« En démocratie, il existe des recettes : à l’Assemblée, on en cite volontiers une, la dissolution ». Diantre, Anita Hauser, chroniqueuse politique passe-partout, ne nous avait guère habitués à de telles chutes, fort peu « télévisuelles et consensuelles ». C’est pourtant la dernière phrase de son analyse sur Atlantico, intitulée « L’UMP voit-elle que l’exploitation de l’affaire Cahuzac est aussi toxique que le scandale lui-même ». Le titre est bien vu, la conclusion est-elle si prématurée ? Dans la mesure où, si Moscovici savait, Woerth aussi, et dès 2008, on serait tenté de donner un coup de balai complet. Petit ennui, une élection coûte fort cher : sommes-nous en mesure, comme le réclame Marine Le Pen, de nous offrir un tel luxe ? Lors des municipales, peut-être, mais il faudrait rembourser bien davantage de dépenses électorales, PS et UMP risquant encore d’atteindre plus de 5 % des suffrages… Et puis, si c’est pour élire le FN Philippe Péningue, qui avait ouvert le premier compte en Suisse de Jérôme Cahuzac, autant réélire ce dernier ainsi que les Balkany…

Jérôme Cahuzac in bed with Marine Le Pen ;

• Moscovici n’aurait jamais rien demandé aux Suisses, a-t-il affabulé ?
• Revoter coûte très cher, surtout pour réélire les mêmes ;

• Pécresse, Lagarde, Woerth, Baroin… Sarkozy étaient-ils au parfum pour Cahuzac ? 

 

J’éprouve une vague sympathie pour Anita Hauser qui ne date pas de notre année au Centre universitaire d’enseignement du journalisme (Cuej), circa 1977. Je me souviens fort peu d’elle mais j’avais noté que, comme moi-même et quelques autres, elle avait interrompu ses études pour vraiment faire du journalisme. Enfin, pour en vivre… dans son cas, me semblait-il.

Elle fut longtemps archétypale du journalisme politique découlant de la période de l’ORTF : factuelle, confrontant le « ils disent » des uns à celui des autres, et d’une insipidité de bon aloi, permettant d’esquiver les conséquences des changements successifs des directions des chaînes ou des stations (de RTL, de la Cinq, de TF1 ou LCI).

Quelle mouche l’a donc piquée ?  Certes, elle ne fâche pas trop, ne remémore pas les épisodes Woerth-Cahuzac, les gamelles de l’ancienne présidence, et fustige l’amalgame exprimé par Olivier Besancenot selon lequel – et il est très loin d’être le seul – d’un régime « où argent et pouvoir ne font qu’un ». Il suffit de se pencher sur la composition des deux chambres – où le député en salopette côtoie la sénatrice aux cheveux tirés des anciennes infirmières – pour saisir à quel point il n’en est rien et que le populiste « tous pourris » (ou pas très loin de s’avarier) n’est qu’un slogan dénué de toute réalité. Marine Le Pen veut aussi nous faire retourner aux urnes au plus vite.

Anita Hauser, dénonce ces déclarations d’intérêts faites « sur l’honneur » et ne donnant pas lieu à la moindre vérification, tout juste à une vague incitation à rectifier les omissions ou contre-vérités vraiment trop flagrantes.

Elle cite le député UMP de la Manche, Philippe Gosselin, qui n’avait pas trop plaidé pour la réduction des dépenses publiques lorsqu’il était le suppléant de Jean-Claude Lemoine en 2002, ni quand il est devenu député en 2007 (maintenant, c’est tout le contraire) : « Jérôme Cahuzac jette le discrédit sur l’ensemble des élus : cela risque de faire le jeu du Front de Gauche et du Front national ». 

Le Front de Gauche est trop jeunot pour être déjà discrédité, pour le Front national de Jean-Marie Le Pen, dont une ex-épouse assurait qu’il avait planqué 40 millions de francs en Suisse, à la banque Darier, par le truchement de François Laya et Jean-Pierre Aubert, en compagnie de Jean-Pierre Mouchard (source : swissinfo et autres, dont Guy Konopnicki), il y aurait prescription.

