Comme chacun sait, Venise et les îles qui l’entourent sont menacées de submersion dans un futur assez proche; pour remédier à celà, un système de digue artificielle a été mis en place, et devrait si tout va bien résoudre le problème d’enfoncement de l’île, au moins à court terme. 

Mais un autre mal ronge Venise et la détruit à une vitesse beaucoup plus inquiétante : le tourisme de masse. En effet,la ville perd peu à peu son âme, rongée par les souvenirs made in China, les flux de touristes, l’exil de ses habitants, notamment les plus jeunes, et la restauration de ses monuments confiées à des marques de soda. 

 De la gare Santa Lucia à la place Saint-Marc, de moins en moins d’artisans locaux mais des magasins de souvenirs chinois, des étals pakistanais ou des boutiques de luxe internationales. Un grand nombre de souvenirs vendus ne sont même plus fabriqués en Union européenne. 

Les boutiques d’artisanat de bonne qualité sont elles-mêmes souvent tenues par des européens d’autres pays ou par des italiens venus d’autres villes. Les deux quartiers qui restaient encore les plus populaires, le Cannareggio et le Castello, se dépeuplent à leur tour. Les jeunes vénitiens partent vivre à Mestre, afin de pouvoir se loger à des prix corrects, travailler dans autre chose que le tourisme. Même les étudiants des universités de Venise, comme l’université Ca’Foscari, vivent souvent à Mestre, alors que leurs parents résistent et habitent encore l’île. La plupart des vénitiens vivent aujourd’hui hors de Venise, soit à Mestre soit dans les autres villes de la région, comme Padoue, Vérone ou Vicence. 

Ce phénomène d’exode touche également -et même encore plus – les petites îles de la lagune, comme Murano, Burano ou Torcello. Un article du Corriere del Veneto paru le 28 juin dernier parlait du problème de Torcello : peuplée de 280 habitants en 1949, l’île ne compte plus en 2014 que 10 habitants, dont une seule famille. Les difficultés de la vie sur l’île ont poussé les derniers "jeunes" qui restaient à partir pour Venise ou d’autres villes de la région. La population a diminué presque de moitié entre 1976 et 2012.

Si le tourisme fait vivre la sérénissime, il la tue aussi lentement mais sûrement. Les quelques habitants qui restent se rabattent sur le dialecte vénitien pour se reconnaître et se retrouver au milieu des touristes et des "néo-sérénissimes", dans des endroits de plus en plus déserts. Pourtant, le charme unique de Venise doit avant tout à ses habitants anciens et actuels, au mélange unique de cultures qui ont forgé l’identité vénitienne, et la ville a tout à perdre à devenir une ville-musée. Souhaitons que les jeunes générations parviennent à se réapproprier la lagune et à lui redonner un élan populaire dont elle finit par manquer cruellement, et l’empêcher ainsi de devenir une ville morte.