Jérusalem : le mythe de l’exode mis à nu

Le documentaire devait s’intituler “Exile, A myth unearthed”, soit, pour paraphraser, l’exode des juifs, les décombres d’un mythe ressurgissent, ou quelque chose du genre. La BBC décide dans un premier temps de donner au documentaire de l’Israélien Ilan Ziv un autre nom de « baptême », soit “Jerusalem : An Archæological Mystery”, ce qui laisse le téléspectateur se convaincre d’une hypothèse ou d’une autre. Avant de déprogrammer, sans explication convaincante. Kolossale polémique outre-Manche…  

Le documentaire d’Ilan Ziv sera sans doute, par qui le pourra, visionné depuis le site de l’Office national du film (canadien), et commandé en DVD ou téléchargé bien davantage qu’après que la BBC ait récemment décidé de le déprogrammer.

Pour son auteur, des fouilles archéologiques, de la documentation, et des avis d’experts, mettent à mal la prédiction christique selon laquelle, à la suite d’une révolte en 70 du premier millénaire, Jérusalem fut détruite par les Romains et ses habitants condamnés à se disperser.
Certes, le second temple fut détruit. Mais la coproduction Arte-ONF met fort à mal ce qui pourrait à présent passer pour une légende… Ou du moins une forte exagération.
Il est fort possible que, comme après toute répression romaine, les Juifs de Jérusalem (cité qui devait être déjà quelque peu cosmopolite en 70), aient pris le large. Durablement ? Qui donc, de nouveau à Jérusalem, se révolte, en vain, en 132 ? Des Bédouins venus du Yémen ou d’Arabie, des Égyptiens en majorité ?

Le documentaire a été controversé dans la mesure où il se fonde sur les écrits de Josephus, un historien judéo-romain, rallié au pouvoir romain, ce qui ne semble guère un motif bien fort de le suspecter : si les Romains avaient mené une répression impitoyable, ils ne se seraient guère gênés de s’en targuer. À l’époque, la Cour pénale internationale, c’était plutôt le sénat romain, qu’une accusation de génocide n’aurait guère ému.

Par ailleurs, que l’on sache, les tribus d’Israël n’étaient pas toutes concentrées en milieu urbain, dans une Jérusalem citadelle. Aussi, avancer que la présence, à Sepphoris (Tzippori), près de Nazareth, en Galilée, où auraient été localisés Marie, Jésus, Joseph, Anne et Joachim, de ruines datant indiscutablement d’après 70 en feraient un territoire non-juif, ou très faiblement juif, en tout cas ethniquement, c’est quelque peu douteux. C’est un peu confondre peuplement et couverture d’expansion d’une ou de sectes.

Ilan Ziv, s’appuyant sur les travaux des archéologues et historiens Zeev Weiss et Seth Schwartz, n’est pas loin de penser que l’exode, tel que décrit, transformé, amplifié, ne s’est jamais produit. Mais il arrange, version exil massif et sans retour, tant les chrétiens que les israélites. Il n’y a plus de Terre promise à reconquérir puisque ses habitants d’avant 1940 sont principalement des Juifs. Les actuels Palestiniens seraient en fait des convertis, au gré du pouvoir dominant en place, au christianisme ou à l’islam ; tandis que les « Juifs » se réclamant du sionisme, version religieuse, venus d’un peu partout, seraient surtout des adeptes du judaïsme de diverses provenances (ce n’est pas le soleil qui a préservé les Séfarades, ni le froid qui a fait virer de bruns Askhénazes en blondinets bon teint).

Il se trouve que l’exil massif a été sacralisé tant par le Vatican que par l’État d’Israël (il est mentionné dans l’hymne national et même dans la déclaration d’indépendance).

Montré à Toronto pour la première fois voici tout juste un an (le 3 mai 2012), le documentaire n’avait guère suscité de polémique. CJNews (The Canadian Jewish News) le signalait parmi d’autres œuvres culturelles ou événements communautaires de diverses nature. Re-Emerging: The Jews of Nigeria, avait beaucoup plus marqué les esprits. Le Peres Center for Peace avait signalé qu’il était disponible au téléchargement en citant Derek J. Pensar, universitaire (Toronto, Oxford), qui lui trouve des vertus pédagogiques.

Quant à la presse israélienne (enfin, l’anglophone), ce jour, elle s’intéresse davantage à l’agression d’un représentant de la communauté juive en Hongrie, agressé lors d’un match de football, ou à la pratique du metzitzah b’peh (circoncision suivie de la succion du sang par le mohel au lieu de l’usage d’une pipette), qui ferait du bruit à Berlin dans la communauté.