Je crois (enfin, veux croire) qu’au contraire, au moins tant que Christine Taubira restera garde des Sceaux, des affaires fâcheuses pour l’ensemble de la caste politique risquent d’être traitées judiciairement en toute indépendance. Les ambitieux magistrats de droite comme proches de la gauche parlementaire, mais aussi les plus intègres, vont se sentir les coudées plus franches.
Les aveux, tardifs et « téléphonés » depuis la Suisse à son précédent avocat, de Jérôme Cahuzac sont beaucoup moins importants que les auditions de son gestionnaire de fortune, Hervé Dreyfus, son interlocuteur lors de la fameuse conversation enregistrée.

Donner un coup de balai en rendant un électorat qui, pour certains, excusent très fort Jérôme Cahuzac car ils auraient fait de même, « maître » du sort des sortantes et sortants ne séduit ni les intéressés, ni les chefs des deux principaux partis. L’UMP n’a aucun programme, devrait assumer le bilan du précédent quinquennat, le PS ne saurait à quel courant se vouer. Et puis, les communicants (ceux de Dominique Strauss-Kahn ou de Jérôme Cahuzac comme ceux des Copé ou Fillon) n’y seraient guère disposés, même s’il n’existe pas de nouveau Coluche pour les ridiculiser comme l’a fait Beppe Grillo en Italie.

Enfin, à quoi bon changer les têtes si les règles ne sont pas modifiées ? Anita Hauser le souligne elle-même : ni le rapport Sauvé (sous Sarkozy), ni le rapport Jospin (sous Hollande), de moralisation de la vie publique, n’ont encore vraiment suscité le moindre effet tangible.

Cela aurait au moins un avantage, que l’exemple belge rend envisageable, celui de retarder très fortement la composition d’un nouveau gouvernement s’il fallait vraiment s’assurer de la limpidité de toutes et tous les disposés à se coltiner le fardeau d’une inévitable impopularité. 

Et puis, Frigide Bardot à l’Assemblée, ce pourrait être divertissant, tout comme de voir NKM tenter de se faire reconduire à Longjumeau tout en jurant-crachant qu’elle vaut mieux que Rachida Dati à la mairie de Paris.

La suggestion d’Anita Hauser est une fausse bonne idée. Je conçois que, pour elle, une nouvelle bataille électorale serait l’occasion de placer des piges chez Atlantico ou ailleurs, aux dépens d’autres collaborateurs (les budgets de piges ne sont pas si élastiques). Mais tant de députés, de ministres, percevant des retraites, tandis qu’il faudrait provisionner celles de leurs remplaçants.
Et puis, quel est le coût d’une législative ? Celui d’une présidentielle, avec seulement moins d’une vingtaine de candidats, a été multiplié par cinq depuis 1981 (200,5 millions d’euros déjà en 2002, à peu près la même chose en 2007). Deux députés des Français de l’étranger se sont vus invalidés, et cela va revenir à 645 000 euros pour chacun.

Pour un peu, je souhaiterais que Jérôme Cahuzac retrouve son siège de député et que l’électorat de la troisième circonscription du Lot-et-Garonne ne soit pas mobilisé dans un mois. Neufs concurrents s’étaient alignés contre lui en 2012, je gage que sa non-candidature va ouvrir le jeu et que des divers droite ou gauche vont caresser l’espoir d’atteindre 5 % des suffrages et de se faire connaître à peu de frais. Dans la première, il y avait onze concurrents, dont six qui se sont fait rembourser leurs frais de campagne.

Je ne suis pas non plus partisan d’un large remaniement (sauf à réduire considérablement le nombre des portefeuilles), même si la perspective quelque peu farce de voir un Bayrou, un de Villepin, une Ségolène Royal se chamailler est assez esbaudissante.

