"Bonjour, je suis responsable de la promotion du prochain livre de Bernard Henri-Lévy sur Internet et j'aime beaucoup le ton et la teneur de votre site. Le livre en question s'appelle "Ce grand cadavre à la renverse" et il sort le 9 octobre en librairie. J'aimerais vous le faire parvenir afin que vous écriviez une critique sur votre site avant sa parution." C'est ce courrier électronique, dont parlait Guy Birenbaum sur son blog, qui explique le présent billet. Certes, ça fait un moment que le livre en question est sorti. Mais le journaliste blogueur a ceci de supérieur à son confrère rétribué qu'il maîtrise ses délais. Pas question de dévorer gloutonnement, toutes affaires cessantes, le dernier opus de BHL pour pondre une critique dans la précipitation. L'actualité au quotidien commande ici, et un nouveau livre ne devient tout de même pas obsolète un peu plus de deux semaines après sa sortie. Par contre, nous avons pris l'engagement d'y consacrer un sujet, en répondant d'un laconique "pourquoi pas ?" au mail reçu. Il nous est avis que, si les promoteurs du livre de BHL comptaient nous faire les gros yeux, la teneur du présent article ne les en dissuadera certes pas.
Neuf pages suffisent
Entamant la lecture de l'ouvrage, nous y trouvons un avant-propos baptisé Avertissement, qui devance de neuf pages le début proprement dit. Ce prologue raconte une conversation téléphonique entre le philosophe médiatique et Nicolas Sarkozy. L'on y apprend que BHL entretient avec le président "des relations de camaraderie anciennes qui datent de sa première élection, en 1983, à Neuilly". Copinage distingué entre Neuilléens, somme toute, BHL faisant partie des habitants de ce rupinland. Donc invitation à déjeuner à la mairie et là, paf, coup de foudre : "sympathie immédiate pour ce très jeune garçon, incroyablement péremptoire". Lévy poursuit en énumérant : "Autres déjeuners, au fil des années. Dîners avec épouses. Séjours à la montagne." Abasourdi, nous imaginons alors ce genre de dialogue : "Oh Arielle, si tu avais vu comment Nicolas a fait le con sur le tire-fesses, la crise de rire !" Bref, ces deux-là sont copains comme cochons : "quelque chose qui, à force, malgré des désaccords réels, et que les années ne réduisent pas, finit par ressembler à une sorte d'amitié". Malgré les précautions oratoires, on en chancèle. Heureusement, les "désaccords réels" nous rassurent : c'est dame que BHL est de gauche ! Même que Sarkozy lui réclame son ralliement mais qu'il refuse, faisons-lui crédit de cela. Cet Avertissement préalable nous amène donc au vrai début du livre.
Et 16 lignes
Après nous avoir confessé : "sarko, c'est mon pote, mais je ne suis pas d'accord avec lui quand même", l'auteur nous amène finalement où il voulait en venir : "Je serais incapable, à cet instant, de détailler les raisons pour lesquelles l'idée même de voter Sarkozy me paraît aussi impensable". Peut-on rêver plus admirable première phrase pour commencer un livre ? Donc, le 23 janvier 2007, jour de la conversation téléphonique sus-évoquée, il est pour BHL impensable de voter Sarkozy – on a eu chaud – mais, par contre, il ne sait pas pourquoi. On l'aide un peu ? Peut-être parce que cet homme est le chef de la droite, tendance autoritaire, roi des rodomontades et de la répression ? Parce qu'il n'a eu de cesse de faire voter des lois démagogiques, instrumentalisant l'insécurité et l'immigration au profit de son ambition personnelle, et tant pis pour les effets collatéraux (émeutes des banlieues de 2005) ? Ne sont-ce pas là déjà de bonnes raisons, Bernard ? Apparemment non, pas pour le chroniqueur du Point – hebdomadaire de la droite décomplexée, qui fustige les assistés, les profiteurs et les fraudeurs à longueurs de numéros, entre deux feulements d'extase néo-libérale, à tel "Point" qu'on peut se demander ce que vient y écrire un supposé homme de gauche. Bref, BHL ne peut pas détailler les raisons de son non-sarkozisme parce que, explique-t-il : "je ne connais pas, et pour cause, sa position sur la nécessité d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. Il n'a pas encore