Le bas du 10è ar. de Paris, soit les quartiers Saint-Paul et de la Porte-Saint-Denis a été le cadre, dans la nuit de samedi à dimanche, du « meurtre mystérieux d’un SDF ». Nul doute, à mon humble avis, que les enquêteurs du second district de la PJ parisienne vont, c’est de routine, vérifier auprès de D* B***, si rien n’avait attiré son attention. D*, puisque j’emploie avec elle son prénom, est la plus voyante et régulière des nourrisseuses noctambules et déambulatoires de pigeons parisiens.
À présent, elle sort faire sa tournée en s’appuyant sur une canne anglaise. C’est un SDF qui l’avait frappée, s’estimant incommodé pendant son sommeil par l’afflux de bisets abâtardis venant profiter de l’aubaine, un copieux semis de graines. Rien, ni personne, ne peut la dissuader de reprendre chaque nuit ses tournées, dont elle délègue la temporaire responsabilité à quelques hères qu’elle peut aussi secourir à l’occasion.
Spirituelle et « mondaine »
D’une certaine façon, elle crée du lien social, faisant la causette avec des démunis, et alimentant fortement les conversations des riverains du secteur. Elle se fait parfois prendre à partie, voire insultée, par des gens biens mis que les pigeons incommodent. J’ai depuis fort longtemps cessé de tenter de la raisonner.
Je me contente à présent de tailler une petite bavette avec cette bientôt septuagénaire fort intéressante, cultivée, à l’esprit fin, ayant beaucoup voyagé, résidé à l’étranger.
Elle rôde, de cache en cache (elle dispose de réserves de graines sur son parcours), ouvrant parfois une vanne pour faire se répandre l’eau dans la rigole d’un trottoir : gavés, ses protégés ont soif.
Je ne sais ce qui lui a pris. Je l’ai connue fort élégante, ce qu’elle redevient à son gré, et les moyens dont elle dispose lui permettent de consacrer aux colombidés l’équivalent de l’entretien de deux chiens de race… Mais les nuisances des pigeons sont bien supérieures, pour la collectivité, à ces animaux de compagnie. Elle n’en a cure. Qu’un pont métallique du Minnesota se soit effondré sous le poids des fientes qui le corrodaient n’est pas vraiment une légende urbaine, mais à quoi bon ? Elle évoquera la négligence dans l’entretien et l’adage américain « if it ain’t broken, don’t fix it ! ».
Cela ne fait que – quoi ? cinq ou six années ? – que, vêtue telle une chiffonnière récupérant des chutes de textiles avant le passage des éboueurs, elle a entrepris ses pérégrinations nourricières. Pourquoi ? Sans doute l’a-t-elle oublié. Elle maintient pourtant une vie diurne parfois quasi-mondaine, même si elle en restreint les occasions. Ses pigeons l’intéressent à présent davantage que des futilités, la visite de galeries d’art, notamment. Plus question de prolonger par un souper une séance à la Comédie française (les pigeons priment sur l’après Vieux-Colombier).
Inaccessible au raisonnement
Vous pouvez discuter de tout avec elle sauf des dégâts provoqués par la surpopulation de sa gent ailée à laquelle sa contribution n’est pas mince, et des avantages, financiers ou autres, qu’elle pourrait espérer d’un renoncement. Elle se contente de hausser les épaules ou de sourire en plissant, moqueuse, les yeux.
En cela, l’opinion de plus des deux-tiers de ses concitoyens, hostiles à ses activités, l’indiffère totalement ; elle serait fortement représentative de son « clan » diffus, avec lequel elle n’entretient aucun contact : elle règne sur sa zone, que personne ne lui dispute, si ce n’est, furtivement, avant la tombée de la nuit.
Caroline Sallé, du Figaro, a rendu compte d’un colloque sur la question organisé par Natureparif (agence francilienne pour la nature et la biodiversité). L’anthropologue Véronique Servais s’est penchée sur le cas des « colombo-nourrisseurs » ou « synanthropes nourriciers » (les humains sont des commensaux plutôt involontaires, majoritairement, des pigeons).
Que leur importe que les fientes soient si acides (tant pour les vêtements, j’en atteste, que pour les édifices) : ils sont résolument hostiles au dépigeonnage, à la contraception ou stérilisation : c’est bien connu, les tourterelles s’aiment d’amour tendre. Que leur importe si les mœurs monogames des pigeons incluent la variété des partenaires, voire l’inceste en cas de nécessité (que les éleveurs favorisent avec parcimonie). Leur idéal, parfois presque guerrier : le bien-être des pigeons.
