Aujourd’hui, je sors un peu de mes cordes pour vous entretenir d’un scientifique érudit, un infatigable de la cause écologique. Dans le cadre de sa tournée du Pacte des générations au Québec, l’astrophysicien Hubert Reeves, en a profité pour abreuver, une fois de plus, des jeunes esprits assoiffés, sur les enjeux de la situation environnementale.

 

De passage dans les universités cette semaine, le récipiendaire de la médaille Albert Einstein, a discuté pendant près d’une heure de ses inquiétudes, mais aussi de son espoir de voir un jour Mère Nature sortir de sa cure de désintox. «La planète n'est pas infinie, a-t-il débuté son allocution, mais nous avons agi comme si elle l'était. En un siècle, nous avons brûlé la moitié des réserves mondiales de pétrole. Nous avons consommé sans compter ce que la Terre a mis 100 millions d'années à créer.» Reeves, président de la ligue ROC, impute ce constat angoissant à la puissance de l’intelligence humaine, qui alors qu’elle devrait être au service de l’épanouissement de la biodiversité, sert plutôt à l’annihiler. L’humain faisant parti de cette biodiversité, sa survie suit nécessairement la même courbe que celle des autres animaux et végétaux. «Le critère de permanence est simple: survivent les espèces qui établissent un rapport harmonieux avec leur environnement, avec l’écosystème où elles sont inscrites» explique Reeves. Un paradigme sans équivoque, où sont appelées à disparaître les espèces ne vivant pas en phase avec leurs milieux. Et l’Homme n’échappe pas à la règle : c’est ce qu’il appelle la sixième extinction…

Mais le sage à la barbe blanche n’était pas venu au Québec prophétiser l’apocalypse, comme certains l’ont fait très récemment… Car tout n’est pas perdu. Reeves observe des changements notoires dans les attitudes des gouvernements. Il avait même félicité, en février dernier, les politiques du président français. Sarkozy «quelqu'un que j'admire, il a des idées il les met en oeuvre, affirmait Reeves. Depuis l'an dernier, je suis plus optimiste. Avant j'avais l'impression que les problèmes énormes que nous rencontrons n'avaient pas atteint le niveau des décideurs. Là, tout un coup, on voit que ça a atteint le niveau des décideurs.»

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Même au Canada, les mentalités ont changées. En effet, de 1993 à 2006, les émissions de gaz à effet de serre au pays ont augmenté de 32% au-delà des cibles internationales. Classant le Canada à l’avant dernier rang, au chapitre de la qualité de l’air, sur la liste de l’OCDE. «Nous avons raté notre coup !» a même dû admettre, lors d’un débat en décembre 2006, le chef-adjoint du parti libéral à son leader et ministre de l’environnement de l’époque, Stéphane Dion. Mais depuis lors, l’imposition de cibles sévères de réduction de GES aux industriels, de même que l’établissement de la bourse et du marché du carbone par le gouvernement Harper, a fait remonter le Canada dans le classement.

Reeves croit fermement que l’on peut inverser le cours des choses en changeant nos mentalités ; à «commencer par augmenter notre consommation de négawatts, c'est-à-dire la quantité d'énergie qu'on ne consomme pas.» Toute cette énergie pourrait être exploitée par une amélioration de l’efficacité thermodynamique de nos bâtiments, en les isolant mieux ; par le co-voiturage ; ou encore le transfert du transport routier sur les rails. En favorisant aussi les sources d’éclairage qui ne chauffent pas ; l’exemple classique est l’utilisation des lampes fluorescentes à la place des ampoules à incandescence. Bien que cette pratique soit encouragée par les entreprises du secteur énergétique et saluée par Hubert Reeves, je dois avouer que là nos idées divergent (oui, je sais c’est un sacrilège !). Cependant les lampes «fluocompactes» contiennent du mercure et les citoyens ayant tendance à les jeter aux ordures, plutôt que d’en disposer dans des sites de récupération spécialisés, souvent peu accessibles, causent ainsi un tort irréparable à l’environnement. Les métaux lourds (plomb, zinc, mercure etc) qui se retrouvent dans les sols contaminés sont la cause d’empoisonnements sévères chez les enfants. Il fut même un temps où, dans certaines régions des Etats-Unis, l’intoxication à certains métaux lourds était presque épidémique chez les enfants. Le Dr. Margrit Von Braun l’a démontré assez clairement dans ses recherches qui depuis, sont reprises par plusieurs spécialistes dans le domaine.

 

Si la prise de conscience de la cause environnementale fait son bout de chemin dans nos esprits, il ne faut tout de même pas perdre de vue qu’elle doit rester en harmonie avec les réalités industrielle et sociale. Le débat ne doit pas se faire qu’entre environnementalistes, mais doit s’articuler dans une cohésion trilatérale entre scientifiques, industriels et politiciens. Car il n’est pas moins noble, surtout à l’aube d’une récession mondiale, de vouloir sauver notre économie et nos industries autant que l’environnement. Tout est question de donner à chaque chose sa priorité, toujours en se rappelant, comme le disait un chef Amérindien Cri, au crépuscule de sa vie : «Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors vous découvrirez que l'argent ne se mange pas.»