Eh si, ils osent. Alors que toute personne connaissant un peu la fiscalité voit ce qu’implique la mesure préconisée par Hollande, soit taxer, non pas au premier franc, mais à 75 % pour les sommes dépassant un certain plafond, voici les footballeurs, les conseillers fiscaux, de prétendus « économistes » qui nous la jouent contribuables atterrés en poussant des cris d’orfraie. La palme revient à un certain Charles Gave, ou Gavé, qui s’estime, depuis l’étranger où il est imposé, bientôt réduit « à l’esclavage » s’il revenait dans la France de François Hollande. Le ridicule ne tue plus.

 

C’est noir sur blanc sur Atlantico qui a déniché une pleureuse, Charles Gave, qui s’est enrichi en prenant d’une main pour redonner de l’autre, en prélevant de copieuses commissions.

Non, ce n’est pas un importateur, un intermédiaire industriel, un Takkiedine, mais de le cofondateur de Cursitor-Easton Asset Management Ltd (où il a certainement laissé de bons souvenirs), qui a fondé GaveKal à Hong Kong, sans doute une officine conseillant des placements défiscalisés.
Et le voilà redoutant de revenir dans la France de François Hollande.
Il s’y sentirait réduit à l’esclavage, si !

Et le plus beau, c’est qu’il se compare, lui, qui n’a sans doute jamais travaillé de sa vie si ce n’est pour décrocher un téléphone ou dîner en ville, à un ébéniste aux mains calleuses employant sa femme à mi-temps au Smic.
Pour que sa femme, avec un demi-Smic, lui coûte 200 euros, il faut qu’il soit sacrément bénéficiaire, l’ébéniste.
Gave va y gagner : il pourra conseiller à l’ébéniste de juteux placement à l’étranger, et lui faire acheter une villa dans un paradis fiscal…

C’est pourtant l’exemple noir sur blanc sur lequel s’appuie Charles Gave pour conclure : « avec un taux d’imposition à 75 %, on est en train de réinventer l’esclavage ! ».

Tel l’arracheur de dents

Il est bien évident que quiconque, en France, aurait deux millions d’euros de revenus, ne se retrouverait pas avec seulement 500 000 euros à la fin de l’année. Outre les niches fiscales qui vont, hélas, subsister, il existe de multiples moyens de vivre aux frais d’une société totalement gratuitement ou presque. De plus, personne n’est imposé en France au premier franc.
Mais c’est que qu’un Charles Gave, qui relève que, si l’imposition restait au niveau suisse, il serait toujours en France, veut faire croire aux gogos. Et cela marche…
Une ex-juriste (pas fiscaliste, mais ayant complété par un MBA) me dit « là, Hollande, il y va un peu fort… ». Elle avait tout oublié de ses cours et pensait qu’à partir d’un million d’euros et un centime, on se retrouvait avec un revenu réduit à 250 000 euros annuels, à… l’esclavage !
Hollande est un esclavagiste, qu’on se le dise. Eh bien, moi, je veux bien être taxé à 75 % au premier franc, et me retrouver avec 250 000 euros, nourri, blanchi, logé, voituré, diverti, d’argent de poche… Mais personne n’est imposé au premier euro.

Le baron Seillière chez Goldman Sachs

Tout aussi drôle est l’argumentaire développé par Alexandre Philippou pour Le Huffington Post (.fr). C’est la cata assurée. Les riches vont fuir à l’étranger, c’est sûr ! Outre qu’ils y sont pratiquement tous déjà, certains, au lieu de s’en remettre à des Charles Gave, feraient bien de sortir leur calculette. Que gagnent-ils au juste à se mettre à l’abri à l’étranger ? Pour que la mesure soit efficace, il faudrait que ces Français réfugiés fiscaux se voient obligés de vivre onze mois par an à l’étranger. Et là, à moins d’aller vivre dans une île Vierge britannique parmi d’autres, ils y réfléchiraient à deux fois. Mais le plaisir d’échapper au fisc n’a pas de prix. Mais qu’ils fassent quand même leurs propres comptes et ne laissent pas un avocat ou un conseiller les effaroucher. Ce n’est pas sa commission qui les ruinera, ni leurs frais de résidence, mais ils ne sont pas forcément gagnants, même avec le système Hollande.

Le plus farce, c’est Ernest-Antoine Seillière de Laborde, héritier d’un pactole de nationalisation de ses pertes et non de ses bénéfices, qui n’a pas vraiment su faire fructifier Wendel depuis 2007.

Il en a surtout mis sur la paille les petits actionnaires, encaissant un pactole au passage.
Il est visé par le fisc, ainsi que onze dirigeants de Wendel, depuis décembre 2011.
Mais le voilà, grand talent parmi les grands talents, qui se paye au niveau de l’international, mais pas vraiment à l’international.

Qu’il aille donc voir si on veut de lui chez Goldman Sachs, et revienne nous voir.
Qu’il aille donc diriger General Motors, ou Rolls Royce, ou une très grande entreprise brésilienne ou indienne…
La réalité, c’est que, hormis effectivement des traders issus de Polytechnique, des matheux, il y a très peu de grands cadres dirigeants français à l’étranger.

