Nous saurons – peut-être – jeudi si les deux sociétés françaises Comigel et Arcadie Sud-Ouest (Spanghero) seront mises totalement ou partiellement hors de cause dans les affaires des surgelés Findus, Picard, &c., à la viande de cheval. Mais en Grande-Bretagne, ce sont des filières indigènes (notre article d’hier) qui ont été découvertes et les Britanniques, surtout musulmans ou israélites, vont de découvertes en découvertes : le halal ou le casher était… cochonné. Par ailleurs, le London Evening Standard évoque de la viande de cheval britannique potentiellement cancérigène et destinée à l’export en Belgique, France, et autres pays européens.

De Paolo Conte (La Petite tendresse):

Les cochons ils ne vieillissent pas,
ils deviennent des saucissons.
Mais les hommes tant qu’ils vieillissent,
ils deviennent des cochons.

La tendresse du porc et du cheval (ou plutôt du poney), transmués en préparations culinaires, n’est plus à vanter. En Angleterre et au Pays de Galles (voir article d’hier), deux abattoirs ont déjà subi les foudres de l’autorité sanitaire, la FSA.

Là, il ne s’agit plus d’importations françaises ou roumaines, mais bien de faux beef finissant dans les assiettes des « Rosbifs ».

Notons que le Royaume-Uni n’a pas l’exclusivité de ces fraudes, notamment à la viande halal. Tout un trafic avait été voici quelques mois découvert à Marseille : avec des quantités impressionnantes de viandes porcines dans le halal.

Pour le moment, les contrôles n’ont visé, outre-Manche, que les abattoirs du Yorkshire et de l’ouest du Pays de Galles. Le madré Peter Boddy, propriétaire d’un abattoir du Yorkshire, et éleveur de kangourous (wallabys), est devenu célèbre du jour au lendemain, insulairement en tout cas. Il se défend d’avoir fraudé mais la police a fait une descente dans ses divers locaux.

Il y a d’abord eu de la viande polonaise expédiée en Irlande pour finir dans ce pays et en Grande-Bretagne sous forme de hamburgers, préparations culinaires, &c., écoulées en rayons ou restaurants rapides, voire cantines et hôpitaux : c’était du cheval plutôt mieux et beaucoup que trop mal et trop peu mélangé à de la viande de bœuf. Puis l’affaire de la viande de cheval roumaine transitant par la Spanghero (Arcadie Sud-Ouest) et la Comigel.

Mais à présent, Farmbox Meats, près d’Aberystwyth, l’abattoir de Peter Boddy, à Todmorden dans le Yorkshire, sont incriminés. Frederic Raw-Rees, de Farmbox Meats nie avoir été client de Peter Boddy, lequel confirme, et dénie s’être livré à la moindre fraude. Ils vendent bien du cheval, mais pour l’export. Peter Body, lui, fournit des viandes de toutes catégories (dont beaucoup d’exotiques) pour l’alimentation canine ou féline.

Mais la presse soutient que de la viande de cheval britannique a fini dans les assiettes britanniques.

Pire, la chaîne de magasins Waitrose a trouvé du porc dans ses boulettes de viande de « bœuf ». Enfin, ce ne serait pas tout à fait sûr, mais des produits surgelés ont été retirés des rayons. Le porc entrerait pour un tiers dans les boulettes des paquets surgelés d’Essential British Frozen Meatballs. British only, truly British? Les viandes proviendraient d’Écosse, d’un abattoir depuis fermé.

Mais il y aurait aussi du cheval ou du porc ou du poulet dans des pâtés à… l’agneau.
Dans les restaurants des Midlands, l’an dernier, la sauce au curry recouvrait un peu de tout.

Vendredi seront révélés les résultats des tests de produits prélevés dans les rayons des hyper et supermarchés et même d’autres magasins plus petits.

Sur eBay, un malin tente de vendre des lasagnes Findus pour 70 livres. D’autres proposent des lasagnes ou des spaghettis bolognèse au cheval ; oui, mais, et si ces barquettes ne contenaient que du bœuf, et même pas de cheval, porc, poulet, dindon, &c. ?

Le London Evening Standard va plus loin en titrant “Cancer fear as contaminated horse meat may have entered Europe from UK”. Eh non, le continent n’était pas isolé de la Grande-Bretagne et de la viande de cheval potentiellement cancérigène 

C’est quand même un crin exagéré. Est en cause un antidouleur pour chevaux, le phenylbutazone, ou bute, dont la composition est proche de médicaments humains pour les rhumatismes. Le Parti travailliste (Labour Party) a interpellé le gouvernement sur la question. Effectivement, des traces de bute ont été décelées dans des viandes de cheval au Royaume-Uni. Mais les risques pour la santé humaine sont très, très faibles. Rien à voir avec l’histoire dite de « la vache folle » (qui a certes provoqués des décès, mais en nombre somme toute limité, sans doute dû à la très lente incubation, mais ce nombre ne dépasserait que de peu 200 cas depuis 1986).

