La Poste : normalisation en vue

Cette semaine, un beau ballon d'essai a été jeté à l'eau par la direction de La Poste (on pourra d'ailleurs s'interroger cette pratique des ballons d'essais qui est pour le moins bizarre) : La Poste envisage un changement de statut, d'établissement public à Société Anonyme (SA) afin de pouvoir lever des fonds par ouverture de son capital (10 à 20% soit 2 à 3 milliards d'euros) pour financer son développement. Alors bien sur, les pouvoirs publics se sont empressés de donner des garanties que "l'Etat restera très majoritaire" (C.Guéant) ou encore que "la Poste restera une entreprise publique" et que "la mission de service public de La Poste doit être réaffirmée et maintenue" (C.Lagarde) mais ne doutons pas que la privatisation arrivera ensuite comme ce fut le cas pour les autres monopoles publics libéralisés. Mais même avec ces précautions, il s'agit d'un sacré boulversement qui semble pour l'instant passé comme une lettre à La Poste (merci, merci!!!). Serait-cela la rupture tranquille ? S'attaquer petit à petit mais méthodiquement à nos archaïsmes pour faire de la France un pays libéré (ports, 35 heures, régimes spéciaux…) mais il reste du travail :  retraite par capitalisation, SNCF, ISF, Education, déficits budgétaires, fonctionnaires, impôts…

Le terrain avait quand même était bien préparé puisque cela fait plus de 5 ans que La Poste n'embauche plus un seul fonctionnaire et que petit à petit au fil des départs en retraite, les salariés de droit privé remplacent les fonctionnaires, ils seront majoritaires en 2012. Les retraites ont été réformées afin de ne pas se faire taper sur les doigts par la Commission pour subvention déguisée et l'armée mexicaine commence à se réduire. Alors bien sur, les syndicats sont opposés à ces évolutions, c'est le moins que l'on puisse dire surtout que cela s'attaque à des dogmes du "service public" qui est aussi l'employeur du nouveau héraut de la gauche, notre facteur de Neuilly. Mais le paysage syndical est divisé ce qui laisse la place à la négociation et surtout, la fracture interne entre fonctionnaires et salariés de droit privé ouvre de la possibilité pour une réforne. Et puis, ne doutons pas qu'au passage, l'entreprise publique saura être très généreuse avec ses salariés (2 à 2,5% du capital selon les Echos) comme l'ont été avant elle France Telecom, Air France, GDF et EDF ainsi que beaucoup de monopoles publics libéralisés et indroduits en Bourse, afin de faciliter les négociations. D'ailleurs, c'est souvent un des seuls moyens pour que la privatisation ne se passe pas trop mal : payer pour racheter les "avantages acquis" et les rentes comme le préconisaient d'ailleurs deux économistes de renon pendant la campagne présidentielle.

Mais il n'y a pas que les syndicats qui y sont opposés, beaucoup d'hommes politiques, à droite également, voient la poste comme un outil de l'aménagement du territoire comme du temps des PTT (mais dont les TT ont été privatisés depuis bien longtemps). Mais l'Histoire est en marche, la libéralisation du secteur postale décidée au niveau européen sous la cohabitation Chirac-Jospin oblige La Poste à s'adapter si elle ne veut pas être manger par les concurrents étrangers qui n'attendent que 2011 et la libéralisation totale du secteur pour entrer sur le marché francais, surtout qu'en cas de difficulté, l'Etat ne pourra plus remettre la main au pot désormais. Dans peu de temps, La Poste intégrera le CAC40, lèvera de l'argent frais sur les marchés financiers, aura des concurrents qui l'obligeront à offrir un service de qualité, à se soucier réellement des clients, à imaginer de nouveaux produits, à faire baisser ses coûts pour rester compétitifs, à ne pas être en grève tous les 4 matins, avoir une productivité normale pour ses employés… La vie normale d'une entreprise en somme…