L’ambassade des pigeons n’est pas trop hostile à leur contraception, du moins le proclame-t-elle. Allons donc… Pour l’« ambassadrice », Brigitte Marquet, le nourrissage devrait être réglementé par les municipalités. Il conviendrait donc de former et encadrer les nourrisseurs ? La SPA le préconise, considérant que « le nourrissage anarchique peut nuire aux pigeons eux-mêmes. ». Vite, une subvention à la SPA pour organiser des stages.
Pour Brigitte Marquet – et moi-même, au moins pour le cas de D*– les nourrisseurs sont « des gens parfaitement normaux », le plus souvent insérés socialement (idem pour D*, dont le compagnon est un homme fort amène qui eut ses années de relative célébrité).
Addiction ?
Je ne vois guère D* renoncer à son rite quotidien au profit d’expéditions vers un pigeonnier. Cela la priverait de son emprise sur son territoire urbain de proximité.
C’est devenu pour elle et d’autres, j’imagine, une sorte d’addiction inoffensive pour, au moins, eux-mêmes. Car de plus, effectivement, les pigeons leur témoignent une certaine affection, sachant les reconnaître.
Pourtant, lors de ses tournées, D* n’est que rarement entourée de pigeons à ces heures trop tardives. Six couvées de deux œufs éclos en 18 jours l’an, une maturation sexuelle à quatre mois.
Ils prolifèrent. Mais aussi les rats qui leur disputent les graines. Se posant en masse sur les aubaines, les pigeons se transmettent plus facilement leurs maladies et parasites.
L’argument est faible : n’en est-il pas de même en pigeonnier ?
De même, la prolifération des rats, indéniable à proximité des sites de nourrissage, est un point controversé : selon le service d’hygiène de Lyon, les pigeons, disputant la nourriture aux rats, contribuent à en limiter la population.
Ils favorisent aussi la sélection naturelle : les humains résistent plus ou moins bien aux champignons qu’ils véhiculent et qui se nichent dans les poumons, favorisant des méningites quand le parasite s’attaque au système nerveux. Ils véhiculent aussi des tiques. En revanche, ils sont peu ou pas sensibles à la grippe aviaire.
À l’inverse, des personnes développent une aversion phobique à l’encontre des pigeons, ces flying rats (leur surnom américain usuel) que fuit l’artiste Kader Attia. Il se vit accusé d’être un promoteur de la « Shoah des pigeons » pour avoir confectionné des statues d’enfants comestibles dont les pigeons se sont empressés de se goinfrer. Fustigée à Lyon, son exposition fut beaucoup mieux accueillie à New York, où les nourrisseurs sont beaucoup plus en butte à la détestation de leurs voisins. En France, les proliférants pigeons ont été qualifiés, par Pascal Cousin, de « minorité silencieuse victime d’ostracisme… ». Pour lui, ceux qui dénoncent les nourrisseurs sont victimes des spécialistes de la délation, comme « on l’a bien vu sous le régime de Vichy… ».
D* est loin d’en être là. Pffitt… Qu’on la laisse donc pratiquer son loisir en paix ; elle se moque de ces polémiques : « bien faire et laisser dire… ».
« Le claquement des vitres fait fuir les pigeons sales qui rôdent sur les terrasses, spectateurs aux yeux ronds des réveils gris de l’humain, » écrit Clémence Tombereau, auteure de Vivre à Porto. L’abondante attention, parfois excessive, accordée aux pigeons, depuis fort longtemps, a aussi de quoi faire écarquiller les yeux des humains.
Autant en sourire
Martell Animation , avec (Mission) Pigeon impossible, a réalisé un court démontrant tous les dégâts que peut provoquer un seul pigeon. Voyez aussi le site de ce petit film. Retrouvez (c’est facile), le petit court de Pixar, For the Birds, toujours hilarant.
Mais revenons-en à l’anecdotique : un pigeon chie en fait jusqu’à une cinquantaine de fois par 24 heures, à raison d’environ 11 kilos de fiente par an. J’ai tenté le calcul : le ou plutôt les piafs qui m’ont ruiné une chemise, un veston, un pantalon, et obligé de prendre un shampooing, n’étaient sans doute pas des pigeons. Au moins des corneilles ou corbeaux. Voire un couple de faucons municipaux, prédateurs des pigeons ?
Une solution : couper tous les arbres en milieu urbain (là, je sens que je vais m’attirer quelques inimitiés), raser les tours, les immeubles, vivre sous des tentes aux faîtes pointus et pans très inclinés. La crise pigeonnière nous offre l’occasion de résoudre la crise monétaire en optant résolument pour la décroissance ; nous nous nourrirons de pigeons moins nombreux, mais plus goûteux. Aile, cuisse, ou blanc de pigeon, D* ?
La mairie de Paris propose une « carte des pigeonniers » :
[img]http://www.paris.fr/viewmultimediadocument?multimediadocument-id=103331&role=2[/img]
Vous pouvez aussi la télécharger en .pdf (plus grand format).
