Harcèlement moral privé: la guérison, c’est possible.

Cet article fera suite à ma toute première contribution à Come4News (en 2007, c’est dire si ça remonte !): « Harcèlement Moral Privé », pour essayer de mettre un point (le plus) final (possible) à tout cela.

Je ne reviendrai pas sur les faits passés, c’est inutile. Monsieur M a « payé » ses fautes par un cancer fulgurant et nous a quittés en 2008.

Cela a eu un effet de rapprochement avec le reste de la famille, l’obstacle majeur s’étant allé, j’ai pu me rapprocher de ma mère et ressouder petit à petit les liens avec mes frère et sœur. Mais je ne me doutais pas, à ce moment, du ressentiment qu’ils avaient à mon égard.

Car voyez-vous, je n’ai pas été aux obsèques de Monsieur M. Ma sœur m’avait bien dit « j’ai besoin de toi pour passer ça », mais j’ai expliqué qu’il m’était impossible de rendre hommage à une personne qui m’avait tant fait de mal.

Mon frère et ma sœur, qui ont eu le « droit » d’avoir un « Papa » en la personne de Monsieur M (tout du moins, de ce que j’en sais), ont encore aujourd’hui du mal à digérer mon départ. Pendant longtemps ils ont haï mon compagnon, le rendant coupable des choix que j’avais fait.

Quitter mes études. Déménager dans un village tranquille, sans laisser mon adresse. Les abandonner. Je leur ai expliqué que ces choix, bien qu’ils m’aient conduite à l’époque dans bien des galères, ont fait ce que je suis aujourd’hui et que pour plein de raisons, je ne les regrette pas.

Quand à cette sensation d’abandon, je ne pouvais que la comprendre puisque j’avais moi-même ressenti cela, quand j’étais seule face à Monsieur M et que personne dans ma famille ne me soutenait. Je crois qu’ils m’ont comprise, les relations sont plus aisées aujourd’hui, mais ce jour-là j’ai eu du mal à digérer qu’on me dise, à moi, de demander pardon, de me sentir redevable pour avoir coupé les ponts alors que celui qui avait fait du mal et le savait, puisque je lui en avais parlé maintes fois, n’avait jamais eu ce type de démarche. Au contraire, il m’a toujours semblé qu’il agissait, d’une part en toute connaissance de cause, d’autre part dans toute la morale du monde.

En gros, comme s’il était intouchable. Et à la fin, j’ai écopé de l’image de la Paria, l’Enfant indigne alors qu’il conservait dans la tombe son air de victime, victime de mon départ, de mon ingratitude en somme.

Cela m’a affecté quelques années. Dans mon sommeil, quand il apparaissait alors, je lui hurlais dessus tout ce que je voulais qu’il comprenne, je le frappais, le maudissais, lui disais que je lui espérais tous les maux de la Terre et des Enfers ou j’espérais qu’il croupissait. Et dans ces rêves, il restait indifférent, me regardait et souriait parfois.

Puis plus tard, il réapparaissait dans des rêves pour me dicter sa loi, me dire ce que je devais faire, encore, et bien sûr je l’envoyais paître en lui disant qu’il n’avait plus tellement d’ordre à me donner, à 27 ans.

Aujourd’hui, je commence, je crois, à en voir le bout. Ça va de pair avec mes situations professionnelle (j’ai trouvé ma voie et le diplôme qui va avec, je le passe au CNED et trouve cela passionnant), personnelle (mon couple dure depuis 9 ans et nos enfants sont épanouis, sans compter que je vis dans le quartier ou j’ai grandi et que ça, pour moi, c’est juste la classe), psychologique (j’ai apprivoisé mon corps, bien qu’il soit trop gros pour être vraiment sain – 50kgs de trop c’est pas rien – et trouvé un look féminin qui me mette en valeur – en taille 56, pas rien non plus), etc, etc.

