Après des années d’errance, le réveil est d’autant plus dur qu’il est fulgurant.
S’en suivent moult étirements.
Le cerveau envoie des signaux qui rendent le regard intense, acéré.
Le cœur, engourdi par tant de solitude, reprend de la force, prêt à passer à l’action, tout fougueux qu’il se sent!
C’est qu’il en a perdu de la masse musculaire:
L’hibernation a ses propres limites et l’urgence de retrouver le poids du goût en tout genre refait enfin surface.

Donc, notre regard ne fuit plus.
Il devient insistant, effronté.
Il jauge, il jubile.
Il est gourmand subitement.
Notre cœur, grand responsable de ce chambardement,  fait apparaître ce besoin incommensurable de tendresse refoulée durant une longue période de souffrance pendant laquelle nous nous sentons invulnérables, au-dessus de toute tendresse tant la douleur nous rend de méchante humeur : plus de Dieu, plus de maître, plus de tout!
Qu‘un trou béant dans lequel un froid glacial enclin tout notre être au recroquevillement.
Nous oublions la vie, nous oublions d’écouter notre cœur puisque nous nous voulons sourds, hermétiques.
Puis un jour, sans savoir pourquoi, ce besoin de tendresse nous sort de notre épisode léthargique et nous saute dessus comme la misère sur le bas clergé.
Nous posons un regard vierge d’animosité sur les autres.
Puis, nous les scrutons avec attention.
Puis, avec un semblant de pudeur effrontée.
Ça arrive comme un coup de tonnerre dans le cerveau, une évidence venue d’on ne sait où.
Je parle du besoin de tendresse qui nous submerge de la racine des cheveux jusqu’à la pointe des pieds.
C’est une bouffée de chaleur enivrante.
Un bouleversement de nos sens qui se sentaient délaissés et qui battent une folle chamade, aujourd’hui.
Et cette envie furieuse de sentir des bras imaginaires et puissants se refermer sur vous…
Les nerfs lâchent!
Nous rions.
Nous ne tenons plus en place, prêts à braver l’impossible et à briser le carcan de la sagesse.
Coup de folie qui nous rend invincibles, du moins nous le croyons dur comme fer.
Jamais nous n’avons été plus fragiles :
Nous sommes à la merci du moindre mot, de toute ébauche de sourire, d’un simple frôlement ou d’une odeur imperceptible.
Tous nos sens aux aguets sont aiguisés jusqu’à ne plus percevoir le rebord du tranchant.de cette lame miraculeuse.
Nous serions presque tentés de nous jeter à la tête du premier venu…
Et là… les ennuis commencent!