La fille du train

Réalisateur : Tate Taylor

Date de sortie : 26 octobre 2016

Pays : USA

Genre : Drame, thriller

Durée : 112 minutes

Budget : 45 millions de dollars

Casting : Emily Blunt (Rachel), Haley Bennett (Megan), Rebecca Fergusson (Anna), Justin Theroux (Tom)

Rachel prend le train tous les jours pour se rendre à Manhattan où elle semble travailler. La route est longue et bordée de maisons. De belles résidences bourgeoises avec vue sur un lac. En regardant par la fenêtre et croisant quotidiennement des moments de vies, elle s’imagine des existences idéales forgée dans le bonheur et l’amour. Tout cela forme pour elle un équilibre réconfortant, jusqu’au jour où un élément perturbateur vient tout chambouler. Commence alors une sombre histoire de disparition et la réapparition des fantômes du passé. Le destin va lier 3 femmes dans une spirale destructive, de violence et de mort. Le film est l’adaptation américaine, avec les aménagements qui vont avec, du best-seller éponyme sorti en 2015 signé Paula Hawkins.

Souffrant d’une entrée en matière assez difficile : beaucoup de personnages, de noms, une situation pas très bien expliquée, un découpage par chapitre passant d’un personnage à un autre(Rachel, Megan et Anna) sans réelle transition, sans aboutir à une conclusion véritable, des allers-retours entre le passé et le présent, tout cela rend le début un peu confus. Heureusement, la suite est plus claire à suivre, toutefois cela se fait attendre. Le film prend la forme d’un puzzle où progressivement, par le biais des ellipses, l’intrigue se résolve. Pièce après pièce pour former un ensemble cohérent. Tout le déroulement du film se fait selon les souvenirs de Rachel. Alcoolique notoire, elle est sujette à des trous de mémoire, tombant après une bonne biture et se réveillant plusieurs heures après. Un trou dans son existence s’est formé, un point d’interrogation auquel son ex-mari aime y répondre avec une certaine perversité. Ainsi le spectateur plonge dans un thriller captivant, malgré une certaine lenteur, où il se dégage quelque chose de terrifiant. L’état de faiblesse est constant, comme fragilisé par l’alcool qu’aurait ingurgité Rachel, on subit le récit ne sachant pas démêler le vrai du faux.

La fille du train vaut surtout pour son trio d’actrices car ici les hommes n’ont clairement pas le beau rôle. Si Rebecca Ferguson et Haley Bennet offrent de bonnes prestations dans leur rôle respectif, c’est à dire la nouvelle femme plus jeune, plus fraîche et la fille mal dans sa peau, légèrement nymphomane, oubliant sa détresse en courant, celle qui crève l’écran c’est Emily Blunt. Investie et enlaidie, elle incarne à merveille cette femme d’une infinie tristesse, seule, uniquement habitée par la culpabilité et le remord, calmant ses démons intérieurs avec des litres de whisky. La folie n’est jamais loin, ayant du mal à lâcher prise, ne supportant plus l’adultère, elle explose dans une scène riche en émotions : face à un miroir dans les toilettes d’un bar miteux, elle vide son sac avec humilité et dans ses yeux bordés de mascara dégoulinants se lit un spleen dévastateur. Complexe et torturée, en souffrance permanente, le personnage aurait pu être exaspérant, c’est tout le contraire grâce au talent de l’actrice qui parvient à la rendre attachante. Les mâles sont assez insignifiants, entre le mari de Megan qui la rend malheureuse avec ses envies de bébé et le psychiatre, celui qui tient un place centrale c’est Justin Theroux. Ex-mari de Rachel, remarié à Anna, il incarne un être tantôt protecteur et rassurant, tantôt sombre et manipulateur. La film accueille une guest plutôt inattendue en la personne de Lisa Kudrow, l’ancienne Phoebe de Friends, dont la présence bien que furtive reste décisive pour la fin de l’histoire.

Possibilité offerte grâce au cinéma, le visuel raconte des choses qui ne sont pas écrites. Intelligente, la mise en scène change selon le personnage. Emily Blunt est filmée de près avec de nombreux gros plans sur son visage abîmé par l’alcool, car nous sommes dans son histoire et cette proximité aide à lire ses pensées. Pour Rebecca Ferguson, la caméra est fixe, après tout son mode de vie l’est également, un mari, un enfant, une vie bien rangée dans une banlieue cossue avec des habitudes monotones. Concernant Haley Bennet, tout est constamment en mouvement car malgré son jeune âge, elle a déjà beaucoup vécu. A l’extérieur les couleurs sont froides, dominées par des teintes bleutées. Cela se marie bien avec l’automne où l’ambiance est maussade et fait écho au caractère dépressif de Rachel. Mais il y a aussi la volonté de contraster entre les extérieurs d’apparence calmes et reposants avec ces paysages magnifiques traversés par le chemin de fer et les intérieurs où règne la violence et la méfiance.

La fille du train résonne avec quelque chose de très humain : ce voyeurisme naïf, jamais malsain, qui fait penser que l’herbe est plus verte chez les autres et qui force l’imagination à créer des vies qui l’on ne vivra jamais. Le film nous en livre une plaisante à suivre, un bon thriller avec des rebondissements même si globalement il n’y a pas de grosse surprise et la fin semble attendue. On relèvera la petite ironie du sort : être sauvée par un tire-bouchon alors qu’on essaie d’arrêter de boire.