La crèche chrétienne de Noël doit-elle être représentée en place publique et financée par une municipalité ? Non, a estimé le tribunal administratif d’Amiens. Oui, se prononce paradoxalement Riposte laïque, association dont la vocation semble être devenue une maniaco-islamophobie débridée. Car la crèche, « c’est mieux que le muezzin », proclame la signataire d’un article de la revue homonyme. Ah bon ?

J’estime qu’on peut fort bien se refuser d’assister à une cérémonie religieuse, fusse-t-elle célébrée à l’occasion d’un mariage, baptême, circoncision, enterrement d’un proche, et écouter des chants grégoriens, les radios religieuses égyptiennes, des chants juifs ou autres et même aller à des concerts dans des églises, synagogues (pour les mosquées, j’ignore s’il s’en donne). Je ne refuse pas pour ma part d’assister à de telles cérémonies (même si je salue bien bas celles et ceux qui le font). De même, en Catalogne et Espagne, puis-je prendre plaisir à visiter les gigantesques crèches chrétiennes que des établissements bancaires implantent sur les places publiques (derrière les parois de tentes ou de containers aménagés). J’imagine que ces banques louent l’espace aux municipalités et même si je déplore que leurs clientèles soient ainsi mises à contribution publicitaire, sans que leur avis ait été sollicité, je m’y résigne. Admettons qu’il s’agisse de manifestations artisanalo-artistiques et culturelles…

En revanche, je comprends fort bien que l’ancien maire du village de Montiers, dans l’Oise, qui sous son mandat organisait une « chasse aux œufs de Pâques » (insiste le maire actuel, Xavier Deneufbourg, rapporte le quotidien La Croix), se soit ému de l’installation d’une crèche chrétienne municipale, initialement sur la place principale, de fait à présent à proximité de l’église et du cimetière communal. Le plaignant, Claude Debaye, fort de l’annulation par le tribunal administratif de la délibération municipale, demande à présent au préfet d’en rendre exécutoire la décision.

« La grandeur de la laïcité est de respecter toutes les religions en n’en privilégiant aucune ; le maire fait preuve de prosélytisme, » a estimé Claude Debaye. Diable (interjection commune), où va donc se nicher la « grandeur » ! En revanche, la petitesse prosélyte en faveur d’une plus grande tolérance de l’influence des églises chrétiennes vient maintenant, très ouvertement, se lover dans les colonnes de Riposte laïque. On pouvait le pressentir, le thème de la « chrétienté, rempart contre l’islam » est désormais la devise de cette association qui ne voit plus que le Front national et les Identitaires pour bastions (sans doute à tort d’ailleurs) avancés de cette conception électoralo-sociale. En quoi une belle crèche chrétienne serait-elle « mieux » que le chant d’un muezzin talentueux, du simple point de vue de l’expression « artistique » et « culturelle » ? Parce que les chrétiens ont brûlé, passé au fil des glaives et sabré les « païens » qui ont inspiré ces manifestations (genre « sapin de Noël » et autres), il faudrait s’en accommoder benoîtement et avec bonhommie, mais ne pas tolérer l’imposition par les musulmans du statut de djimmi, qui ne protégeait pourtant pas de sporadiques pogromes ? Selon Catherine Ségurane, signataire pour Riposte laïque, qui fait la promotion du communiqué du FN de Picardie reproduit par Christine Tasin, « militante républicaine et laïque », la laïcité « ne consiste aucunement à harceler les chrétiens en leur demandant de cacher d’innocentes et heureuses pratiques festives. ». Cette nostalgique des santons provençaux (pourquoi pas ? c’est son droit…), considère-t-elle aussi, comme Christine Tasin, que « nos légendes chrétiennes (…) sont universelles, parce qu’elles prennent leur racine dans le paganisme, c’est-à-dire dans les peurs et les espoirs des hommes de toute éternité. ». Ben, et l’islam, donc, prendrait-il moins racine dans le paganisme solaire égyptien (entre autres), tout comme le judaïsme et le christianisme ? Le christianisme, d’ailleurs, qui est fort vaste (l’église apostolique romaine n’en étant qu’une expression parmi tant d’autres), a su aussi prendre d’autres racines, ailleurs qu’en Europe. Tout comme l’islam, il a su récupérer des croyances d’Afrique, d’Amérique du Sud, d’Asie, les assimiler, détourner, ou composer avec elles. Seraient-elles moins universelles ? Au nom de quoi ?

Bref, on comprendra que Catherine et Christine, embarquées dans « la Marine » (Le Pen), vont finir par nous faire comprendre, avec de pareils arguments, que la fille de son père n’est pas tellement, au fond, si éloignée des thèses catho-idolâtres de ses opposants les plus vigoureux du FN. En attendant, peut-être, qu’elle le démontre. La fable d’une (toute relative) « gauchisation » lepénomariniste n’est pas, elle, une si « innocente et heureuse pratique festive ». Invoquer les santons provençaux, c’est assez adéquat : on nous sert des arguments de lou ravi avec des raisonnements de fada…

Juste un truc : si, maintenant, des mouvements laïques admettent que des municipalités financent des manifestations au nom de traditions chrétiennes, comment justifier que d’autres groupes ne puissent arguer d’autres traditions pour réclamer et obtenir des fonds ? En fait de crèches, c’est de crèches publiques pour tout le public dont il devrait être question. Voilà que l’enseignement confessionnel catholique veut créer des crèches pour la petite enfance. Avec l’approbation (pour le moment silencieuse) de Riposte laïque, au nom des traditions, peut-être ?