Pourquoi donc chambouler les chambrées. Dans son Aux Larmes Citoyens ! (JBDiffusion éd.), Charles « Charly » Duchesnes conclut : « il n’y aura jamais de sortie de crise, elle arrange trop de monde, du patronat au banquier en passant par l’État ».
Paradoxalement, Christine Kerdellant, dans son éditorial de L’Expansion (du PIB et des gains en bourse ou de conquête des marchés), plaide pour le retour aux « vertus, depuis longtemps oubliés, de l’équilibre ». Car « les taux de croissance du PIB faramineux que nous connaissons depuis deux siècles n’étaient qu’une anomalie de l’histoire ». Il faudra « gérer un monde stagnant, car les effets de rattrapage des pays émergents auront aussi une fin. ». Je doute que des élections soient le moyen de retarder la fin.

Certes, des élections, un référendum, &c., cela produit du PIB. Faire, défaire, refaire, c’est toujours cela de pris pour les loueurs de salles, les imprimeurs, les pilotes de jets privés, et j’en passe.

Les huissiers du Palais Bourbon se réjouissent : l’UDI réclame une commission d’enquête parlementaire sur la gestion gouvernementale de l’affaire Cahuzac. Pourvu que les travaux durent au-delà de minuit, car presque tout le monde est rétribué double.

Croit-on vraiment que de nouveaux députés iront, comme le réclament les communistes, « au bout de l’assainissement de la vie publique » ? Ce serait comme leur demander de renoncer à tout mandat local, à tout jeton de présence dans une société d’économie mixte, et à des avantages multiples dont même les élus du Front de Gauche ne souhaitent pas la disparition.
Voici l’UMP Claude Goasguen réclamant la démission « dans les plus brefs délais », de Pierre Moscovici. On ne se souvient pas d’avoir entendu Claude Goasguen réclamer que J. Cahuzac porte plainte en diffamation contre Michel Gonnelle ou pour faux et usage de faux (ce que, sur Come4News, nous déclarions indispensable depuis longtemps).
N’ayant pas réussi à culbuter Rachida Dati (« tu te prends pour qui ? Tu t’y crois autorisé parce que j’ai refusé de coucher avec toi ? »), Goasguen veut faire un lit en portefeuille à Moscovici. Il n’avait pas réclamé trop fort à Lagarde ou Woerth ou Baroin la liste des évadés fiscaux français transmis par l’Allemagne, mais veut des sanctions de la part de qui est « censé savoir qui fraude le fisc ».

Claude Goasgen admettait que la politique d’ouverture de Nicolas Sarkozy (Besson, Kouchner…) pouvait faire perdre des voix à l’UMP, mais ce n’était guère la dévolution à J. Cahuzac de la présidence de la commission des Finances qu’il visait. Mais au moins admettait-il, à propos de Raffarin écornant le bilan de Sarkozy, que « l’autocritique, ce n’est pas réservé à la gauche ». 

Autocritique ? Certes…

Que répond indirectement Michel Gonelle à Claude Goasgen ? « Selon ce que je sais de bonne source et qui m’a été rapporté, un haut fonctionnaire des douanes avait identifié le compte en 2008 ». Donc, effectivement, Moscovici pouvait savoir. Mais qui était donc ministre du Budget de mai 2007 à juin 2009 ? Un dénommé Éric Woerth, lequel aurait fait des cachotteries à Goasgen.

Et comme par hasard, ce haut-fonctionnaire des douanes serait élu d’une ville de l’Oise. Chantilly, ce ne serait pas dans l’Oise, monsieur le maire Éric Woerth ? « Tout ceci a été mis sous l’éteignoir », rajoute Michel Gonelle.

Effectivement, hormis Laurent Wauquiez, prudemment, vaguement Jean-Luc Mélenchon (qui, pour une fois, accablait certes encore Mediapart, mais sans mettre vraiment en doute l’enquête sur Cahuzac), toute la caste politique a bien formé le cercle d’un « cordon sanitaire » autour de Jérôme Cahuzac, a estimé l’ancien bâtonnier et ex-maire de droite. Michel Gonelle avait contacté l’Élysée dès le 15 décembre (l’affaire sort sur Mediapart le 4), c’est indéniable.

Mais c’était bien dès 2008 qu’Éric Woerth savait et s’était tu. Jérôme Cahuzac lui avait rendu la politesse en le dédouanant dans l’affaire Bettencourt. 