Et quand je pense à Monsieur M et ce qu’il a fait, je pense à ce que j’aimerais lui dire s’il me voyait aujourd’hui. Quand je le vois en rêve, ça sort de temps en temps.

J’aimerais lui dire tout ça, que je me suis trouvée, que l’homme avec qui je suis, celui contre lequel il a porté plainte à l’époque, m’aime et me respecte même si ce n’est pas le Prince Charmant, même s’il a une situation difficile, il a surtout tout ce que j’avais et ai besoin chez un homme et que ça me suffit. Que ma vie et mes galères, si je devais les refaire je les referais toutes parce que ce que je suis aujourd’hui, c’est ma plus grande fierté. Que le métier que j’ai m’a trouvée avant que je le trouve, que c’est très loin de ce que Monsieur M voulait faire de moi, mais que j’y vois un  avenir, une carrière, une évolution et surtout, un épanouissement. Que j’ai aujourd’hui dans mon entourage, famille, amis, collègues et ex collègues, des gens qui sont fiers de moi et croient en moi plus que moi-même.

Que j’ai pas besoin de menacer, crier et frapper mes enfants pour qu’ils me respectent et que moi, qui ai eu une période violente comme lui, avec mon compagnon (jamais les enfants), j’ai réussi à dépasser ça et que ma foi, j’en suis pas morte. Que ma famille n’est pas riche, mais heureuse. Que je suis au chômage depuis 1 mois, mais cette fois, je n’ai pas peur de la suite parce que je sais que je vais retrouver rapidement un job. En vérité, clairement, je n’ai plus peur de grand-chose (bon à part du Noir et du Vide mais ça c’est pas pareil 😉 ).

Et que tout ça, ben c’est pas grâce à lui.

En gros, j’ai 29 ans et le sentiment de guérir, enfin, de tout ça. Parfois je me dis, ce serait mieux si je pouvais lui dire tout ça en face, mais que voulez-vous, on ne ressuscite pas les morts.

Tout ça pour dire que contrairement à ce qu’on m’avait annoncé, sa disparition ne me « bouffe » pas. Tout ce que j’avais à lui dire, je lui ai dit de son vivant. Monsieur M a choisi de les ignorer et continuer dans ses frasques. Si mon parcours a démarré en fonction de lui (de ce qu’il voulait/ne voulait pas que je fasse), ma construction n’a rien à voir avec lui.

Il est aujourd’hui un personnage secondaire de mon histoire.

 

Alors à tous ceux qui vivent ou ont vécu ce que la tendance actuelle appelle un « parent toxique », je dis et répète de ne pas le garder pour soi. Si la famille ne peut pas vous aider, entourez-vous d’amis, de profs, de psychologues ou même de votre généraliste, ou SOS amitié ce genre-là, ça paie pas de mine mais ça fait du bien. Encore une fois, écrivez-le, pour vous ou sur des forums, j’en vois beaucoup sur Doctissimo par exemple même si certains retours sont débiles à mort, l’écrire ça aide à extérioriser.

Sachez qu’on guérit aussi de ça. Ça ne vous bouffe pas toute la vie entière. Vous n’êtes pas coupable de ce qu’on vous a fait, ni de vos réactions. Vous avez le droit de tourner le dos, de couper les ponts, même si ça fait mal à d’autres personnes, c’est vous qu’il faut préserver d’abord pour pouvoir sortir de tout ça, trouver sa voie et progresser. Et ça marche !  

4 réflexions sur « Harcèlement moral privé: la guérison, c’est possible. »

  1. C’est le « Monsieur » qui me gêne (et en plus avec une majuscule!) utilisez « m » et ce serait déjà beaucoup, à moins que vous ayez d’autres raisons …
    Même si il faut lire entre les lignes, bravo pour votre courage de vous raconter !

  2. Zelectron, question d’habitude tout simplement, c’est de l’ordre du réflexe chez moi d’écrire Monsieur et Madame… pas de distinction plus spéciale que ça rassurez-vous.

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