Le Canada a connu de belles années fastes de vaches grasses, où l’argent tombait du ciel. Les surplus astronomiques de l’Alberta et son or noir, les taxes par-dessus des taxes qui venaient gonfler les coffres de l’état. Mais tout ceci est bien terminé; dans un précédent article , je faisais mention des prévisions du gouvernement fédéral canadien qui a annoncé qu’un déficit de 30 milliards est prévu pour 2009. A qui la faute? Au gouvernement? A la conjoncture mondiale? Chose certaine, les canadiens qui du haut de leur montagnignatieff-1.jpge, regardaient paisiblement le tsunami économique dévaler et tout détruire sur son passage, viennent de perdre pied; et nous voilà bel et bien emportés par la vague…

 Nombreux sont les analystes qui se sont jetés à bras raccourcis sur le gouvernement de Stephen Harper, l’accusant d’être responsable de la crise au Canada. La baisse de la TPS, d’à peine deux pour cent, serait par un calcul mathématique simpliste, la principale raison des pertes totalisant 35 milliards au gouvernement. Vraiment quel manque d’objectivité de ces ayatollahs de la politique, qui laissent à peine transparaître leur partisanerie anti-conservatrice. Contorsionnant leur analyse pour en arriver à des conclusions aussi loufoques qu’invraisemblables.

 

Ne voient-ils pas cette colère? N’entendent-ils donc pas les cris, qui montent depuis le Japon jusqu’en Europe, des millions de travailleurs sans emplois, frappés de plein fouet des conséquences de la crise économique MONDIALE?  Des gouvernements en France, en Chine et ailleurs, cherchant désespérément le remède miracle pour relancer leur industrie? Oui, car même la Chine, le géant aux pieds d’argile vient de glisser dans sa propre glaise. La délocalisation de nos entreprises vers l’Asie a certes permis à la Chine de s’émanciper comme puissance industrielle, fabriquant maintenant toutes sortes de produits. Mais à qui diable pourra-t-elle les vendre, si les consommateurs occidentaux ont le portefeuille à sec? La Chine se retrouve prise au piège dans un cercle vicieux, où elle aura beau produire autant qu’elle veut, plus personne n’achètera. Un plan de relance devient alors nécessaire, un New Deal, aussi audacieux et gargantuesque que l’économie qu’il tente de sauver. Ces mesures équivalent à «environ 7% du PIB de la Chine en réductions fiscales et en investissements chaque année, au cours des deux prochaines années», souligne l'économiste de JP Morgan, Frank Gong. En l’occurrence, on parle ici de 4000 milliards de yuans (environ 455 milliards d’euros) qui seront nécessaires.

 

Alors non, Stephen Harper, n’est certes pas coupable de la crise touchant le Canada. Coupable d’un seul crime peut-être, c’est d’en avoir trop donné au Québec. D’avoir mis à nombre de reprises sa tête sur le bûcher et s’être saigné à blanc pour nous plaire. D’avoir envoyé 700 millions $ en règlement de péréquation à Québec, que Jean Charest, s’est empressé d’empiffrer pour mousser sa campagne électorale de 2007, plutôt que de les distribuer aux industries forestières et manufacturières en péril. Alors vivement mea-culpa à Dalton Mcguinty, premier ministre de l’Ontario, qui aurait dû hériter de toutes ces bonnes grâces d’Ottawa. Vivement mea-culpa à l’Alberta et aux provinces de l’Ouest qui n’ont plus à se faire traiter comme les colonies du Canada : « Envoyez-nous l’argent de votre pétrole, mais gardez vos idées et vos opinions de cowboys pour vous !». Toutefois, le conservatisme d’ouverture, le fédéralisme symétrique existent encore et la réconciliation des deux solitudes (Québec/ Canada) doit rester au centre de ces dogmes politiques. Cependant, on ne peut plus plaire exclusivement aux uns au détriment des autres.

 

 

parlementcanada.jpgAlors pourquoi cet acharnement sur Harper, si ce n’est que pour paver la voie à un autre leader. Le Obama des canadiens, venu en sauveur et sortant des illustres universités du Massachusetts. Oui, parce que ça devient vraiment une épidémie lassante que cette folie du messianisme politique. Quoi qu’il en soit, «voici l’Homme», celui que les médias attendent depuis longtemps : Michael Ignatieff.  Le parti libéral a trouvé son héro; car visiblement Stéphane Dion, ancien chef du parti, ne faisait pas du tout l’affaire. Est-ce vraiment une nouvelle surprenante ? Harper a bénéficié de la faiblesse d’un «leader» de l’opposition molasson, qui rounds après rounds se faisait mettre K.O par son adversaire parlementaire. A l'époque, il m’apparaissait évident que cela n’était pas pour déplaire à Ignatieff , qui à chaque faux-pas de son chef,  Stéphane Dion, se voyait se rapprocher du trône tant convoité. Les libéraux ayant encaissé une défaite historique aux élections fédérales d’octobre dernier, Dion quitte le parti et Ignatieff en prend les rênes. Tout était écrit dans le ciel et tout s’est passé comme il se devait.