Eh oui, Noël Mamère le dit clairement : « on pouvait poser la même question à Nicolas Sarkozy qui a laissé Jérôme Cahuzac devenir président de la commission des Finances », soit « saviez vous ? ». Et qui avait écarté la proposition de loi écologiste qui demandait à ce que le pôle financier judiciaire soit doté des moyens supprimés par les Woerth et les Lagarde ?

Comme Moscovici aux autorités suisses, Jean-François Copé formule des questions tronquées, orientées, celles que « tout les Français se posent » ne visent pas que François Hollande, mais aussi son prédécesseur. C’est bizarre aussi, on n’entend plus Woerth ou Gaymard (vous savez, l’étalon de mesure de surface, 600 m² valant un gaymard, du nom de l’ancien ministre du Budget), ni Baroin, ex-ministre des Finances.

Christine Boutin veut la démission du président et du gouvernement, bien. Et que Nicolas Sarkozy continue à siéger au Conseil constitutionnel ?

Pourquoi donc l’UDI veut-elle limiter les investigations de la commission d’enquête qu’elle réclame à une date postérieure au 4 décembre dernier ?

Il s’est quand même trouvé un député Front de Gauche, Jean-Jacques Candelier, pour réclamer que Jérôme Cahuzac ne réclame pas ses indemnités de ministre (près de 9 500 euros mensuels pendant un semestre). Cela n’a pas beaucoup mobilisé l’UMP.

Comme nous l’exposions hier, il n’est pas beaucoup question, dans les débats et interpellations, de la réhabilitation de l’ancien inspecteur du fisc Rémy Garnier. Il est vrai que, voici peu, dans son dossier « Les secrets de l’affaire Cahuzac », Le Nouvel Observateur le traitait d’exalté accusant ses supérieurs « de toutes les turpitudes » et évoquant « sans preuve » l’existence d’un compte à l’étranger de l’ex-ministre. Ce n’était que le 21 mars dernier, alors que Jérôme Cahuzac avait déjà démissionné le 19. Le mémoire de Rémy  Garnier avait été adressé le 11 juin 2008 au tribunal administratif de Bordeaux. C’est bien les précédents gouvernements qui avaient requis deux mutations d’office, deux sanctions sous la forme de « titres de perception », une mise à pied de deux ans, quatre notations défavorables. Qui avaient poursuivi (n’est-il pas, Rachida Dati ?) Rémy Garnier en tentant de le faire condamner pour outrages dès 2005, et faisaient appel.

De 1993 à 1999, Cahuzac Conseil facture cinq millions de francs à des laboratoires pharmaceutiques, mais voici encore peu, l’UMP Bernard Debré, lui aussi médecin, considérait que ce n’était que broutille de la part de son confrère. Le professeur Bernard Debré, qui, lui, déclare n’avoir jamais travaillé pour un laboratoire pharmaceutique, exemptait très facilement son confrère d’avoir cédé à cette lucrative tentation. Et quand il s’opposait au laboratoire Servier, il ne s’offusquait pas que ce dernier ait eu pour avocat Nicolas Sarkozy.

Il est quand même étonnant d’entendre un ancienne ministre du Budget, Valérie Pécresse, se demander depuis quand François Hollande savait pour Jérôme Cahuzac. En 2011, quand ses services harcelaient Rémy Garnier, elle ne s’était rendue compte de rien, faut-il croire ?
Ou estimait-elle que Nicolas Sarkozy couvrait Jérôme Cahuzac ?

Le carnet d’adresses de Jérôme Cahuzac recoupe pratiquement tout le gotha et le Who’s Who. Que disait Rémy Garnier du médecin capilliculteur devenu député ? Qu’il rencontrait « ses amis de l’UMP » à l’hôtel Hermitage de La Baule et ceux du PS dans le riad d’Anne Sinclair à Marrakech. « Élucubrations délirantes », selon Me Gilles August, ancien défenseur de J. Cahuzac qui a passé la main.

Tout comme Hervé Martin (du Canard), Hervé Liffran, Bruno Roger-Petit (du Post), Marie-France Etchegoin (Nouvel Obs’) et tant d’autres journalistes oublient de balayer devant leur porte, les ténors de la droite, surtout ceux de l’UMP, n’expriment guère de regrets quant au sort que leurs amis des ministères des Finances et de la Justice ont réservé à ce lanceur d’alerte.

