Larisa Leonidovna Drozdova : de Socrate à Tolstoï ou l’histoire des citoyens grecs à l’âme slave


Au 20ème siècle, la Grèce a vécu plusieurs vagues d’immigrations russes. Aujourd’hui plus de 600 000 personnes provenant des pays de l’ex URSS ou de Russie vivent en Grèce, si elles sont bien intégrées, elles n’ont pas, pour autant, abandonné leur âme slave.

 

L’exil

La première vague d’immigration russe en Grèce a eu lieu après la révolution d’octobre de 1917, environ 1 500 000 personnes se sont dispersées aux quatre coins de la planète. Etats-Unis, Chine, Europe, où ils furent très nombreux à s’établir en France et en Suisse, et un petit nombre se dirigea vers la Grèce. La deuxième grande vague eu lieu en 1923 après le traité de Lausanne où tous les peuples hellénophones qui s’étaient installés, dès les temps antiques, sur le pourtour de la mère noire sont allés vivre en Grèce, ces derniers appelés les Pontiques sont aussi à l’aise avec la langue de Socrate que de celle de Tolstoï. La dernière grande immigration d’importance s’est faite lors de la dislocation de l’ex-URSS au début des années 1990.

Comme toujours ces exils forcés provoquent de véritables tragédies humaines. Les peuples fuient leurs pays dans des conditions douloureuses, chaotiques, des foyers sont brisées, certains perdent tous liens avec leurs familles. C’est le cas de Larisa Leonidovna Drozdova, une sexagénaire russe habitant aujourd’hui en France, qui après avoir réalisé de longues recherches généalogiques a enfin réussi à retrouver une partie de sa famille : «  Je ne peux pas exprimer ce que j’ai ressenti la première fois que j’ai retrouvé mes proches, oncles, tantes, cousins que je ne connaissais pas et qui pourtant partageaient avec moi une histoire commune. En outre, j’ai réalisé qu’une partie de mes ancêtres étaient originaires de Grèce. J’ai compris alors pourquoi j’avais toujours chéri ce pays, pourquoi j’y allais si souvent en voyage. Mon prénom est même celui d’une ville située entre Thessalonique et Athènes. » Larisa raconte aussi sa surprise de découvrir qu’après de si nombreuses années loin de leur Russie natale, sa famille parle toujours la langue russe et qu’elle a gardé toutes les traditions et la culture de leur pays d’origine. Ils ne sont pas les seuls puisque plus de 600 000 russophones sont dénombrés en Grèce, Cette communauté s’organise au sein de la société grecque et possède même son journal en russe. En juin 2013, lors d’une visite officielle en Grèce, le Patriarche Cyrille, Patriarche de Moscou et de toute la Russie, a exhorté les expatriés russes vivant en Grèce à aimer la Russie, à sauvegarder ses traditions spirituelles et culturelles ainsi que la langue russe.

La blessure

Comme dans la plupart des familles déchirées par le chaos de l’histoire, les blessures de la séparation ne se referment pas totalement, même après avoir retrouvé les siens. Larisa Leonidovna Drozdova a réussi à transcender cette douleur par sa passion pour l’art et la culture grecque. De l’Acropole aux lieux les plus insolites, comme les ruelles des villages des Cyclades, rien de ce pays ne lui est désormais étranger. Chaque fois qu’elle se rend à Athènes, Larisa Drozdova visite évidemment l’église de la Sainte Trinité, quintessence de la culture russe de cette capitale.  « Aimer la Grèce, c’est garder des liens avec ma famille et mon histoire » dit-elle. Sa passion pour ce pays, l’anime aussi en Europe où elle participe à de nombreux colloques sur la culture hellénistique. En Suisse, elle s’intéresse particulièrement à l’association genevoise Jean-Gabriel Eynard. Cette association Greco-Suisse fondée à la suite de la première guerre des Balkans et de la première guerre mondiale a pour but de faire bénéficier ces deux pays de relations culturelles et économiques. Une deuxième association d’amitié Gréco-Suisse existe à Lausanne. Fondée par le baron Pierre de Coubertin désireux d’associer les Grecs résidant à Lausanne du renouveau du mouvement olympique. Aujourd’hui elle maintient les liens d’amitiés fortes entre la Grèce et la Suisse. Ainsi à travers son implication dans l’amour d’un pays, d’un peuple, d’une culture, Larisa Leonidovna Drozdova panse ses blessures en retissant les liens autrefois brisés.