L’auteur a protesté contre la déprogrammation sur son blogue, puis le Daily Mail et le Guardian en ont fait largement état. Le film devait passer jeudi dernier en soirée et avait été largement annoncé par la BBC et d’autres titres, sites ou médias, les jours précédents. Un film sur l’archéologie en Égypte lui a été substitué sans explication. Le titre aurait été changé trois jours avant sa diffusion prévue alors qu’il était en stock depuis un semestre. 

La Jewish Chronicle (.com) a contacté Ilan Ziv qui assure qu’il n’est pas un partisan de la thèse de Shlomo Sands qui met en cause toute la saga et même le concept d’un « peuple juif ». La JC, qui par ailleurs publie une chronique selon laquelle les quatre-cinquièmes des Juifs britanniques considèrent que la BBC n’est pas vraiment impartiale dans sa couverture des questions israéliennes (36 % étant très mécontents, 43 % légèrement), n’a pas pris partie pour ou contre la Beeb, ou Ilan Ziv. 

En fait, Ilan Ziv ne dit guère autre chose ce que qu’énonçait David Ben-Gourion qui considérait que l’Eretz Israel du septième siècle était composé d’agriculteurs juifs, parfois christianisés superficiellement, parfois rebelles. Mais cela peut laisser douter de l’historiographie tant chrétienne qu’israélite. Davantage qu’un souci de complaire à on ne sait qui (lié à l’ambassade d’Israël au Royaume-Uni, aux membres de la communauté juive locale ne tenant pas la Beeb pour objective, ou à un cadre de la chaîne quelconque…), il a peut-être été pensé que des groupes religieux auraient pu s’alarmer de ce qui peut passer pour une sérieuse remise en cause de la manière dont les religions réécrivent le passé.

Par le passé, en septembre 2012, avec Islam: the Untold Story, l’historien Tom Holland avait suscité de plus fortes controverses.

Mais quand on lit que Tamerlan Tsarnaev, coauteur de l’attentat de Boston, aurait considéré que la bible serait un plagiat romancé du coran, largement inférieur, on ne sait plus trop que penser… Et le livre de Mormon, alors ? Le coran l’aurait plagié, réalisant une pale copie ?

En fait, tous les peuples, toutes les nations falsifient plus ou moins leur passé, ou assaisonnent les anachronismes et autres biais à la sauce qui les arrangent. Ce n’est nullement une découverte. Mais c’est peut-être trop dur à admettre par certains téléspectateurs. Pour l’instant, si Tom Holland a reçu des menaces de mort, Ilian Ziv ne répercute rien de tel. 

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

4 réflexions sur « Jérusalem : le mythe de l’exode mis à nu »

  1. [b]Par def les documentaires sont des fictions que ce soit celles diffusés par arte , réalisés par bbc…..[/b]

    Pire ils sont très très très bisounours, ils sont faits plus pour endormir les consciences que pour éveiller à la science……C’est particulièrement vrai pour les documentaires archéologiques….

    Question business, un documentaire « orthodoxe » n’a pas de valeur marchande!!!!!!!!

  2. [quote] il aurait considéré que la bible serait un plagiat romancé du coran, largement inférieur, on ne sait plus trop que penser[/quote]

    C’est le contraire!!!c’est le coran qui est un plagiat de la bible…!

  3. Ben, voui, Mozarine, il est quand mêmes très difficile de plagier des titres postérieurs à la parution du sien (sauf à en avoir pillé le manuscrit avant publication).
    De toute façon, bible, coran, &c., sont plus ou moins inspirés, quant au substrat religieux, de cultes solaires antérieurs
    Et puis, pourquoi jamais dieu n’a-t-il parlé direct aux aborigènes d’Australie qu’il a pourtant fait à son image ? Bizarre, c’est toujours à proximité de l’Egypte qu’il s’exprime, jamais ailleurs.

  4. [img]http://www.bibleetnombres.online.fr/images19/matematika.jpg[/img]
    les mathématiques dans la Bible
    par Ivan Panin
    mathématicien russe .

    Roger Auque:
    J’ai trouvé une bible qui est devenue mon livre de prière.
    Les ravisseurs ont acepté de me laisser une Bible…. J’ai appris par coeur en anglais une dizaine de Psaumes qui me plaisaient beaucoup….. Ma captivité était nécéssaire pour que je prenne conscience de Dieu…. Dieu est mon Roc, comme le dit le Psaume.

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