On attend à présent du Figaro une enquête fouillée sur ce qui se savait, dans les sphères du pouvoir, sur Jérôme Cahuzac, ce dès 2008, voire auparavant.

Non, François Rebsamen, le volet politique de l’affaire Cahuzac n’est pas clos. Ce n’est pas qu’à la justice de faire son travail, mais à l’inspection des services de Bercy qu’il appartient de remonter le plus loin possible aux sources de cette affaire. « Il faut aller au fond », a estimé Jean-Pierre Raffarin. « Quel service de l’État n’a pas fait son travail ? », ajoute-t-il, parfait, depuis quand ?
Qu’il nous dise aussi si nul dossier délicat de redressement fiscal impliquant une personnalité n’est jamais remonté jusqu’à Matignon quand il en était le locataire. « Où est la défaillance dans l’appareil d’État » et jusqu’à quand remonte-t-elle ?

Le Pen au parfum, Moscovici affabulateur ?

Le Monde nous apprend à présent que Philippe Péninque, avocat fiscaliste, aurait ouvert le premier compte suisse de Jérôme Cahuzac, à l’UBS, en 1992. C’était, tout comme Claude Goasgen était adhérent au mouvement d’extrême droite Occident, un membre du Gud (Groupe union défense), syndicat étudiant de gros bras et casseurs de gauchistes. C’est le même qui, fondateur d’Égalité et réconciliation avec Alain Soral, a tenté de faire recevoir Marine Le Pen, dont il est un proche conseiller, en Israël. Charmante fréquentation.

Philippe Péningue a-t-il aussi œuvré pour la famille Le Pen ? Pour lui, « ce qui est illégal, c’est de ne pas déclarer un compte, pas d’aider à l’ouvrir. Jérôme Cahuzac avait besoin d’un compte, je l’ai aidé à l’ouvrir », a-t-il déclaré au Monde. Il en aurait informé Marine Le Pen. Et voici que Gilbert Collard, le « bleu mariniste », doute de la compétence du gouvernement. Marine Le Pen ne l’avait pas mis dans la confidence ? Gilbert Collard n’était pas capable de détecter un Philippe Péningue dans son proche entourage ? « Ce n’est pas nous qui avons ouvert un compte pour M. Cahuzac en Suisse et à Singapour », a déclaré Me Collard. Un « nous » de majesté, sans doute.

Mais pourquoi donc revoter ? Pour envoyer un Philippe Péningue à l’Assemblée ? Autant réélire Jérôme Cahuzac, tel un Balkany. Philippe Péningue avait réalisé l’audit financier du Front national en 2007, histoire peut-être de faire de Marine Le Pen une « Madame Propre ».

La radio suisse RTS confirme les informations du Monde. En 1993, J. Cahuzac s’adresse à Reyl pour récupérer le compte, puis il passe à la filiale de la banque suisse Julius Baer à Singapour en 2009. Le procureur suisse Yves Bertossa a confirmé le montant transféré en Asie, soit environ 600 000 euros que Jérôme Cahuzac dissimulait au fisc comme à son épouse dont il est séparé. Yves Bertossa a surtout indiqué « que la justice genevoise n’avait pas eu connaissance d’une quelconque demande de renseignement du ministre français de l’Économie, Pierre Moscovici, dans ce dossier ». 

Faut-il comprendre que la fameuse demande des services fiscaux français a été ordonnée par l’Élysée à l’insu du plein gré de Pierre Moscovici ou que ce dernier aurait inventé une réponse à une demande inexistante ?

La question devrait être posée par Marine Le Pen, qu’on croit bien sûre très sincère…

Philippe Péningue, alors associé de Me Jean-Pierre Eymié, connaissait Patricia Cahuzac, car c’est la cousine de Me Eymié. Les Cahuzac et les deux avocats se fréquentaient, jouaient au golf, dînaient, entre copine et copains pour qui les opinions politiques étaient très secondaires.
Selon Le Nouvel Observateur, Marine Le Pen n’aurait appris le rôle de Philippe Péningue, de sa bouche même, qu’hier mardi. Ce qu’elle s’est bien sûr empressée d’annoncer, n’attendant pas que la presse la contacte pour obtenir confirmation ? Pas tout à fait, tout cela lui a semblé parfaitement naturel.

