"- Je veux être écrivain !"
C'était un cri du coeur, qui d'abord bourdonnait d'un vombrissement lent et uniforme, rebondissait entre mes colonnes de chair, remontait le long de mon dos en un frissonnement bouillonnant puis finissait par éclater de fureur à force de cogner la porte de mon esprit.

Oui, je voulais être cela. Celui qui, comme on dit, manie les lettres et les mots. Je voulais être le bêta-lu, le corrigé, le critiqué puis l'édité, le publié.

Alors j'ai écrit. Mais qu'écrire ? et comment ? Certain disent que nous ne vivons jamais vraiment, que nos actions, nos désirs, ne sont que des imitations d'actions, de désirs, que d'autres ont faits ou eus avant nous et que par volonté de les vivre soi-même, nous les reproduisons inconsciemment en se les appropriant. Ce que j'allais écrire, allait-il n'être que du réchauffé de passages que j'ai aimés, lus et relus dans des dizaines de livres ? C'est une question hélas, que je n'ai encore pas résolu.

Puis il y a la forme, le style. J'ai lu une fois, sur une quatrième de couverture, dans l'espace sous le synopsis dédié aux critiques élogieuses, une phrase qui m'a interpellé : "[l'auteur] est un genre littéraire à lui tout seul."
Evidemment j'ai lu le livre (c'était un polar pas très passionnant, j'ai des goûts très old school en littérature et je préfère les livres qui sentent le vieux) et bien que je n'y ai pas vu de genre littéraire bien particulier, je me suis dit à ce moment-là combien la forme était importante.

Cette même forme, la choisit-on vraiment ? Seulement je le sais, je n'ai rien inventé. Je me suis rendu compte que j'écrivais seulement comme j'aimais lire. Et ce n'est pas un secret si les auteurs sont d'abord de grands lecteurs.

Mais qu'est-ce qui fait le bon écrivain du mauvais ? Qu'est-ce qui fait l'auteur toujours refusé des éditeurs et l'écrivain récompensé ?

Une citation pourrait-elle y répondre ? "Les bons écrivains touchent souvent la vie du doigt. Les médiocres ne font que l'effleurer de la main au passage. Les mauvais la violent et l'abandonnent en pâture aux mouches" disait Ray Bradbury (Fahrenheit 451). Et le même lançait cet ultime conseil que je me plaît à penser qu'il l'ait prononcé pour moi : "donner des détails, des détails pris sur le vif !"

La qualité des descriptions suffirait-elle à séparer les bons des mauvais ? Faut-il moins de dialogues ? Plus de narration ? La frontière entre la haute écriture et la basse est-elle si mince ?

Je ne peux apporter de réponse. Je me suis simplement rendu compte qu'en appliquant cette doctrine, ce que j'écrivais était meilleur. Mais je ne saurai dire si cela est suffisant, comme je ne saurai dire si je suis un écrivain.