personne d’Avigdor Lieberman, le militant d’un État sioniste ethniquement homogène.