À Bandar Abbas, ville portuaire du détroit d’Ormuz, 17 jeunes adultes, filles et garçons, ont été arrêtés vendredi dernier pour s’être affrontés en duels de… pistolets et fusils à pompe… à eau. Car c’est « haram », a décrété Ali Alia, juge suprême de la province d’Hormozgan. En 1968, en France, pour obtenir le droit de circulation des étudiantes et étudiants dans les cités universitaires des « filles », les manifestations avaient tourné à l’émeute…
Bouteilles en plastique remplies d’eau, jouets à eau d’enfants, tout est bon pour les jeunes iraniens de la République islamique pour se manifester.
Sensibles peut-être au titre de l’album de Juice Connection (The Flies, Wet T-Shirts in Iran), des jeunes iraniens avaient lancé un appel sur Facebook pour se réunir le 29 juillet dernier dans le parc Ab-o-Atash (Eau & Feu), au toponyme propice à un tel événement.
Ils auraient été environ 800 à s’asperger et mouiller robes, voiles et chemises. Bilan, dix arrestations.
L’idée a donc été reprise à Bandar Abbas (sud-est de l’Iran), et la milice des gardiens de la moralité, qui venait d’interdire aux hommes de porter des colliers ou des shorts (voire des cravates, à Qom), ont réagi contre cette nouvelle « imitation aveugle des mœurs de l’Occident ».
Indignés rime donc, en Iran, avec « mouillés ». De telles manifestations permettent aux jeunes gens et jeunes filles de se retrouver dans une ambiance festive en plein jour et dans les lieux publics. Haram.
Drague à la saoudienne
Certes, en Iran, il y a des « palliatifs ». Ainsi du mariage temporaire (le sighe), devenue une mini-industrie à Qhaveh, près de Qom, où les unions avec les habitantes sont devenues courantes. Il faut bien que les mollahs pauvres de la ville sainte voisine trouvent à soulager leurs ardeurs. « Cachez ces cheveux et ce sein que je ne saurais voir, mais convolons donc pour la journée… les apparences seront sauvegardées, » pourrait-on paraphraser.
Time Magazine a consacré son édition spéciale estivale aux voyages d’Ibn Battuta, un juriste de Tanger des années 1300 de l’ère chrétienne (vers l’an 1475 du calendrier berbère, en pleine « renaissance »), qui avait sillonné l’immense espace de la oumma (la communauté islamique) de l’époque.
Il eut des épouses par douzaines, des femmes esclaves au gré de ses périodes de bonne fortune, et put bénéficier des faveurs de celles de ses hôtes accueillants lors de ses revers de marchand. Les choses ont « bien » changé et Aryn Baker, épouse de Tamim Samee, un homme d’affaires afghan, une arabisante, s’est fait « draguer » à Riyad avant d’interroger des jeunes femmes de Djeddah.
Impossible d’entrer en contact avec une jeune femme en Arabie saoudite hors des enclaves et plages privées des très riches saoudiens. La drague se fait donc en voiture, les jeunes gens brandissant des panneaux barrés d’un numéro de téléphone. Les plus aisés vont jusqu’à Beyrouth ou Cannes ou Miami. Bien sûr, la sexologue égyptienne Heba Qotb considère que si les jeunes gens riches attendent la trentaine pour espérer un mariage romantique avec une personne à leur gré, « c’est une question de choix », puisqu’ils pourraient contracter beaucoup plus jeunes un mariage arrangé avec une fiancée d’un statut inférieur.
Mais dans la capitale, Riyad, enfreindre les règles de la décence est beaucoup plus risqué qu’à Djeddah, plus cosmopolite. À Djeddah, où les jeunes femmes se trempent les cuisses dans l’eau en short et maillot, le long de plages privées où les gardiens de la morale s’abstiennent d’incursions, une certaine « licence » prédomine.
Mariages précoces
À Djeddah, le télé-prêcheur Ahmad al-Shugari, 35 ans, qui ne se définit pas « sheik », divorcé après des études aux États-Unis, fait figure de Tariq Ramadan local. En plus télégénique et distancié encore. Mais rien de ce qu’il peut dire ne peut heurter frontalement les intégristes les plus radicaux qui ne se privent pas de le fustiger, tout comme ils peuvent avancer que Tariq Ramadan est un « suppôt du Vatican ».
Le voile pour les femmes serait bien sûr approuvé par le prophète « S’il était parmi nous » (titre de l’une de ses émissions). Pour pallier les frustrations sexuelles des jeunes gens, une simple solution : « abaisser l’âge du mariage ». À partir de 12 ans pour les filles, comme chez les chrétiens (jusqu’à la Révolution en France) ? Moins encore mais le mariage ne serait consommable que si l’épouse à huit ans et neuf mois ?
En Arabie saoudite, fin 2008, il avait été envisagé de repousser l’âge légal de la nuptialité des filles à 14 ans. C’est resté lettre morte, et Ahmad al-Shugari ne se risque pas à indiquer un âge de référence. Au Yémen, l’âge est fixé à 15 ans, mais des accommodements sont possibles si les parents des mariés s’accordent.
L’Indonésie, pays à majorité musulmane, fixe à 19 (garçons) et 16 ans (filles) la majorité sexuelle et les rapports hors-mariage à ces âges ne sont pas sanctionnés juridiquement. La oumma n’est pas plus homogène, ni religieusement, ni juridiquement, qu’aux temps d’Ibn Battuta, pas davantage que la « chrétienté ».
