Lancer des ponts… en cartes à jouer…

Et si on imaginait… un pont en cartes à jouer. Un jeu vidéo fondé sur les aventures d’Alice au Pays des merveilles illustre déjà cette idée. Les performances du bâtisseur de châteaux en cartes à jouer, Bryan Berg, y font songer alors que le plus long pont du monde vient d’être inauguré en Chine.

Voila un record que Bryan Berg ne pourra pas égaler : le plus long pont au monde vient d’être inauguré en Chine. Il comprend huit voies et couvre la mer sur 36,48 km. Mais donnez du temps et des moyens à Bryan Berg et il serait capable de le reproduire en… cartes à jouer.

Le record de hauteur de Bryan Berg, c’est une reproduction en miniature d’un gratte-ciel de Dallas : huit mètres de hauteur. Mais ce n’est pas tout car divers monuments de la ville texane sont aussi reproduits en cartes à jouer pour sa création ayant exigé des milliers de jeux de cartes et des semaines de travail.

Le pont qui enjambe la baie de Jiaozhou pour relier Qingdao à Huangdao (district de Shandong) a été inauguré ce 30 juin 2011. Il dépasse en longueur de 480 m celui de la baie de Hangzhou dans le Zhejiang. Ces ponts couvrent une distance supérieure de plus de six kilomètres celle séparant Calais de Douvres… Toutes proportions gardées, les édifices de Bryan Berg sont tout aussi impressionnants. La différence la plus marquante n’est peut-être pas la résistance de ces ouvrages. Ceux de Berg peuvent supporter 300 kg au mètre carré (donc, par exemple, des enclumes) mais aucun point de colle, aucun millimètre de ruban adhésif n’est employé pour consolider ses empilements de modules de quatre cartes à jouer.

Berg parvient aussi à créer des dômes sans jamais plier ou cintrer la moindre carte. Il dispose les cartes en T juxtaposés, couvre sa base, et empile les étages.

Il a commencé vers ses huit ans et il érigeait trois ans plus tard des tours plus hautes que lui-même. Il a fini par surpasser en quasiment toutes catégories les constructeurs de « châteaux de cartes » aux débuts des années 1990 avant de cumuler, en 2004, tous les records (hauteur, volume, nombre de cartes employées). Cet Américain passe son temps à se produire dans des émissions de télévision ou lors de manifestations sur tous les continents…

Son site, Cardstaker, commercialise des jeux de cartes personnalisés par dizaines. Ils ne sont pas confectionnés pour lui dans la meilleure qualité car les plus lisses et les plus brillantes ne conviennent pas à ce type de « jeu de société ». Comme pour les œuvres réalisées en allumettes (David Reynolds détient un record avec une maquette d’une plate-forme pétrolière réalisée en quinze ans), il n’est nul besoin d’investir dans des matériaux plus coûteux que d’autres.
Ses œuvres sont évidemment éphémères et il les détruit en utilisant un « souffleur » (un aspirateur de feuilles mortes) qui lui permet d’observer les meilleurs points de résistance de ses structures. Son record de 2004 a consisté à reproduire en « miniature » (quand même près de trois fois sa taille) le château de Cendrillon du parc d’attractions Walt Disney World. Sa reproduction de l’hôtel The Venitian de Macao exigea près de 220 000 cartes et 44 jours.

Il peut aussi reproduire, cette fois en utilisant de la colle, à taille réelle, des objets marquants telle l’enseigne « Welcome to Fabulous Las Vegas » (en cartes et jetons de casinos sur un cadre de bois).

On connait la résistance du carton d’emballage et des structures en alvéoles du type « nid d’abeilles ». Selon Berg, le poids des cartes placées aux sommets augmente la stabilité de celles qui les supportent depuis la base, ce qui expliquerait qu’en cas de fausse manœuvre de sa part, des parties de son édifice puissent s’effondrer sans détruire l’ensemble.

Berg expérimente des formes incurvées, cintrées. On ne sait jamais : les recherches de ce « conquérant de l’inutile » (et de l’éphémère) inspireront peut-être des créateurs d’ouvrages d’art durables et utiles. Et pourquoi pas de nouveaux types de ponts ? Voire de châteaux d’eau… en Espagne ou au pays des Dominos.

Comme le disait Nerval, « château de cartes, château de Bohème, château en Espagne – telles sont les premières stations à parcourir pour tout poète… ». Le poète, tel les frères pontifes, « lance des ponts ». Les créations de Berg font rêver à des ponts de cartes à jouer traversant les océans en la compagnie d’Alice, de Lewis Carroll, peut-être jusqu’en Chine, au pays des plus longs ponts.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !