(à la manière de JM…)

Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde.

Dans tout ce que nous avons lu depuis une semaine, deux qualificatifs se bousculent lorsque vient le moment de décrire Charlie Hebdo : Insolent, Impertinent.

Dieu ( ! ! !…) sait combien ils sont justifiés !

 

Insolent (ce qui atteint un tel degré qu’il prend un caractère de défi, qu’il est ressenti comme vexant par les autres),Charlie a rarement manqué l’occasion de l’être. Et une fois encore dans son numéro 1178 (pour éviter de le nommer le dernier numéro, ce qui pourrait être perçu comme un insolent présage), lorsqu’il prête à Mère Térésa des propos qu’elle n’a sûrement jamais tenus, probablement jamais pensés ; vraisemblablement même n’a-t-elle jamais imaginé que quelqu’un pourrait les tenir ! Mais après tout, Brasse-bouillon a plus d’une fois été l’insolence personnifiée aux yeux de Folcoche – et fusillé sur place en guise de réprimande – lorsqu’il prenait Vipère au poing.

Impertinent aussi (ce qui cherche à choquer par la liberté, le caractère déplacé, l’insolence de ses manières, de ses paroles), lorsque dans le même numéro, il plaçait une vue de la marche des Je suis Charlie sous la bulle de ses excommuniés : « C’est dur d’être aimé par des cons ». Encore que dans ce dernier cas, il serait sage d’admettre qu’on est d’autant plus légitime à rire de tout (et d’autant plus crédible) lorsque l’on n’hésite pas un instant à se moquer de soi-même, sans concessions (ou alors avec des concessions à perpétuité) ; ce que l’on nomme parfois autodérision (et pourtant, la dérision n’est pas insolente).

Les deux ne seraient donc pas moins synonymes que ce que leur utilisation conjointe (et dans ce cas pléonastique) laisse entendre et se rangent à ce titre dans la collection des audacieux, culotté, désinvolte, effronté, hardi, imprudent, inconvenant, incorrect, irrespectueux, irrévérencieux, outrecuidant qui abreuvent en rangs serrés les sillons de notre langue pour y faire front aux maigres cohortes des bienséant, convenant, correct, courtois, déférent, digne, poli, respectueux.

Tous comptes faits, peut-être simplement notre bon vieux Français lui-même serait-il l’origine du problème, en ayant accepté (voire décidé), un peu à la légère, que la synonymie s’arrogerait, bien au-delà d’un simple constat de voisinage de bon aloi, le droit exorbitant d’évacuer jusqu’aux moindres nuances.

Celles, par exemple, qui nous permettraient en temps voulu de reconnaître que par leur timing, certaines insolences et autres impertinences pourraient manquer de tact…

Soyons justes et indulgents : il est vrai aussi qu’à lire articles, forums et commentaires, on pourrait en conclure que l’idée même de la nuance pourrait être tombée en totale désuétude en ce 21ème siècle, qui, religieux ou pas, ne semble guère être celui des lumières !

Et puis enfin, notre Français a parfois un art consommé de cultiver l’ambiguïté ! Car enfin, entre nous, qu’est-ce qui pourrait bien s’opposer à ce qu’une insolence soit pertinente (c’est-à-dire appropriée à son objet, justifiée), en contradiction flagrante et profonde avec ce que laisse présupposer la construction par la négative du mot impertinence, son synonyme averré ?

Ar’vi pa

 

PS : cet article est intentionnellement conjugué au conditionnel, une manière de vous inviter à partager à sa suite vos propres appréciations, avec nuance ça va de soi.

N’hésitant pas à alimenter moi-même la controverse et la polémique dès l’amont, je me plais à rappeler ici cette évidence : « C’est en voyant un moustique se poser sur ses testicules qu’un homme comprend le mieux (et le plus vite) que la violence n’est pas nécessairement la bonne réponse ».