Mais, dans le cas de la crise de l’ESB (encéphalopathie spongiforme bovine), ou de la maladie de la vache folle, le gouvernement conservateur de John Major avait été fortement accusé de faire de la rétention d’information. Mary Creagh (Labour) a fait état de neuf chevaux détectés positifs au bute l’an dernier : « soit un taux de six pour cent qui suggère que 500 chevaux contaminés auraient pu entrer dans la chaîne alimentaire » (de l’Union européenne et pays associés).

L’abattoir de Peter Boddy n’aurait traité que 44 chevaux l’an dernier. Mais aucun n’avait été testé.

Les Britanniques commencent toutefois à se demander si seuls de petits entrepreneurs sont visés, histoire de préserver les plus gros tout en faisant de retentissants exemples pour inciter tout le secteur à une meilleure prudence.

Dafydd Raw-Rees, le propriétaire de Farmbox Meats se rebiffe et alors qu’il est frappé d’interdiction d’exercer, il tenterait de poursuivre son activité. Il aurait notamment entreposé des déchets et autres résidus derrière son abattoir de Cerdigion. Le Daily Telegraph a indiqué que des sacs étaient placés dans des véhicules ce matin encore.

Une partie de la presse implique les emballeurs et la grande distribution. Une régulation européenne interdisant l’emploi de certaines parties résiduelles des carcasses a fait monter les prix pour les fournisseurs, mais manufacturiers finaux et hypermarchés auraient refusé de rogner sur leurs marges ou de hausser un peu les prix pour compenser.

Bloomberg Businessweek considère que si Bruxelles devait accoucher de réglementations encore plus contraignantes, cette fois, les prix devraient monter au final. Stéphane Le Foll veut obtenir une meilleure traçabilité et un étiquetage plus précis. Pour les préparations carnées, les viandes finissant sur les rayons proviennent de quatre à six pays en général.

Les bouchers anglais augmentent les prix des meilleurs morceaux, retrouvant un niveau atteint en 2004. Il faut désormais compter en moyenne plus de quatre euros du kilo de viande de bœuf (prix de gros, et non au détail) et jusqu’à neuf euros au marché de Smithfield (Londres).

Les prix devraient monter partout en Europe.

Le Times, dans un éditorial, a estimé : « nous avons tous mangé du cheval (…) et la vérité, c’est que si on pouvait nous vendre du glouton [ndlr. ou carcajou], du chaton ou du rat, ce serait fait pas-vu, pas-pris. ». Le Times avait publié une caricature de François Hollande en Marie-Antoinette faisant face à une foule revendicative avec cette légende : « qu’ils mangent donc du cheval » (allusion à la fameuse « brioche » présumée recommandée par la reine en guise de pain).
Le Mirror voudrait que les trafiquants soient soumis à la question, et leurs plantes de pieds chatouillées au chalumeau.
Plus de la moitié des Britanniques incriminent l’autorité sanitaire, la FSA, qui a fait trop peu et trop tard.

Mais certains profitent de la crise. Notamment des vendeurs de viandes exotiques proposant du cheval. À Édimbourg, le luxueux restaurant L’Escargot bleu, qui en propose, a vu la demande croître. Le restaurant mongol Khublai Khan de Glasgow, qui en sert aussi, de provenance française, ne désemplit pas. Et les bouchers de proximité sont préférés aux supermarchés par ceux qui le peuvent. La joue de poney braisée sauce à la menthe sera-t-elle bientôt prisée outre-Manche ?

Un député travailliste de Glasgow a interpellé le Premier ministre, David Cameron, en lui demandant si ses propos étaient « 100 % bull » (bullshit désignant le crottin ou les bouses ; l’emploi de beef au lieu de bull aurait été moins, euh, savoureux ?).

En Russie, du fait de la demande de régions musulmanes où le cheval est consommé, cette viande est plus coûteuse que celle de bœuf. Mais que trouve-t-on vraiment dans les préparations chevalines russes dans ce cas ? Pas de trace de bœuf ?

Le scandale s’étend en Europe, ce jour à la Westphalie, en Allemagne. D’autres pays devraient suivre.

Selon un grossiste en viandes irlandais, Martin McAdam, interrogé par la chaîne RTE, la différence de prix entre viande de cheval et de bœuf (environ plus chère d’un cinquième) sous forme de minerai (viande désossée pour être congelée) peut représenter « de cinq mille à dix mille euros par camion ». L’étalon est d’or, et l’appât du gain est galopant. 

Depuis les Pays-bas

Aux dernières nouvelles, le trader néerlandais Jan Fasen, de Draap Trading Ltd, qui a revendu de la viande de cheval roumaine à Spanghero, est visé. Il avait déjà été condamné à neuf mois de prison ferme en janvier 2012 : il revendait du cheval sud-américain en le faisant passer pour du bœuf.