L’ineffable Alexandre Philippou agite aussi le spectre du retour au bouclier fiscal. Pour éviter que des célibataires touchant trois millions d’euros de revenus et un patrimoine de 15 millions d’euros s’enfuie à l’étranger. Son taux d’imposition global atteindrait, selon Philippou, 71 % (et non 75 %). D’accord, Philippou, on se fait un petit banquet avec tous ces célibataires. Pas besoin de réserver la plus grande salle du Fouquet’s. Et puis, bon vent s’ils veulent aller se faire voir ailleurs…

Avec ce taux, « les banques ne trouveraient plus de clients prêts à placer de l’argent sur leurs produits financiers, alors qu’elle ont un besoin cruel de fonds propres et cela ne ferait qu’accentuer le report des épargnants sur l’investissement immobilier, attisant ainsi une nouvelle flambée des prix. ». Ah bon ? Il y a déconnexion entre le très luxueux marché de l’immobilier (poussé pratiquement uniquement par des magnats étrangers et quelques très rares français) et celui, global, de l’accession au logement. C’est sûr que les très grands patrons peuvent exiger plus de dividendes et moins de salaires faramineux. Mais pourquoi donc le faire quand les entreprises étrangères se bousculent à leur porte pour leur proposer des ponts d’or ? Ce serait au contraire très bien qu’ils soient davantage rémunérer sur des dividendes. Au moins les risques qu’ils font encourir à leurs salariés et à leurs petits actionnaires seraient mieux partagés…

Dernier argument complaisamment relayé par l’Huffington, la Ligue 1 de football ne pourrait plus lutter dans la chasse aux footballeurs de haut niveau. Mais tant mieux, tant mieux ! A-t-on fait le calcul de ce qu’ils rapportent et de ce qu’ils coûtent ? Le sport de compétition est-il vraiment un facteur de développement industriel et de compétitivité des produits français, notamment à l’export, c’est toute la question. Et dans ce qu’ils coûtent, il faut intégrer l’entretien des stades…
L’une des meilleures façons d’assainir les finances publiques, au sens large, serait d’avoir des joueurs de Ligue 1 payés au niveau de ceux de la seconde division, de cesser de participer à ces compétions européennes ou internationale particulièrement dispendieuses. Il n’est d’ailleurs pas du tout sûr que le spectacle serait de qualité inférieure.
Et avec des salaires « à la grecque » et des prix d’entrées dans les stades « à la grecque », l’ambiance y gagnerait peut-être en convivialité.

De l’enfumage complet

D’une part, même après adoption de la mesure préconisée par le PS, les ultra-riches le resteront. D’autre part, il faut en finir avec ce mythe que plus les gros s’engraissent, mieux les moins lotis se font un peu de gras (c’est d’ailleurs plutôt le contraire, si on voit la répartition des cas d’obésité, mais passons…). Cela n’a jamais été, nulle part, le cas. Quand Louis XIV ripaillait, dans les campagnes ravagées par la famine, on mangeait les nouveaux-nés.

 

Il ne faut pas des riches pour faire de moins pauvres, il faut, toujours et partout, plus de pauvres pour faire de plus riches. Sauf, bien sûr, à piller le pays voisin, et encore…

Faut-il rappeler à David Douillet que l’investissement dans les équipements sportifs génère du fonctionnement ? Cela étant, si « les millions de personnes qui aiment le foot » venaient à disparaître, comme l’augure Douillet, cela aurait quelle conséquence démographique ? Allez, avec un pour cent de suicides chez les footeux, la France survivra !

Le but de cette mesure est de contribuer à ce que les très, très hauts salaires, soient revus à la baisse, au profit de l’investissement, voire de l’embauche. Certes pas de footballeurs, nous en sommes d’accord. La mesure ne touche d’ailleurs que les mieux rémunérés de quatre ou cinq clubs de foot au maximum. Et puis, si vous croyez que tout le monde peut devenir footballeur, rêvez si vous voulez, mais entraînez-vous dur avec vos allocations de chômage. Cela revient cher, d’accéder au plus haut niveau dans le sport. Il faut commencer tôt et avoir des parents qui vous trimballent un peu partout, vous logent près des lieux de compétition, &c.

François Hollande aurait-il cassé le rêve de tous ces électeurs de Sarkozy qui se lèvent tôt et pensent qu’à force de mettre des centimes dans la tirelire, ils auront la Rollex avant 50 ans, et deux millions de revenus annuels par la suite ? « Si l’on a plus la possibilité de faire fortune en France… », a déploré François Bayrou. Qu’il fasse donc ses deux millions annuels, et on en reparlera. Il en est très loin. Qu’il ne s’inquiète pas trop, il risque de ne jamais les toucher de son vivant. Mais le voilà nous faisant pleurer dans les chaumières.

Tout cela serait ridicule et cocasse si ce n’était si affligeant. Il y a duperie sur les répercussions réelles de l’imposition de ce taux pour les plus riches parmi les plus riches, il y a falsification sur les conséquences pour l’économie française. De part et d’autre, d’ailleurs, car ce n’est absolument pas une mesure miracle. Elle n’aurait en fait, si elle est maintenue (les revirements du candidat Hollande commencent à inquiéter), que très, très peu d’impact. Si ce n’est, bien sûr, de quoi fournir à l’UMP matière à clamer que le notaire du coin ou le patron de supérette sera asphyxié, étranglé, réduit aux Restos du Cœur. On y croit très fort ! 

Sarkozy, qui ne doit même pas craindre que les revenus de Carla Bruni seraient affectés, se mobilise, et mobilise très fort ses troupes : il a donc tant de si riches amis ?