Le roi des Pays-Bas largue la protection sociale

Le roi Guillaume-Alexandre (William-Alexander) des Pays-Bas, pour le discours inaugural de son règne, a révélé à son bon peuple son sentiment sur l’avenir : il ne faut plus compter sur la protection sociale, le welfare state, c’est révolu, bonjour la sécurité sociale et les retraites par capitalisation.
En conséquence, le roi et la reine des Bataves cherchent du travail ou une occupation rémunératrice afin de pouvoir cotiser pour leurs frais de santé et leurs retraites…

Comme les souverains du Commonwealth, ceux des Pays-Bas incarnent une monarchie constitutionnelle qui ne leur confère pratiquement que le droit de dire amen à la majorité élective du moment ou, bien sûr, celui de se taire.

Se taire aurait pu être le choix du tout récent roi Guillaume-Alexandre. Il succède à sa mère, Béatrice (Beatrix), qui avait considéré en avril dernier qu’elle avait atteint sa limite de péremption en tant que souveraine.

Le plus jeune roi d’Europe (à 46 ans) a plaidé, lors de son tout premier discours, pour une sorte société participative aux contours très flous qui serait destinée à succéder au welfare state, soit à la protection sociale telle que conçue aux prémisses de la Grande Guerre (par Bismarck) ou aux lendemains de la suivante (notamment par le Conseil national de la Résistance française).

Place à la protection sociale procurée par les assureurs privés, aux retraites proposées par les banques et la finance, aux allocations chômage à versement de cotisations (et montants d’indemnisations) dépendant de sa capacité d’épargne.

En fait, tout comme la reine d’Angleterre a dû prononcer ce que lui dictait une Thatcher, un Major, un Blair, à présent un Cameron, le roi des Pays-Bas a donné son interprétation d’un texte rédigé par un nègre du Premier ministre néerlandais, Mark Rutte. Bon saltimbanque, Sa Majesté… Il avait l’air d’y croire très fort.

Mais il aurait pu fort bien choisir de se taire, ou négocier afin de ne pas devoir prononcer de tels propos.

On, soit les Néerlandaises et Néerlandais, pourrait donc s’offrir le luxe d’entretenir une famille royale, mais non plus celui d’espérer une sécurité sociale et des régimes de retraite par répartition. C’est au-dessus des moyens de la populace qui doit aussi songer à tirer un trait sur l’indemnisation du chômage, la prévention sanitaire, &c.

Le roi était tout sourire, dents très blanches, du fait que son job de roi lui permet d’aller fréquemment visiter son dentiste.

Les Pays-Bas vont enregistrer, comme la France, un déficit budgétaire de 3,3 %, non pas du fait de dépenses somptuaires, de l’entretien d’un appareil d’État trop dispendieux, mais découlant du poids des gueux, des petites gens, des classes moyennes, des cadres intermédiaires et supérieurs, qui se goinfrent avec des prestations de santé et de retraite. Air connu.

Selon le monarque (en fait, la majorité au pouvoir), restaurer la confiance et créer des emplois dépend de l’abandon de la protection sociale. Euthanasier les chômeurs, les malades, les impotents, c’est l’étape suivante ?

Il se trouve que les Pays-Bas sont déjà fortement engagés sur cette si bonne voie, mais que, bizarrement, leur économie – pourtant soutenue par un secteur financier prospère et des libéralités fiscales pour les très grandes entreprises – ne va pas très fort.

Il faut sans doute aller plus avant dans les deux sens : favoriser la relance en autorisant la couronne à jeter l’argent par les fenêtres, et serrer la ceinture des sujets au bas, milieu et échelons légèrement supérieurs de l’échelle.

Que faire du sixième des employés ou militaires du ministère de la Défense néerlandais qui vont se retrouver sans emploi et devant cotiser dans le privé pour leur santé et leur retraite ? Des pages, valets et dames de compagnie ? Le roi ne s’est pas prononcé.

Ces souverains de Muppet Show et leurs progénitures (en l’occurrence les princesses Ariane, Alexia et Catherina Amalia, qui en dépit de leur jeune âge pourraient tisser ou vendre des allumettes dans les rues) désignent de fait les bouches inutiles et les autres.

La « société de participation » destinée à remplacer « l’État providence » (qui assure que des millions de personnes restent sous le stade du seuil de pauvreté), fort bien. Mais à quoi participent donc ces familles régnantes ?  Qu’est-ce donc qui est devenu « intenable », comme le roi l’a qualifié avec aplomb et conviction ? L’entretien des plus démunis ou celui du carrosse d’or dans lequel le souverain a pris place après avoir prononcé « son » mâle discours ?

Le pouvoir d’achat de l’ensemble de la population néerlandaise devrait baisser d’un quart de point l’an prochain, ce alors même que la couronne s’en mettra encore davantage dans les poches, tout comme la crème de la crème de la finance. Bah, l’austérité,  c’est toujours salutaire pour les autres.

Le carrosse royal est tiré par huit chevaux. Peut-être serait-il temps d’en abattre quatre pour les manger. Après tout, les Pays-Bas ont bien inondé l’Europe de viande de cheval… Sans qu’il soit exigé d’eux d’indemniser. À moins que sa famille royale actuelle considère que son premier discours vaille allocution de conférence et solde de compte ?

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !