Le plus normal des présidents ce n’est pas François Hollande, malgré tous les efforts qu’il déploie pour nous en persuader, à l’instar de sa tournée en province afin de raccrocher les atomes perdus avec le peuple français de plus en plus sceptique sur sa politique. Etre normal, cela ne signifie pas se forcer pour ressembler à la masse des électeurs, se conformer à l’idée que l’on peut se faire du citoyen lambda, mais c’est être un citoyen lambda tout simplement. Ainsi, un président sortant des hautes sphères de notre République ne pourra jamais être un président normal comme il l’entend. De par sa culture, sa façon de vivre et ses racines, il restera un homme de la « France d’en haut ». En Uruguay, les habitants ont à la tête de leur pays un homme habité par la normalité.


Il suffit de le voir pour ressentir un élan de sympathie envers ce bonhomme à la carrure de nounours. On le croiserait dans la rue, la première impression serait de voir un grand père bien veillant et non pas un homme politique à la tête d’une nation, un physique bienveillant auquel il doit le surnom de José « pepe » Mujica. Il est si normal qu’il se vante de ne jamais avoir mis de costume-cravate, il aime être pris en photo en terrasse avec son épouse, la sénatrice Lucia Topolansky, dans une tenue des plus décontractée, c’est à dire t-shirt, shirt et tongs. En meeting, pour des discours, des allocutions et des conférences, on reste dans la même veine, polos et chemises à col ouvert sont de mises.


Pour se déplacer, « pepe » pourrait disposer de toute l’escorte escomptée et des voitures de fonction ultra modernes mais ponctionnant les caisses de l’État. Il leur préfère sa Coccinelle bleue de 1987, son unique patrimoine déclaré. Pour se loger, il a les clefs du luxueux palais présidentiel mais il les a laissées pendues au panneau pour continuer de crécher dans sa ferme de Rincon Del Cerro, non loin de Montevideo. Une bicoque possédant une seule chambre, un toit en tôle, un lit sans drap, une cuisine où gisent des traces de gras et où cavale un chien à trois pattes. Il avait même proposé que le palais soit inscrit sur les lieux d’hébergement d’urgence lors de la grande vague de froid qui toucha le pays en 2011.


Concernant son salaire, il fit du même, il refusa net les 9300 euros pour en accepter que 10%, le reste est reversé à des œuvres de charité, des organisations pour la construction de logements sociaux, pour l’aide aux plus démunis ou encore pour le développement des petites et moyennes entreprises. Un sujet qui fut la pomme de discorde avec le couple présidentiel argentin quand il les traita de bourgeois car il gardait l’ensemble de la rémunération pour eux,  alors qu’il se revendique comme socialiste.


Mais d’où vient « pepe » Mujica ? Issu d’un milieu agraire, il rejoignit les guérilleros Tupamaros pour faire faillir la dictature en place entre 1973 et 1985. Les troupes de la junte le fit prisonnier et durant 15 ans, il subit de terribles tortures. Après 6 balles dans le corps, 9 ans en isolement, 2 ans au fond d’un puits et des mois privé de nourriture, il sortit de prison, amnistié par le nouveau gouvernement social-libéral du parti Colorado. Toutes ces années d’incarcération l’ont rendu plus fort, elles lui ont permis de s’éveiller à la lecture et à la philosophie des penseurs antiques.


Dès lors, il déposa l’idée de prendre le pouvoir par les armes et opta pour la voie des suffrages. Il crée le Mouvement de Participation Populaire, s’alliant avec le Parti Blanco afin de fonder le Fronte Amplio. Il gravit rapidement les échelons, en 1994, député, en 1999, sénateur, de 2005 à 2008, Ministre de l’Agriculture et en 2009, candidat à la présidentielle. Une élection qu’il remporte aisément, 47% au premier tour et 52,9% au second. Sa politique a doit quoi choquer le gouvernement français, dépénalisation de l’avortement jusqu’à 12 semaines, dépénalisation du cannabis et, prochainement, commercialisation grâce au soutien de l’État. Une culture privée mais une vente publiquement légalisée afin de couper l’herbe sous le pied des narco-trafiquants. En contrôlant les tenants et les aboutissants de ce marché, les réseaux criminels péricliteront progressivement. Il a également permis la mise en place d’une Justice sociale défendant aussi bien le riche que le pauvre de façon impartiale.


Toute belle chose a une fin, en 2014 « pepe » sera trop âgé pour se représenter devant les urnes selon la Constitution. Son mandat prendra donc fin, ce qui ne sera certainement pas le cas des mesures adoptées durant son quinquennat. Gageons que dans ce pays de 3 millions d’habitants, devenu selon les études, le plus heureux du continent sud-américain, où la criminalité a fortement baissée, puissent encore résonner des idéologies telles que : « le développement ce n’est pas s’opposer au bonheur » ou bien encore « il ne faut pas travailler pour vivre mais vivre pour travailler ».