Diabolisation
Il n’y a pas plus lieu de diaboliser le mahométanisme que le judaïsme (qui autorise, selon les textes, le mariage d’une fillette de trois ans tandis que l’État d’Israël fixe la majorité à 16 ans révolus pour avoir des relations sexuelles, y compris hors mariage). Ou même les divers christianismes (les amish admettent la recherche de fiançailles dès 16 ans pour un mariage vers 20 ans ; les mormons ont mis fin au mariage polygame, parfois avec de très jeunes filles, en 1890 ; l’Afrique catholique romaine s’accommode de diverses coutumes locales).
Les religions finissent par devenir ce qu’une majorité, ou une minorité plus active, de croyants ou se déclarant tels en font. Soit la majorité ou la minorité peuvent s’appuyer sur l’appareil d’État ou non.
La démographie et la pyramide des âges influent aussi, de même que des traditions et conditions économiques : la sociologie de la mobilisation et des conflits (sociaux ou sociétaux) tente de prendre en compte ces divers facteurs.
Situations contrastées
Dans le cas de l’Iran, de telles formes de manifestations, qui témoignent d’un « ras-le-bol » dans un pays où la majorité des étudiants sont des étudiantes, peuvent avoir ou non des répercussions à court ou moyen terme aussi fortes que le mouvement soixante-huitard en France. Mais cela dépendra de leur réception. Elles pourraient être considérées en tant que pantomimes des cadets des« aghazadeh » (les filles, surtout les « fils à papa », qui voudraient tant le beurre, soit le pouvoir économique, et l’argent du beurre, ce qui va avec dans les sociétés occidentales).
Farida Adelkhah, considérée « collabo » du régime par certains opposants iraniens, chercheuse au Ceri (Centre d’études et de recherches internationales), considère que les Iraniens (et les Iraniennes) sont fiers de leur révolution islamique : « la permanence des hommes à la tête de la République est en cela le reflet de la société. L’idéal des conservateurs (…) n’est pas complètement déconnecté de l’idéal de développement aux yeux de l’Iranien moyen. ». Elle se trouve actuellement cet été en Iran et s’intéressera sans nul doute à cette forme, marginale mais innovante, de mobilisation.
L’islam n’est pas immuable, rappelle Farida Adelkhah, ni en Iran, ni ailleurs.
Le progressif recul de l’âge du mariage en Iran (qui peut avoir des effets sur le montant des dots) et dans diverses sociétés de culture islamique aura de profondes répercussions. Sans doute contrastées. Ce qu’il faut relever à l’occasion de ce fait-divers, c’est qu’une manifestation organisée à Téhéran a été répliquée à proximité de la frontière pakistanaise.
Or, relève Fardia Adelkah, le pouvoir central iranien « ne peut pas toujours imposer son autorité et ses vues sur les décisions prises dans les provinces. ». La remarque vaut pour d’autres pays. Il ne sera pas anodin de relever si les peines infligées à Téhéran et Bandar Abbas seront bénignes ou drastiques à l’identique.
Il est un peu trop tôt pour classer ces faits dans la continuation de « la révolution de velours » iranienne ou à la rubrique des « nouvelles insolites ». On ne connait pas l’identité des jeunes arrêtés (et on espère qu’une autre Clotilde Reiss, chercheuse française naguère accusée d’espionnage en Iran, n’est pas du nombre : à l’époque, Farida Adelkhah l’avait activement soutenue).
Tache d’huile
Avant de s’offusquer, rappelons qu’en Floride, en avril 2010, une femme fut arrêtée dans le parc du Children’s Splash Park de Tavares pour avoir été accidentellement aspergée par son fils de sept ans et s’être retrouvée avec un maillot transparent révélant son soutien-gorge.
Les temps où les jeunes féministes occidentales brûlaient leurs « brassières » en public sont bien lointains… mais en Russie, les jeunes partisanes de Poutine, parfois les mêmes qui redoutent l’islamisation du Caucase, révèlent leurs poitrines.
L’eau d’Iran fera-t-elle tache… d’huile, de Bagdad à Benghazi ? Mais qui avait prévu que les barbes et les chemises à fleurs de San Francisco se retrouveraient jusqu’à Berlin ?
« Si vous avez ce genre de problème, vous n’avez qu’à vous plonger dans la piscine, » avait lancé le ministre François Missoffe à Daniel Cohn-Bendit, qui évoquait « les problèmes sexuels des jeunes ». C’était le 8 janvier 1968, à Nanterre. On connait la suite.
P.-S. – bien évidemment, les jeunes femmes de Téhéran et de Bandar Abbas n’avaient pas revêtu des T-shirts mais des robes et des voiles, mais dans la cohue certaines s’étaient retrouvées partiellement dévoilées…
C’est sur que personnes ne vas envoyer de flottilles de la liberté en Iran !!
Et les bas à part jouer au pistolet a eau, ils n’ont pas grand chose a faire part se faire pendre…ah j’avoue que c’est de l’humour un peu noir …
PAS DE REVOLUTION EN IRAN, Ils ont etes bien dresses les braves betes !
Jeff,
Vous allez avoir de la visite, si elles ne sont pas en vacances les copines de Ahmadinejad !