Marine Le Pen a botté en touche : « le système cherche à m’associer, par un biais ou par un autre, à cette affaire ». Le système venu de l’étranger et déboulant à cheval depuis les montagnes helvètes, sans doute. Mais non, Marine Le Pen n’est pas davantage associée au système que son père l’était avec les affaires, au sens très large du terme, ni elle-même avec Jean-Marie Le Pen, d’ailleurs, c’est juste une coïncidence.

Me Eymié était surnommé « Johnny le Boxeur ». Il a peut-être appris quelques feintes à Jérôme Cahuzac, lui aussi boxeur amateur. Avec un autre ancien du Gud, révèle Le Monde, les Cahuzac investissent dans des mines au Pérou. Jérôme Cahuzac place déjà les gains en Suisse. Cette cinquième personne se nomme Lionel Queudot, lequel avait servi à procurer un vrai-faux, faux-vrai passeport à Alfred Sirven, le monsieur pots-de-vin africains d’Elf. On retrouvera Sirven auprès de Roland Dumas et de Christine Deviers-Joncour dans l’affaire des frégates de Taïwan.

Un ultra-droitiste infiltré jusqu’au sommet de l’État socialiste ? Jérôme Cahuzac ne croyait pas à la lutte des classes, il la pratiquait seulement, du bon côté du manche.
Laurent Mauduit, de Mediapart, a évoqué, pour BFMTV, au moins un quinzaine de conflits d’intérêts mettant en cause le ministère des Finances, et annoncé une enquête sur le microcosme du pouvoir et de sa périphérie, portant notamment les relations de Jérôme Cahuzac avec un peu tout le monde, de tous bords.

Nadine Morano nous la joue petite provinciale qui s’est engagée en politique pour « servir son pays » (et non pour se servir et se faire servir). Elle souhaite un vaste remaniement ministériel. Interrogée par Ruth Elkrief sur le fait que le dossier Cahuzac était connu depuis 2008, que c’est Nicolas Sarkozy qui a facilité son élection à la commission des Finances, elle a prestement botté en touche. Elle a « mal à la France ». Ô douleur ! On a aussi très bien senti qu’elle ne souhaitait pas vraiment une réforme du Conseil supérieur de la magistrature qui écarterait les politiques des nominations et de l’avancement de carrière des magistrats. Quant aux conflits d’intérêts, cela n’a pas d’impact sur « le chômage des jeunes ». C’est simple, qu’elle se trouve un jeune successeur, cela pourrait aider. Pour laisser la place aux jeunes, il faut qu’elle rempile aux côtés du jeune Nicolas Sarkozy.
Luc Ferry lui succédait, il a eu des paroles réconfortantes pour Jérôme Cahuzac, a déploré le déferlement des « moralistes », mais n’a pas proposé Zadig et Voltaire pour remplacer Ayrault et Moscovici : Frédéric Lefebvre s’en chargera. Toujours est-il qu’il préconise un remaniement. Copé n’a pas pu s’empêcher d’embrayer en fin de soirée : remaniement.

On se souvient que, dans un premier temps, Éric Woerth déclarait connaître à peine, vaguement, de vraiment très loin, Patrice de Maistre. Démasqué, il déclare : « Je n’ai menti sur rien, Madame Ferrari, et je vous le redis, les yeux dans les yeux ». Woerth, a remémoré Edwy Plenel, était le premier défenseur de J. Cahuzac (et vice-versa, d’ailleurs).

Les syndicats des agents du fisc rappellent simplement que 25 000 postes ont été supprimés en dix ans et que des fraudeurs commencent à considérer que, puisqu’on pouvait frauder au plus haut niveau, pourquoi pas eux ? On voit très bien qui ils auraient envie d’élire ou de réélire… Peut-être une cheffe de parti disposant d’un bon entourage d’avocats fiscalistes.