Merci Jeff, mais n’abusez pas : je crois qu’on nous prend aussi pour des pigeons ! 🙂
Les pigeons transmettent des maladies : il n’y a que des citadins pour croire de pareils bobards.
[url]http://cousin.pascal1.free.fr/peur_ville.html[/url]
Cher Cousin (à la mode de Bretagne ?),
J’ai aussi été campagnard, et au contact de vétérinaires.
Je suis en ville, en contact avec des médecins, et désolé, mais la faculté est unanime, les pigeons transmettent des maladies et les moins résistants qui les nourrissent en les laissant se poser sur eux peuvent en subir de lourdes, j’insiste, lourdes conséquences.
La vie ne vaut certes pas d’être vécue sans le moindre risque, et je crois savoir de quoi je parle à ce propos. Perso, je me sens en assez bonne forme pour toucher un pigeon (en ville, à la limite, on peut, ne serait-ce qu’un pigeon mort ; D* porte toujours des gants de chirurgien quand elle s’occupe de ses pigeons car elle est instruite et documentée).
Je veux bien aussi faire semblant de croire que les renards sont rarement enragés, que les chiens sont totalement inoffensifs, que les vaches ne piétinent jamais personne, tout ce qu’on voudra, mais il se trouve que je ne peux pas : un peu trop documenté pour cela. Et les « pouvoirs publics » incriminés ne sont pas que français ou européens, ils sont aussi nord et sud-américains, asiatiques, &c.
Je veux bien que l’OMS et la FAO soient constitués de cyniques haïssant les pigeons, que l’Institut Pasteur (qui est en fait international) soit un repère d’escrocs intellectuels, à vos yeux. Pas vraiment aux miens ou alors, certains responsables que je connais m’auraient menti ?
Je connais certains mensonges sur les maladies du bétail, justement par les mêmes.
Mensonges « pieux » faisant la part des choses, car, malheureusement, parfois, on estime que la vie de quelques (plutôt rares, statistiquement) humains fragiles est moins importante que l’économie globale. Je sais aussi qu’on a préféré des tests suisses à des américains, plus fiables, à peine plus coûteux.
Mais de grâce, pour les pigeons, qui ne véhiculent pas de pandémie, nous en sommes d’accord, tentez de vous documenter davantage.
Je ne vous souhaite pas d’avoir un enfant se chopant une méningite.
Ne le souhaitez pas non plus aux enfants des autres, merci.
Votre article est un regal d’humour!
Si le coeur vous en dit, une recette de pigeon au petit pois, à deguster sans moderation avant d’etre plumer nous meme:
[i][quote]Eplucher les oignons.
Effeuiller l´estragon.
Ficeler le laurier et le thym. Ecraser l´ail sans l´éplucher.
Ecosser les petits pois.
Couper la barde de lard en petis dés.
Assaisonner l´intérieur, brider, assaisonner l´extérieur, barder et ficeler les pigeons.
Dans une sauteuse à feu vif blondir les oignons, le lard , l’estragon, le thym/laurier, la laitue, les gousses d’ail, remuer 5 minutes. Réserver.
Dans une cocotte beurrée dorer les pigeons à couvert 30 minutes. Verser le contenu de la poêle et les petits pois sur les pigeons. Ajouter la prise de 4 épices et le sucre. Mouiller avec 200 ml d´eau. Mélanger et mijoter à couvert 20 minutes.
Sur un plat de service préchauffé mettre les petits pois avec sa garniture, poser les pigeons dessus et arroser de jus.[/quote][/i]
La population a peur, est terrorisée quand elle voit un pigeon et surtout un regroupement de pigeons. Les fientes de ces oiseaux lui font surgir à l’esprit saleté, germes, virus et donc mort. Les municipalités sont harcelés tous les jours par les plaintes des habitants : au secours, au secours il faut faire quelque chose. Voir ici
[url]http://cousin.pascal1.free.fr/index3.html[/url]
et surout [url]http://cousin.pascal1.free.fr/peur_ville.html[/url]
Ha ha ha tous les jours 2 heures minimum en contact étroit avec des pigeons dans mon pigeonnier (150 pigeons sauvés de gazage) sans système immunitaire et bien portant.
La phobie des pigeons de roche est basée sur deux escroqueries : les pigeons transmettent des maladies aux hommes et leurs fientes transpercent les toitures. Cette diabolisation a été propagée jusqu’à la lie dans l’inconscient collectif occidental par le biais de la presse mainstream et des agences gouvernementales aux mains de l’empire (dans le sens soralien – « Comprendre l’Empire » Alain Soral). A ce sujet vous voudrez bien consulter ma documentation le prouvant.