Il y a un an, il soufflait en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, un vent de liberté et de démocratie. La volonté que, des cendres d’un monde liberticide, naisse un univers où chacun puisse agir à sa guise. Le vent d’espoir est vite retombé et c’est finalement un courant d’air que l’on a pu ressentir. Une utopie semblait devenir réalité, les dictateurs tombaient comme des chateaux de cartes, avec quelques réticences, il faut l’avouer. La place vacante du pouvoir a fait peur, des hommes de religions se sont engouffrés dans l’engrenage et ont fait dérailler la machine libérale. A quelques milliers de kilomètres de là, dans un pays aux températures plus fraîches, des étudiants inspirés par ce courant de ( libertés ) se sont soulevés. Le « printemps érable » a secoué la terre des caribous.
La « Belle Province » québecoise est en proie à un marchandage de l’enseignement. Une attitude loin des idéaux éclairés des Lumières. Depuis le 13 février 2012, les étudiants quebecois manifestent inlassablement sans trouver de sortie au tunnel. Ils se sont dressés face à l’augmentation exponentielle du prix des inscriptions à l’université. Les facultés se transforment en ghetto, des lieux privilégiés pour les personnes fortunées. Ainsi, la sélection ne se ferait plus par l’ingéniosité déployée lors des concours mais par l’aptitude d’aligner les chèques des parents ou des étudiants eux mêmes.
Des frais d’entrée plus important que les années précédentes, conséquences d’une privatisation progressives des études. Souvenez vous, on a frôlé la catastrophe, Valérie Pécresse « miaou » (hommage au Petit Journal) réservait cela à notre enseignement supérieur, c’est dire que l’on a évité le pire.
Ce genre d’évènement est inédit dans la région où règne une culture américaine où les marches revendicatives dans la rues ne sont pas courantes. Les américains aiment nous critiquer la dessus, pour eux nous sommes des français aimant descendre dans la rue pour battre le pavé. Un comportement effrayant, encore plus aujourd’hui, depuis que nous avons un «dangereux »socialiste à la tête de l’Etat.
Le mouvement n’est pas minoriaire, il est rejoint par les autres pans de la société, le peuple quebécois suit et approuve ce mouvement de colère avec unanimité. Il se répand comme une tâche d’huile, de telle sorte que le 22 mai, 100ème jour de grogne à Montréal, plus 250,000 personnes ont défilé dans les artères de la ville. En voulant appliquer la "loi spéciale 78", le gouvernement fédère les citoyens contre lui car celle-ci est une effreinte au droit syndical de se réunir pour manifester.
En 2011, le Premier Ministre libéral Jean Charest, avait déjà procédé à une majoration de de 30 % des frais. Actuellement, celle qui fait bondir de rage les étudiants, c’est l’application par échelon d’une seconde hausse de 75 % sur 5 ans. Concrétement, ils passeraient de 2168 $ à 3793 $
Théoriquement, il s’agirait d’une mesure prise pour palier les carences en obtention de diplômes et développer la qualité des enseignement, omettant la possibilité aux classes populaires d’accéder aux amphithéâtres. Les universités se voient de plus en plus privées d’aides, l’Etat se montre de plus en plus avare et s’évertue à couper les vivres. Elles sont alors obligées de lorgner vers des fonds privés.
Une façon d’agir assassine envers les recherches universitaires. Les sujets jugés non rentables sont jetés à la poubelle et persistent, uniquement, ceux qui peuvent rapporter de l’argent à court ou moyen terme. Quel avantage aurait une entreprise a subentionner des travaux sur l’oeuvre de Baudelaire, alors qu’elle pourrait tirer plus de bénéfice en investissant dans le développement d’applications internet où vous devez envoyer un chien le plus loin possible.
Les grèves, malgré les mois et les saisons qui passent, continuent. Après une première phase de 10 semaines marquée par l’inertie des deux côtés, une vraie guerre de tranchées, le gouvernement compte sur la fin des études et le ras le bol des jeunes pour espérer un faire une avancée victorieuse. Le gouvernement refuse de faire marche arrière et ne plie pas sous la pression des étudiants. Il se fait une necessité de rester ferme face aux exigences afin de se montrer crédible devant les investisseurs privés. Le gouvernement voulant faire taire les jeunes « rebelles », n’a cessé d’envoyer les forces de l’ordre. Dans les rues et les places, les agents, protégés par des armures en plastique renforcé, en matériaux pare-balles, armés de matraques, absurdement bien équipés, ont fait pleuvoir les coups, sur les corps jeunes et frêles de jeunes adultes en quête de savoir. Dans une forme de mythification, les rangs estudiantins célèbrent leurs martyrs tombés sous les gaz lacrymogènes.
Allant dans le même sens que les autorités provinciales, les universités ont tout fait pour éloigner les grévistes hors de leur enceinte, allant même jusqu’à imposer des peines et des amendes aux responsables d’acte d’insoumission.
Ils ont fortement pensé avoir réussi leur coup quand, le 14 mai dernier, la Ministre de l’Education, Line Beauchamp, est tombée. Cependant, sa successeur, Michelle Courchesne, reste droite dans ses bottes, garde son stylo en poche, ne voulant signer aucun accord, se présentant même devant les syndicats, sans ses papiers pour montrer qu’elle ne reculera pas.
Les récents évènements font écho à un certain Mai 68 français. Le pouvoir libéral à force de considérer la société comme une entreprise, les hommes comme des marchandises, a crée de lui-même une tornade dans laquelle il risque d’être aspiré. Il prévoit enseignement à deux niveaux, ou plutôt un seul, celui des fortunés éclairés et, pour le reste de la "masse populaire", il faudra se contenter d’une éducation scolaire et précaire. Pourtant le Savoir est un flambeau, en faire profiter autrui ne coûte rien et ne s’en retrouve pas dépossédé.