Envie de partager une jolie histoire. Une histoire qui est pour moi une grande fierté, fierté de rencontrer des jeunes si méritant et fierté de pouvoir les aider à franchir des étapes de leur vie bien difficiles.

D. a 16 ans lors de notre première rencontre. Certains de ces professeurs s'inquiètent du passage futur de l'épreuve du CAP car D n'a pas de quoi justifier son identité.

D est jeune, méfiant, sur la défensive, et je mets plusieurs mois à rentrer en confiance.

La confiance installée, D se livre… son histoire est banale, mais si douloureuse !!! En parler le libère, et il va y prendre gout !! Il ne se passe pas une semaine sans que D pousse la porte de mon bureau, soit avec un large sourire, soit avec la détresse et la peur dans le regard.

D est arrivée en France à 14 ans, caché derrière les sièges dans la voiture de son beau-frère. Ses parents ont voulu prendre le risque pour lui, leur plus jeune fils. La France est synonyme d'une vie meilleure. D s'installe alors chez sa sœur et son beau-frère, avec ses cousins et cousines. Son beau-frère est un homme autoritaire, qui malmène verbalement D. D supporte pour ses parents car il ne veut pas les décevoir.

Sa seule échappatoire est alors l'école. D apprend très rapidement le français, il lit des tas de livres, écrit des articles. Il est doué et intelligent. […/…]

Son beau-frère entame des démarches afin d'obtenir des papiers pour lui. La réponse ne se fait pas attendre. D n'est pas légalement sur le territoire français. Il doit être ramené à la frontière.

Etant mineur, il n'a rien à craindre d'une reconduite à la frontière forcée, tant qu'il ne commet pas de délit. Mais sa majorité approchant, l'angoisse monte.

Entre D et moi, une grande complicité est apparue. C'est un garçon charmant, bon, intelligent d'une force de caractère exemplaire. Il donne régulièrement des leçons à ses camarades qui ne travaillent pas et ne sont pas sérieux, en leur expliquant la chance qu'ils ont d'être dans un pays comme le notre, d'avoir accès à l'éducation et la culture.

D me confie ses espoirs, ses craintes, ses projets. Travaillant excellemment bien à l'école, il est apprécié de tous. Sa rapidité d'intégration est exemplaire. Il devient le protégé de son maitre de stage, qui l'aide et lui permet de travailler les week-ends et les vacances afin de l'éloigner de sa famille.

Les 18 ans arrivent. D est au plus mal. Il ne veut pas que j'entame des démarches afin de demander la régularisation de sa situation administrative. Deux mois après, il se décide: il ne veut pas continuer à vivre dans la crainte. On sait alors que c'est quitte ou double, mais vivre dans l'illégalité n'est plus envisageable pour lui.

La procédure est lancée, je monte un dossier, auquel je joins des témoignages de professeurs, une promesse d'embauche de son maitre de stage, et un rapport social comme jamais je n'avais écrit.

J'ai voulu faire passer ce dossier par le biais du chef d'établissement, afin de l'appuyer. Celui-ci a refusé: "je n'ai pas à prendre position", m'a-t-il répondu !! Merci encore….

Allant au culot, j'ai alors demandé à mon Big Boss, ami du préfet. Celui-ci a accepté aussitôt, a appuyé mon dossier et l'a directement envoyé de ses services. MERCI.

Quelques mois plus tard, D recevait sa réponse: il allait obtenir une carte de résident. Cela signifiait tellement pour lui… non seulement il se sentait chez lui, en France, ce pays qu'il admire, mais en plus, il allait pouvoir retourner voir ses parents, qu'il n'avait pas vu depuis 4 ans.

A Noël, D est allé voir sa famille.

Il a obtenu son BEP quelques mois plus tard.

Maintenant il travaille au soleil, et chaque jour une petite pensée s'envole vers lui.

C'est un honneur de pouvoir rencontrer des jeunes comme ça, plein d'humilité, de tolérance et d'espoir, …d'espoir en ce pays qui est le notre, et qui malheureusement aujourd'hui n'est plus une terre d'accueil.

Ces jeunes ont tant à nous apprendre et à nous donner, leurs sourires et leur force d'âme sont une chance pour notre pays.