Au moment où l'interdiction de fumer dans les lieux publics s'impose en France, le monde de la réalité virtuelle ouvre de nouvelles perspectives pour venir en aide aux fumeurs qui souhaitent s'arrêter, et plus généralement aux personnes dépendantes.
S'inspirant des expériences menées dans le traitement des phobies et des troubles anxieux (peur du vide, de l'avion, de s'exprimer en public…) ou du stress post-traumatique (attentat, guerre…), des recherches sont conduites, notamment aux Etats-Unis, sur la prise en charge des addictions grâce à la réalité virtuelle .
Le principe est simple: il s'agit de plonger la personne dépendante dans un monde virtuel où elle est exposée à des stimuli (visuels, auditifs, olfactifs, tactiles…). Equipée d'un visiocasque avec écouteurs, elle "évolue" dans un environnement recréant des situations de la vie quotidienne (odeurs comprises…) et des ambiances qui peuvent conduire à avoir envie de la substance addictive (nicotine, alcool, cannabis, cocaïne…) et éveiller un état de manque.
A ce stade, le thérapeute prend le relais, utilisant les techniques classiques des psychothérapies cognitivo-comportementales (TCC), et s'efforce de développer avec la personne dépendante des stratégies pour résister et éviter la rechute.
La plongée dans un environnement virtuel proche de la réalité permet de gérer et contrôler les réactions du patient (des mesures physiologiques sont réalisées simultanément). Le thérapeute peut évaluer précisément sa dépendance et l'efficacité du traitement.
Si le système n'est pas encore validé cliniquement, "les premiers résultats sont prometteurs", a commenté Ken Graap, directeur général de Virtually Better, société d'Atlanta qui développe depuis plusieurs années des applications thérapeutiques de la réalité virtuelle et possède également une clinique.
Les travaux de recherche sur les addictions ont débuté il y a trois ans et des études sur le tabac sont actuellement en cours sur deux groupes de 40 personnes, a-t-il précisé par téléphone depuis Atlanta, lors d'une conférence de presse organisée cette semaine à Paris. Virtually Better a développé pour le moment 7 environnements en liaison avec la nicotine: une soirée dans un loft, un trajet en voiture…
Le plus difficile pour le tabac, explique Ken Graap, c'est de trouver des "signaux neutres", car toutes sortes de situations peuvent susciter une envie de fumer. Pour certains, ce sera des situations de stress, pour d'autres au contraire une ambiance décontractée. Il n'y a guère que les aquariums avec des poissons qui ne soient pas des signaux évocateurs, plaisante-t-il.
Ces nouvelles applications seront en bonne place aux 9e rencontres internationales de la réalité virtuelle qui se tiendront du 18 au 22 avril à Laval (Mayenne).
La réalité virtuelle permet une plus grande souplesse et offre des "composantes supplémentaires" par rapport aux "mises en situation" plus traditionnelles, explique Evelyne Klinger, responsable scientifique du symposium "Comportements humains et addictions" qui se tiendra le 19 avril à Laval.
Outre les addictions, "Laval Virtual" aura cette année deux autres thèmes phares: "Prévoir le risque et sauver" et "La réalité virtuelle, un atout pour la gestion du patrimoine".