 

Mais l’intrigue du spectacle ne fait que commencer. ENFIN, nous allons assister à un combat épique entre deux colosses, deux Héraclès de la politique. Une algarade à laquelle les canadiens n’avaient pas eut droit depuis les belles années du protagonisme opposant les Diefenbaker contre le prix Nobel, Lester B. Pearson ; les Trudeau contre Mulroney… Acheter votre pop-corn et syntonisez les meilleures chaînes d’informations continues, RDI, LCN etc. Car le printemps prochain nous réserve un feu d’artifice politique sur la colline parlementaire à Ottawa. Ignatieff contre Harper. L’un, ancien professeur à Harvard et débatteur redoutable ; l’autre, économiste émérite et fin stratège qui ressuscita d’entre les morts le parti conservateur, qu’un complot fomenté  par Bouchard et Parizeau envoya six pieds sous terre en 1993.

 

Ignatieff n’aura certainement pas besoin du Bloc Québécois et de Gilles Duceppe pour lutter contre Harper. Le parasite bloquiste, tout heureux de faire parti du triumvirat, a eu sa minute  de gloire, en s’accoquinant à la coalition NPD-Parti libéral, contre les conservateurs. Mais il risque bien de se retrouver à la porte au retour de la session parlementaire. «J'ai dit à mon caucus ce matin […] je suis prêt à diriger un gouvernement de coalition avec mes partenaires SI c'est ce que la gouverneure générale nous demande de faire». A mentionné Michael Ignatieff à cet égard. Mais habitué à un double langage, ce discours pourrait bien cacher un subterfuge pour confondre les tenants de la thèse que la coalition ne survivra pas même jusqu’au mois de mai. Car Ignatieff est fondamentalement fédéraliste et s’associer aux séparatistes pour prendre le pouvoir serait contre ses principes personnels. Bien sûr, s’il faut coucher avec les bloquistes pour la raison d’état et que «la gouverneure générale nous demande de [le] faire» alors il le fera en rechignant. Mais il sait pertinemment que Michaelle Jean, gouverneure générale et représentante de sa très britannique majesté the Queen Elizabeth II, ne demandera jamais à un parti séparatiste anti-britannique, cherchant à détruire le Canada de surcroît, de former le gouvernement de ce même pays.

 

D’où le fait que son excellence madame Jean, a préféré accorder une prorogation de la session parlementaire à Stephen Harper, plutôt que de laisser la coalition, dont font parti les séparatistes, renverser le gouvernement. La vraie question est : Duceppe a-t-il plus besoin d’Ignatieff que le contraire ? La réponse se présente d’elle-même. On a plus affaire à un Stéphane Dion, maladroit, sans flair et impopulaire.  Michael Ignatieff, avec tout son charisme, peut aller chercher les appuis qu’il veut au Québec avec ou sans l’aide de Gilles Duceppe.

 

De son côté, Stephen Harper n’a plus une seule seconde à perdre. Le sursis que lui accorde la gouverneure générale par la prorogation de la session parlementaire, ne lui servira pas à aller danser la gigue durant les fêtes. Mais plutôt à affûter ses arguments contre un parti Libéral qui se réveille du cauchemar Dion. Il a déjà fait des pas intéressants en asseyant à sa table les gouvernements des provinces et en mettant la politique idéologiste sur la glace. A présent, il lui faut diriger le pays selon les manuels de théorie de l'économiste dont il est passé maître, le modus operandi. Chaque pièce du puzzle économique doit être mise en place en suivant le mode d’emploi à la lettre, plutôt que d’y aller avec un simple feeling. Et la manœuvre, aussi quintessencié que de faire atterrir un avion sur un 10 cents, ne lui laisse aucune place à l’erreur. Il aura besoin d’une équipe forte pour le seconder, car même les plus grands généraux, sans armée, ne gagnent pas la guerre. Son talon d’Achille reste encore et toujours le Québec. Cependant en novembre 2007, les conservateurs trônaient dans les intentions de votes dans la province avec 31%, avant de chuter à 11% en octobre 2008. Le territoire est hostile, mais pas imprenable ; telle est mon analyse. Si Harper ne peut plus compter sur le parti de l’ADQ pour le soutenir, il peut toujours se constituer une équipe de rêve avec les valeureux soldats adéquistes tombés au combat, lors des élections provinciales du 8 décembre. Il ne lui suffirait que de leur donner personnellement le signal, pour qu’ils et elles lèvent les armes à nouveau et chargent à toute allure sur l’ennemi. Quant à Mario Dumont qui annonçait qu’il se retirait de la politique, la première image qui me vint alors à l’esprit fut celle de Robert Bourassa. Après avoir perdu ses élections en novembre 1976, il se retirait question de se ressourcer, avant de revenir en force pour un règne brillant qui dura de neuf années au pouvoir. Tomber pour mieux rebondir sous d’autres cieux ! Mais outre les adéquistes, Harper a l’embarras du choix au Québec : André Caillé, ancien PDG d’Hydro-Québec, Andrée Ruffo ex-juge au Tribunal de la jeunesse et j’en passe, sont d’autant d’illustres personnages qui ne sont pas si défavorables à sa cause. Il ne lui suffirait que de leur offrir une grande lassitude dans son parti. Après tout, ne sont-ils pas déjà habitués à parler devant les médias sans gaffer ?

 

 

La table est donc mise pour une joute pleine de rebondissements et de surprises. Et si l’hiver canadien s’annonce aride et glacial cette année, notre politique, elle, sera plus torride qu’un feu ardent.