Le foot, au Brésil, est une religion (2e partie)

Quand nous habitions encore à Lausanne, en Suisse, ma femme et moi, nous invitâmes, durant l’année 2006, le neveu de ma femme, qui est de Salvador de Bahia, et l’un de ses amis, qui est aussi de Salvador de Bahia, à venir assister à la Coupe du Monde de foot en Allemagne.

Le premier match de la Seleçao (contre la Croatie, si je me rappelle bien), nous l’avons vu sur l’écran géant qu’un des bars brésiliens de la ville avait dressé pour l’occasion.

Et après la victoire, 2 à 1, du Brésil, toute cette assistance partit faire la fête en ville. Au point qu’à minuit les klaxons des voitures retentissaient encore au centre ville.

Et quand les agents de la police locale arrivèrent sur les lieux afin de rétablir un minimum d’ordre et de silence, les belles Brésiliennes, qui dansaient au beau milieu du trafic routier, obligant les voitures à s’arrêter, eurent vite fait de les amadouer par leur charme irrésistible, au point qu’ils en oublièrent complètement leur métier. 
 
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Quant au deuxième match de la Seleçao, nous sommes  allés le voir directement sur place, à Münich, où le Brésil jouait contre l’Australie.

N’ayant pas de billet pour assister au match, nous nous sommes néanmoins rendus, le jour même du match, près du stade, dès midi, pour voir si l’on pouvait acheter des billets au noir. Or les prix (jusqu’à 600 euros) nous ont vite découragés.

Après quoi, nous sommes retournés, en métro, au centre ville, où nous avons appris que ceux qui n’avaient pas de billet pouvaient néanmoins se rendre au stade de Münich (où se produit, durant le reste de l’année, le grand Bayern de Münich) afin d’assister au match sur le grand écran que les organisateurs avaient installé à l’entrée du stade.

 

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Le problème est que quand nous avons voulu nous rendre au stade, en métro, en fin d’après midi, celui-ci s’est arrêté durant le parcours pour des raisons que j’ignore, mais probablement que trop de rames avaient effectué le trajet afin de transporter les dizaines de milliers de gens qui voulaient assister au match.

Quoi qu’il en soit, quand nous avons enfin pu nous rendre au stade, en métro, après un arrêt de plusieurs dizaines de minutes, le portail d’accès au stade était déjà fermé en raison d’un complète occupation des lieux par ceux qui voulaient voir le match sur l’écran géant dressé près du stade.

Mais par chance, au moment de retourner à la station de métro du stade afin de prendre un métro qui nous aurait ramenés en ville, nous avons été arrêtés par des gens qui, fichet publicitaire à la main, nous invitèrent à assister au match sur le grand écran installé dans un bar/resto situé à proximité du stade.

D’autres gens étant dans les mêmes dispositions que nous, nous nous sommes retrouvés, avec d’autres Brésiliens et avec des Australiens, à assister au match et à faire la fête ensemble.

Et une fois retournés au centre ville, après le match, nous avons fait la fête toute la nuit, avec eux et  en compagnie de supporters venus du monde entier, chacun voulant danser avec les belles Brésiliennes qui étaient venues supporter leur équipe ce jour-là.

 

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Et si, quelques jours plus tard, mes amis brésiliens se rendirent, seuls, à Dortmund, afin d’assister à un dernier match de qualification de la Seleção, nous nous sommes retrouvés à Lugano, en Suisse, pour assister, à la télévision, à la demi finale (sauf erreur) du Brésil contre la France, match perdu par le Brésil.

Et mes amis brésiliens de pleurer durant toute la nuit l’élimination de leur équipe de la Coupe du Monde, m’expliquant sans relâche que Roberto Carlos aurait dû marquer Zidane sur l’action qui amena le but des Français, ou que tel ou tel défenseur n’avait pas fait son boulot correctement.

Quant à moi, ce que je retiens, de toute cette affaire, c’est la détresse de mes amis brésiliens, eux qui n’acceptaient point que la France pût avoir sorti la Seleção de la Coupe du Monde. En l’occurrence, c’est comme si un tremblement de terre avait terrassé Lugano ce jour-là.

 

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Et pour vous dire à quel point les Brésiliens sont passionnés pour le foot, quand je me suis rendu, pour la première fois, dans la famille de ma femme, à Salvador, j’ai assisté à des rencontres que les Brésiliens connaissent sous le nom de Baba (j’écris ce mot ainsi, parce qu’on le prononce ainsi, mais je ne suis pas sûr qu’il s’agisse là du vrai mot).

Ce baba était probablement, au départ, du foot joué dans la rue, les jours fériés, par des gens passionnés de foot et qui pratiquaient leur sport n’importe où ils pouvaient le pratiquer.

Dans mon cas, ce baba consistait (et consiste toujours, puisqu’il existe encore aujourd’hui), pour les jeunes du quartier, à former deux équipes qui régulièrement s’affrontent le dimanche matin, sur un terrain en herbe situé assez loin du quartier, ce qui obligeait, à l’époque, les joueurs à s’y rendre en voiture. Et une fois sur place, ils se changeaient dans des vestiaires rudimentaires et commencaient à jouer.

 

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Et c’est à ce moment là que vous comprenez que le foot est, au Brésil, une véritable religion. Ainsi, en les regardant jouer, on constate que n’importe quel joueur possède une technique individuelle à couper le souffle, les meilleurs pouvant soutenir facilement, une fois correctement entraînés physiquement, la comparaison avec des professionnels de série B ou de série C en Europe.

Mais ce qui frappe également, en les voyant jouer, c’est la passion et l’engagement total de ces joueurs, tous étant animés par un seul but : la victoire.

Les gens sont si passionnés, au Brésil, pour le foot, et surtout, lorsqu’ils sont pratiquants ou supporters, pour la victoire de leur équipe, qu’ils en oublient les conditions du jeu.

J’ai pu le constater moi-même un dimanche où, après que les joueurs eurent commencé une partie qui dure, en gros, la même chose qu’une partie officielle (à savoir une heure et demi), la pluie se mit à tomber si fort que le terrain devint, après quelques minutes, un véritable bourbier.

Dans ces conditions, n’importe quel arbitre censé, en Europe, aurait arrêté la partie. Eh bien là, pas du tout! Bien que le ballon cessât de circuler à cause des flaques d’eau, les joueurs continuaient à frapper la balle, et aussi l’eau par la même occasion, comme s’il s’agissait d’une partie de water polo.

Et quand, après trente minutes, le soleil revint, tout rentra dans l’ordre et la partie continua normalement,  comme si l’orage n’avait jamais existé.

 

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Tout cela pour dire que quand la passion du jeu s’emmêle, toutes les règles de bienséance ne servent plus à rien.

Or le foot, au Brésil, c’est çà.

 

Claude Gétaz