fait, au journal Philosophie Magazine, sa navrante déclaration sur les prédispositions à la pédophilie et au suicide, (…) la génétique comme un destin. Il ne s'est pas exprimé sur la fâcheuse habitude qu'ont les Français de fraîche date d'égorger des moutons dans leurs baignoires". Bon, mettons. Il n'a certes pas, le 23 janvier 2007, mis les points sur ces "i"-là. Même si l'ancien "nouveau philosophe" nous prend quand même un peu pour des imbéciles en prétendant que le caractère ultra droitier de Sarkozy lui était alors encore inconnu : comme s'il n'avait pas été au ministère de l'Intérieur depuis 2002 pour y conduire la politique que l'on sait ! Mais là où ça ne va plus du tout, c'est que BHL, croyant nous asséner le tir au but décisif, finit ainsi (sa première page) : "il n'a encore lancé, ni aux Français basanés son "la France, aimez-la ou quittez-la", ni aux édiles de l'UMP son appel à accorder leur parrainage – "au nom de la démocratie" – à un Jean-Marie Le Pen qui était en train, sans cela, d'être interdit d'élection". Qui était en train d'être interdit ? Que cette phrase est hideuse, sur le plan stylistique, et abusive sur le fond : adopter la posture du martyr empêché de candidature, Le Pen fait le coup à chaque élection ! Et puis est-ce la conception de la démocratie béachélienne – si l'on ose l'adjectif – d'empêcher que puisse se présenter un homme politique en qui s'incarne pourtant un courant de l'opinion non négligeable ? Mais surtout, Plume de presse a de la mémoire. Et la phrase : "si certains n'aiment pas la France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter", contrairement à ce que feint BHL, a été prononcée bien avant ce 23 janvier 2007 d'où il fait débuter son ouvrage. Sarkozy l'a éructée exactement le 22 avril 2006. On se souvient du retentissement. Impossible donc, pour celui que Nicolas Beau et Olivier Toscer désignent comme Une imposture française, de l'avoir ignorée. La vérité est donc qu'au moment où il débute le livre, BHL est parfaitement au courant que le futur président est déjà monté d'un large cran dans le racolage des frontistes, en empruntant un slogan à l'extrême droite, une dérive qui annonce toutes les autres. Mais que ça ne le gêne alors pas plus que ça. Et qu'il joue les innocents à la mémoire sélective, avec son "erreur" de date de 9 mois. Nous n'en sommes qu'à la première page du premier chapitre de la première partie et, déjà, Lévy démontre toute son aisance dans l'art du foutage de gueule désinvolte. Alors quand on sait qu'il va ensuite attaquer Noam Chomsky ou dénoncer l'anti-américanisme comme "métaphore de l'antisémitisme", on a déjà envie de refermer le livre. Désolé, monsieur Grasset*.
* : Editeur de Bernard-Henri Lévy
Dandy contre Diktator ? Bigre !
Bonjour Laurent, on continue à être d’accord pour tout. On est des plantes rares, toi, et moi, deux journalistes (moi, 63 ans, depuis peu à la retraite, ancienne radio TV presse, auteur plusieurs ouvrages chez éditeurs de renom)ne pliant pas devant Sarko and Co, BHL pour le nommer,ne se couchant pas même pour une bonne soupe. Rare, vraiment ! Donc, dans mon blog http://r-sistons.over-blog.com, BHL et Sarkozy c’est Dandy contre Diktator, version soft pour l’un, dure pour l’autre, tous deux néocons pro EU et Israel obsédés par l’Islam nouveau bouc-émissaire des frustrés de la mondialisation. Stop ! a la prochaine, Laurent PS je conseile à tous de faire circuler ma lettre ouverte à la gauche (momifiée). eva
Au fait, j’ai oublié le principal, ton article est bon et courageux. Merci, Eva
additif
et j’ajoute, excuse-moi, que je te cite régulièrement sur mon blog maintenant que je te connais ! Eva
Merci beaucoup, Eva
Mais moi, c’est Olivier 😉
en plus du soleil ce matin, une bonne découverte : un excellent blog
déprimée depuis le 6 mai,quelle belle découverte ce matin en vous découvrant!!!j’ai eu l’impression en vous lisant, que vous lisiez dans mes pensées!!!chapeau bas pour la justesse de vos écrits, je m’attelle dès ce matin a vous faire connaitre autour de moi bon courage et surtout ne lachons rien………nanou
Merci
Je suis flatté.